Loterie vidéo

Les impacts de notre enquête

28 SEPTEMBRE

La Presse révèle que les bars dotés d’appareils de loterie vidéo (ALV) bafouent impunément les règles censées prévenir les problèmes de jeu. Le ministre des Finances, Carlos Leitao, promet de s’assurer que Loto-Québec et la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) « se mettent à l’œuvre pour que les règles existantes soient suivies ». Le premier ministre Philippe Couillard décrète que les 375 appareils de loterie vidéo inactifs ne seront finalement pas redistribués. Il décide d’intervenir pour faire bannir les guichets automatiques à proximité des ALV. La Coalition avenir Québec (CAQ) réclame le retrait de 1600 ALV.

5 OCTOBRE

La Presse révèle que Loto-Québec ne respecte pas sa propre norme de 2 ALV/1000 habitants dans un bon nombre de localités, dont plusieurs sont défavorisées. À l’Assemblée nationale, le PQ réclame une enquête du Vérificateur général sur la gestion des appareils de loterie vidéo, et la CAQ exige la tenue urgente d’une commission parlementaire extraordinaire. Elle réclame aussi la création d’un organisme autonome de régulation du jeu. Le ministre Leitao répond qu’il rencontrera la direction de Loto-Québec deux jours plus tard.

6 OCTOBRE

La Presse rend publique une carte produite par la Direction de santé publique de Montréal pointant sept arrondissements de Montréal où le niveau de risque d’avoir des problèmes de jeu ou d’en subir les contrecoups est élevé.

7 OCTOBRE

Le ministre Leitao dépêche un employé politique pour rencontrer Loto-Québec. Une réduction d’environ 1000 appareils est envisagée. La société d’État devra soumettre un plan.

20 OCTOBRE

La Presse révèle que Loto-Québec confie des appareils de loterie vidéo à certains tenanciers de bar qui sont liés au crime organisé et qui reçoivent des millions de dollars en redevances. Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, dit vouloir rencontrer la présidente de la RACJ pour discuter de changements nécessaires aux règlements ou à la loi.

Loterie vidéo

Québec compte « passer au peigne fin » les décisions de la Régie

Même si le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, dit vouloir agir rapidement auprès de la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) concernant la loterie vidéo, le dossier n’est pas une priorité dans le cadre de la consultation sur la modernisation de l’organisme gouvernemental, affirme son collègue député André Drolet.

Ce dernier a été mandaté le 25 août dernier par le ministre Coiteux pour mener des consultations afin de proposer « un nouveau modèle » de la RACJ combiné à un allègement réglementaire. Pour l’instant, aucune rencontre concernant la loterie vidéo n’a eu lieu ni n’est prévue à court terme.

« Je ne suis pas rendu là. Ça fait partie du mandat mais pour l’instant, ça ne fait pas partie de l’ordre des priorités. Je fais le travail qui m’est demandé de faire », a affirmé hier à La Presse M. Drolet.

Plus tôt dans la journée, le ministre Coiteux a soutenu à l’Assemblée nationale qu’il n’est pas « un partisan du statu quo ». « Les changements qui s’imposent seront apportés », a-t-il ajouté.

Le ministre Coiteux réagissait aux révélations de La Presse concernant la présence d’appareils de loterie vidéo (ALV) dans des bars liés au crime organisé. Ces bars retirent des millions de dollars en commissions grâce à une licence accordée par la RACJ pour l’exploitation des appareils.

Le gouvernement compte « passer au peigne fin » les décisions de la RACJ évoquées par l’enquête de La Presse, a affirmé M. Coiteux. « On fait état de faits troublants qui me préoccupent comme ministre de la RACJ. Dès [hier] matin, j’ai téléphoné à la présidente [France Lessard]. »

« Je veux que chacun des cas soulevés par La Presse soit revu. Je veux comprendre pourquoi chaque décision a été prise. »

— Martin Coiteux, ministre de la Sécurité publique

La RACJ « en mode collaboration »

Au-delà du coup de fil, le ministre compte rencontrer Mme Lessard bientôt pour discuter de changements nécessaires aux règlements ou à la loi. À la RACJ, on s’est borné à dire que l’on est « en mode collaboration » avec le gouvernement.

La professeure de droit à l’Université de Montréal Martine Valois se montre critique de la réaction de Martin Coiteux. « Ce que fait le ministre Coiteux en appelant la présidente, c’est un accroc au principe fondamental de l’indépendance des tribunaux. C’est l’équivalent d’appeler un juge en chef pour lui dire que les décisions de son tribunal n’ont pas d’allure », estime-t-elle, avant d’ajouter que la présidente de la RACJ doit fournir au ministre tout renseignement ou document qu’il requiert.

En Chambre, les députés des oppositions péquiste et caquiste se sont indignés de la situation soulevée par La Presse. Pour Stéphane Bergeron, porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique, le reportage montre que « Loto-Québec verse des millions à la mafia ».

« C’est le Far West, on alimente le crime organisé. Cela devrait préoccuper le ministre de la Sécurité publique. »

— Stéphane Bergeron, porte-parole du Parti québécois en matière de sécurité publique

On constate, rappelle M. Bergeron, que la RACJ a accordé des licences contre l’avis des policiers. « On a maintenant la preuve que cette industrie alimente le crime organisé », a-t-il dit.

Pour lui, le gouvernement Couillard devrait revoir sa décision, lui qui, la semaine dernière, avait repoussé la proposition péquiste de confier au Vérificateur général le mandat d’enquêter sur cette industrie.

Après avoir fait campagne dans Saint-Jérôme pour l’élection complémentaire, le chef de la Coalition avenir Québec François Legault rappelle que le maire avait réclamé la diminution des 150 appareils de loterie vidéo qui se trouvent dans sa ville. « Il y a des pères de famille qui jouent toute leur paye, il y a des drames humains », a souligné le chef caquiste. Pour lui, le premier ministre Couillard offre « toujours des paroles, des paroles, mais pas d’actions ! »

En réplique, M. Couillard a répété qu’il souhaitait « réduire l’offre de jeu partout au Québec, pas juste dans les comtés où il y a des élections partielles. »

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Comment avons-nous réalisé cette enquête ?

En vertu de la Loi sur l’accès à l’information, nous avons d’abord demandé la liste des 1900 établissements détenteurs de permis d’appareils de loterie vidéo à la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ). À l’aide du logiciel Open Refine et de l’interface de programmation (API) du registre Open Corporates, nous avons pu trouver la majorité des noms des propriétaires des sociétés à numéro détentrices de licences. Nous avons ensuite contre-vérifié manuellement chaque nom, notamment dans le registre des entreprises du Québec. Une recherche dans la banque de données de la RACJ nous a également permis de trouver plus de 100 décisions où l’on évoquait les liens des tenanciers qui détiennent des ALV avec le milieu criminel. Nous nous sommes limités aux années 2010 à 2016 dans la recherche.

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