Précision

Pont Honoré-Mercier

Dans la rubrique « Zoom Retro » parue hier, la légende accompagnant la photo d'archives du pont Honoré-Mercier (et non simplement « Mercier ») contenait une erreur géographique. Il aurait fallu lire que le pont Honoré-Mercier lie le territoire mohawk de Kahnawake à l'arrondissement LaSalle (et non à l'ancienne Ville Saint-Pierre, devenue Lachine). Nos excuses.

Sommet de Paris sur le climat

Le titre qui coiffait le texte publié en écran 17 hier aurait dû être « La pollution marque une pause » et non pas « Le réchauffement climatique marque une pause ». Nos excuses.

Chronique

Noyer le poisson

Le poisson, c’est moi. Celui qui veut le noyer, c’est le ministère des Affaires municipales du Québec.

Une connaissance au fait d’un dossier m’a lancée sur une piste : « Va fouiller au MAMROT, un projet informatique, D-20. C’est n’importe quoi. » Par n’importe quoi, elle entendait des dépassements de coûts, évidemment, des objectifs flous, des délais qui s’allongent pour un système informatique qui a l’air de s’enliser.

Le gouvernement a casqué 22 millions depuis le début du projet, en 2009, il en reste une douzaine à dépenser d’ici la fin, prévue dans six mois. À terme, on devrait avoir « une nouvelle solution d’affaires qui vise à mettre en place les services permettant de gérer de façon uniformisée l’ensemble des programmes d’aide financière en infrastructures municipales ».

C’est de la prose, ça, monsieur.

Le 27 novembre, j’ai fait une demande d’accès à l’information pour en avoir le cœur net, j’ai demandé les documents et les rapports qui traitaient du projet D-20, qui s’appelle aussi MOSAIC. On m’a répondu gentiment par lettre qu’on avait bien reçu ma demande, que j’aurais des nouvelles dans trois semaines.

C’est le délai prévu par la loi.

Trois semaines plus tard, le matin du 23 décembre, je reçois un courriel : « Suite à l’analyse de votre demande d’accès reçue le 27 novembre dernier, nous recensons jusqu’à maintenant plus de 142 000 pages concernant tous les documents, incluant les rapports et les analyses de coûts, du projet D-20. »

« Avant de donner suite, j’attendrai votre confirmation de poursuivre la cueillette d’information, puisque la Loi sur l’accès aux documents […] prévoit que des frais peuvent être exigés pour la transcription, la reproduction et la transmission de documents. Ces frais s’élèveraient jusqu’à maintenant à plus de 50 000 $ pour une reproduction papier des pages ciblées. »

Pensez-y un peu, 142 000 pages. Ça veut dire que, chaque jour ouvrable, pendant cinq ans, il s’est produit pas moins de 109 pages concernant ce seul projet informatique. J’ai compris deux choses : primo, ma demande était visiblement trop large ; secundo, ce projet a déjà fait couler trop d’encre.

Comme je n’ai pas les 50 000 $, non plus le temps d’éplucher 142 000 pages de documents, j’ai circonscrit ma requête au maximum. J’ai demandé le premier et le plus récent rapport d’étape. C’est raisonnable, me disais-je, et ça me permettra de vérifier si les objectifs de départ ont été atteints.

Ou pas.

Début février, je reçois une enveloppe, grande et mince. Gratis. Dedans, neuf pages de tableaux, de graphiques, de tartes et de baromètres, avec des codes de couleurs rouge, jaune et vert. Le tout dans un phrasé abscons.

Un exemple, en janvier 2014 : « L’interprétatation [sic] de certains points de la portée de la solution lors de l’étape de l’expression des besoins durant les ateliers fait souvent divergence entre les équipes TI et pilotage. La compréhension du système au fur et à mesure qu’il se développe met également en lumière certains écarts de compréhension. Cette problématique augmente de façon importante le temps alloué à la période d’analyse. »

Ce que je comprends, c’est que plus D-20 avance, moins on sait où il s’en va. En supposant qu’on ait déjà su où on voulait aller.

C’est pour savoir d’où on est parti que je voulais avoir le premier rapport d’étape, pour connaître le budget initial, les délais qu’on avait prévus. Dans l’enveloppe, le document le plus ancien date de mars 2013.

Le plus récent a été produit en octobre. Aux dernières nouvelles, donc, la plus récente « évaluation des risques du projet » constate qu’il y a du « retard accumulé dans les travaux de réalisation et de validation » et qu’on n’est pas encore certain que la « portée de la solution permette d’atteindre les objectifs d’affaires ».

On est quand même heureux d’apprendre que « les chargés de projet et le chef de projet coordonnent leurs efforts afin d’arrimer les activités en fonction d’une planification commune ».

Le dernier des trois documents n’est pas daté, il fait référence à un document du 31 mars 2014. On n’y apprend pas grand-chose, à part peut-être, à l’élément « appréciation de l’organisme », que « le projet requiert la mise en place de certaines mesures ». Pas de détails, évidemment, sur les mesures.

J’ai pris le téléphone et j’ai appelé. Il n’y a parfois rien comme une bonne vieille conversation pour avoir l’heure juste. Je l’ai eue. Aucun rapport d’étape n’a été produit avant 2013.

Est-ce à dire que sur les 142 000 pages de documents produites, aucune ne rend compte de l’avancement du projet ?

Ou que le budget de départ a explosé en cours de route ?

On a dit qu’on me rappellerait rapidement, c’était il y a deux semaines déjà. J’ai rappelé presque tous les jours cette semaine, à 11 h, laissé un message chaque fois. J’attends toujours.

Ce qui est bien quand on est un poisson, c’est qu’on a tout son temps.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.