Opinion

Changer les tendances nuisibles en transport

Dans le cadre du Pacte pour la transition, quelques auteurs ont élaboré un plan d’action contre le changement climatique. Ce plan est intitulé « 101 idées pour le climat »*.

Prises individuellement, ces 101 idées nous semblent presque toutes pertinentes. Par contre, nous croyons qu’un tel plan d’action néglige d’envoyer un message essentiel : en transport, notre société a établi plusieurs « biais structurels » en faveur du pétrole et de l’automobile privée. Pour réduire les émissions de GES, il est essentiel de réduire deux biais structurels. 

Premièrement, le transport routier bénéficie de routes gratuites, de stationnements gratuits et de nombreux services publics (police, soins de santé dus aux accidents) que les automobilistes ne paient pas directement. Ces infrastructures et services représentent une subvention nette de 5000 $/an pour chaque automobile. Nous n’avons pas évalué en détail les subventions à chaque camion, mais elles sont sûrement plus élevées.

Deuxièmement, nos politiques ont favorisé l’étalement urbain de faible densité, qui rend chaque ménage dépendant de plusieurs véhicules individuels.

Ces deux biais expliquent pourquoi les émissions de GES des transports ont augmenté depuis 20 ans.

Pour qu’un plan d’action soit efficace, nous proposons donc les interventions suivantes : 

A. Stopper l’étalement urbain, concentrer le développement et en augmenter la densité urbaine. Cet objectif peut être atteint par une diversité de moyens d’action, notamment par un zonage effectif (difficile) et en évitant de construire de nouvelles routes. Mais le moyen le plus efficace est au point suivant (B).

B. Établir des réseaux de transport collectif structurants (tramway ou métro), dans tous les quartiers où la densité le justifie. Ce moyen d’action permet de réaliser plusieurs gains simultanés : électrification et remplacement du pétrole ; réduction de la dépendance à l’auto et de son taux de possession ; conversion de plusieurs automobilistes au transport collectif ; et surtout, attirer un développement dense autour des stations, inversant ainsi la tendance à l’étalement de faible densité.

C. Diminuer grandement les subventions directes et indirectes à l’automobile individuelle, y compris les véhicules électriques. Certains analystes affirment que la taxe fédérale sur le carbone est inefficace dans le secteur des transports (environ 300 $ par an, pour l’usage typique d’un véhicule). Le motif est simple : en instaurant une telle taxe, nous disons à chaque automobiliste : « L’année prochaine, vous ne recevrez plus 5000 $ en subventions, mais seulement 4700 $. » Notons que chaque véhicule électrique reçoit aussi une subvention de 5000 $. Il nous apparaît exagéré d’en ajouter. Rappelons que l’auto électrique ne permet aucune réduction des besoins en routes, stationnements, services publics et aucune réduction de la congestion. En fait, plusieurs caractéristiques de l’auto électrique permettent d’affirmer qu’elle va accroître l’étalement urbain : les propriétaires pourront croire qu’ils peuvent se localiser très loin, sans conséquence, puisqu’elle n’émet pas de GES (faux). De plus, son coût d’achat est très élevé, alors que son coût de fonctionnement est très faible, une logique économique qui favorise l’utilisation.

D. Instaurer une réforme fiscale écologique, qui permet de démontrer à la population que chaque taxe verte sera compensée par une baisse des taxes existantes. De plus, une telle réforme fiscale permet des mesures pour aider les citoyens les plus pauvres. Les 101 idées proposent plusieurs taxes vertes pertinentes : stationnement (idée n21), péages (n25), kérosène des avions (n34), déchets (no 55). 

Pour rendre socialement et politiquement acceptables toutes ces initiatives, il est essentiel qu’elles ne soient pas considérées comme des hausses de la taxation globale.

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