Gabriel Nadeau-Dubois

« Je ne veux pas me retrouver au Club des ex à 36 ans »

Gabriel Nadeau-Dubois sera officiellement investi aujourd’hui candidat de Québec solidaire dans Gouin, sans opposition et alors que la voie le menant vers l’Assemblée nationale est libre, devenant, à 26 ans seulement, l’espoir d’une gauche politique en mal de croissance.

L’ex-leader étudiant de la grève de 2012 affirme n’avoir jamais rêvé de devenir député. La politique l’a toujours intéressé, mais il se méfie des partis politiques et de la « machine » parlementaire qui avale parfois les esprits les plus indépendants.

« Le risque est réel, ce n’est pas pour rien que ç’a été aussi long avant que je me branche, dit-il. Je suis jeune et je ne veux pas me retrouver au Club des ex à 36 ans, dans 10 ans ! »

Il y a quelques mois à peine, GND était inquiet de l’avenir du mouvement progressiste au Québec et ne croyait plus vraiment en sa relance. C’est l’expérience de Faut qu’on se parle, la tournée d’assemblées de cuisine faite avec ses complices en 2016, qui lui a redonné espoir et le goût de plonger en politique.

« [La tournée] a été le déclencheur. On s’est dit : “On n’est pas tout seuls, on n’est pas débiles de penser qu’on peut changer des choses.” »

— Gabriel Nadeau-Dubois

La démission de Françoise David est toutefois arrivée plus vite que prévu, précipitant les choses pour GND. « J’ai décidé d’y aller par sens du devoir envers le Québec et envers les progressistes. Le départ de Françoise [David] pose tout un défi à QS, qui risque de péricliter. »

Le Parti québécois, récemment, et le Bloc québécois, en 2015, avaient aussi courtisé M. Nadeau-Dubois, mais pour lui, une chose était claire depuis quelques années : s’il devait un jour faire de la politique dans un parti, ce serait avec QS, pas ailleurs.

« Certains disent que je déteste le PQ et que les gens de QS détestent le PQ, mais ce n’est pas ça, reprend-il. Je ne m’identifie pas au PQ. C’est différent. Je n’ai pas de lien affectif envers ce parti. Moi, le premier chef péquiste que j’ai connu, c’est Lucien Bouchard, pas René Lévesque ! »

L’annonce de son arrivée à Québec solidaire a eu un impact immédiat : plus de 5000 nouveaux membres (dans un parti qui n’en comptait que 10 000), dont plus de 60 % vivant hors de Montréal.

Les leçons de 2012

S’il dit avoir été inspiré par l’expérience Faut qu’on se parle, GND a aussi tiré des leçons de la grève étudiante longue et mouvementée de 2012.

« Je pense qu’il aurait fallu être plus clairs en dénonçant les actes de violence et mieux gérer notre visibilité dans les médias pour éviter d’être surmédiatisés », dit-il.

Pour le reste, GND ne regrette rien. « Je sais que pour bien des gens, 2012, ça a été l’apocalypse, mais le fait est que c’est aussi l’éveil politique de ma génération et le plus grand mouvement social de l’histoire du Québec », dit-il.

Le jeune politicien note aussi avec le sourire que le climat s’est beaucoup apaisé depuis 2012. 

« À l’époque, des gens me lançaient des objets. Je me faisais insulter et même cracher dessus, mais le niveau d’animosité est beaucoup moins élevé maintenant. »

— Gabriel Nadeau-Dubois

Gabriel Nadeau-Dubois était espéré depuis longtemps à QS, mais il est aussi très attendu par les autres partis.

Les libéraux, qui ne portent pourtant pas le jeune homme dans leur cœur, se frottent déjà les mains en voyant Québec solidaire gruger des votes au PQ. Plusieurs libéraux interrogés croient par ailleurs que l’inexpérience de GND le rattrapera bien vite à l’Assemblée nationale.

Chez les péquistes, on n’a pas apprécié la sortie du candidat vedette de QS sur les « politiciens qui ont trahi les Québécois depuis 30 ans ».

« Cette sortie était planifiée, ce n’est pas un accident, et à voir les premiers sondages, il semble qu’il ait fait mouche », dit un ex-ministre péquiste.

Vers une alliance ?

GND parle sporadiquement de convergence avec des péquistes influents depuis 2015, et le PQ a tenté de le recruter encore récemment, mais on ne sait pas trop à quoi s’attendre dans les prochaines discussions d’alliance électorale.

« Ce serait tout de même ironique que le fondateur de Faut qu’on se parle ne soit pas parlable », lance Paul St-Pierre Plamondon.

Contrairement à l’impression largement répandue après sa première conférence de presse sous les couleurs de QS, Gabriel Nadeau-Dubois n’est pas contre un rapprochement avec le PQ. Tout est dans la manière, dit-il, notamment pour le partage éventuel de circonscriptions.

« Est-ce qu’on peut s’entendre en vue des élections de 2018 ? Oui, c’est possible, répond M. Nadeau-Dubois, mais QS ne sera pas qu’un escabeau sur lequel le PQ peut monter pour se hisser au pouvoir. »

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