Même si le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, dit vouloir agir rapidement auprès de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) concernant la loterie vidéo, le dossier n’est pas une priorité dans le cadre de la consultation sur la modernisation de l’organisme gouvernemental, affirme son collègue député André Drolet.
Ce dernier a été mandaté le 25 août dernier par le ministre Coiteux pour mener des consultations afin de proposer « un nouveau modèle » de la RACJ combiné à un allègement réglementaire. Pour l’instant, aucune rencontre concernant la loterie vidéo n’a eu lieu ni n’est prévue à court terme.
« Je ne suis pas rendu là. Ça fait partie du mandat mais pour l’instant, ça ne fait pas partie de l’ordre des priorités. Je fais le travail qui m’est demandé de faire », a affirmé hier à La Presse M. Drolet.
Plus tôt dans la journée, le ministre Coiteux a soutenu à l’Assemblée nationale qu’il n’est pas « un partisan du statu quo ». « Les changements qui s’imposent seront apportés », a-t-il ajouté.
Le ministre Coiteux réagissait aux révélations de La Presse concernant la présence d’appareils de loterie vidéo (ALV) dans des bars liés au crime organisé. Ces bars retirent des millions de dollars en commissions grâce à une licence accordée par la RACJ pour l’exploitation des appareils.
Le gouvernement compte « passer au peigne fin » les décisions de la RACJ évoquées par l’enquête de La Presse, a affirmé M. Coiteux. « On fait état de faits troublants qui me préoccupent comme ministre de la RACJ. Dès [hier] matin, j’ai téléphoné à la présidente [France Lessard]. »
« Je veux que chacun des cas soulevés par La Presse soit revu. Je veux comprendre pourquoi chaque décision a été prise. »
— Martin Coiteux, ministre de la Sécurité publique
La RACJ « en mode collaboration »
Au-delà du coup de fil, le ministre compte rencontrer Mme Lessard bientôt pour discuter de changements nécessaires aux règlements ou à la loi. À la RACJ, on s’est borné à dire que l’on est « en mode collaboration » avec le gouvernement.
La professeure de droit à l’Université de Montréal Martine Valois se montre critique de la réaction de Martin Coiteux. « Ce que fait le ministre Coiteux en appelant la présidente, c’est un accroc au principe fondamental de l’indépendance des tribunaux. C’est l’équivalent d’appeler un juge en chef pour lui dire que les décisions de son tribunal n’ont pas d’allure », estime-t-elle, avant d’ajouter que la présidente de la RACJ doit fournir au ministre tout renseignement ou document qu’il requiert.
En Chambre, les députés des oppositions péquiste et caquiste se sont indignés de la situation soulevée par La Presse. Pour Stéphane Bergeron, porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique, le reportage montre que « Loto-Québec verse des millions à la mafia ».
« C’est le Far West, on alimente le crime organisé. Cela devrait préoccuper le ministre de la Sécurité publique. »
— Stéphane Bergeron, porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique
On constate, rappelle M. Bergeron, que la RACJ a accordé des licences contre l’avis des policiers. « On a maintenant la preuve que cette industrie alimente le crime organisé », a-t-il dit.
Pour lui, le gouvernement Couillard devrait revoir sa décision, lui qui, la semaine dernière, avait repoussé la proposition péquiste de confier au Vérificateur général le mandat d’enquêter sur cette industrie.
Après avoir fait campagne dans Saint-Jérôme pour l’élection complémentaire, le chef de la Coalition avenir Québec François Legault rappelle que le maire avait réclamé la diminution des 150 appareils de loterie vidéo qui se trouvent dans sa ville. « Il y a des pères de famille qui jouent toute leur paye, il y a des drames humains », a souligné le chef caquiste. Pour lui, le premier ministre Couillard offre « toujours des paroles, des paroles, mais pas d’actions ! »
En réplique, M. Couillard a répété qu’il souhaitait « réduire l’offre de jeu partout au Québec, pas juste dans les comtés où il y a des élections partielles. »