Arabie saoudite

Des dromadaires s’invitent dans l’Histoire

Des archéologues ont découvert des dromadaires sculptés dans le roc il y a 2000 ans dans une oasis du nord de l’Arabie saoudite. Ces pétroglyphes grandeur nature sont uniques dans la région, peut-être même dans le monde entier.

Les sculptures

Les dromadaires sculptés dans le roc atteignent des hauteurs de deux mètres. Ils ont été découverts dans une oasis qui faisait autrefois partie des routes caravanières contrôlée par le royaume nabatéen, dont la capitale était la célèbre Pétra, sculptée dans le roc dans l’actuelle Jordanie. « Nous avons identifié une douzaine de dromadaires et de chevaux sculptés sur trois éperons rocheux », explique Guillaume Charloux, du Centre national de recherche scientifique, en France, qui est l’auteur principal de l’étude publiée hier dans la revue Antiquity. Les sculptures auraient été réalisées jusqu’à deux siècles avant Jésus-Christ, ou dans les deux siècles suivants. « C’est assez unique pour la région. Il y a des sculptures de dromadaires, mais beaucoup plus petites, à Pétra. Ailleurs en Mésopotamie ou en Iran, les sculptures d’animaux couramment utilisés comme bête de somme sont aussi plus petites. Et elles sont généralement faites par des autorités royales, alors qu’ici, c’est loin d’être clair. On dirait qu’il s’agit davantage de dévotion populaire. »

Dévotion

Des « cupules », de petites dépressions sur les dromadaires, semblent démontrer qu’ils étaient vénérés. « En Égypte, on voit sur certaines sculptures des cupules formées par le frottement de pierres par des fidèles, qui recueillaient ensuite la poudre considérée comme magique, dit M. Charloux. Mais il pourrait aussi s’agir de marqueurs de territoires. »

Ouverture saoudienne

Les fouilles ont eu lieu en 2016 et 2017. « L’Arabie saoudite a depuis 15 ans une politique d’ouverture en archéologie, dit M. Charloux. Il y a des équipes mixtes étrangères et saoudiennes. » Il y a une dizaine d’années, des équipes allemandes travaillant sur des versions du début du VIIIe siècle du Coran, antérieures au Coran canonique et présentant des différences, gravées sur des os de mouton au Yémen, ont eu des ennuis de sécurité quand les autorités saoudiennes ont eu vent de leurs recherches. M. Charloux a-t-il parfois des pressions parce qu’il travaille sur la période préislamique ? « Non, mais évidemment, on essaie d’être prudents, on n’est pas là pour faire des polémiques. Le dromadaire est un animal emblématique dans la vie des Saoudiens, alors je crois qu’ils sont plutôt fiers de la découverte. »

Les Nabatéens

Le royaume nabatéen a été mentionné pour la première fois au IVe siècle avant Jésus-Christ par des sources grecques, mais tirerait son origine de la destruction en 586 avant notre ère de Jérusalem par Nabuchodonosor, roi de Babylone. Les Nabatéens écrivaient très peu, ce qui complique les recherches sur leur histoire. Fondé sur le commerce caravanier, leur royaume s’étendait du Yémen jusqu’à Damas, avec, au sud, le désert du Sinaï et l’Égypte. Ses sites principaux sont Pétra, en Jordanie, découverte en 1812, et Egra, grande jonction caravanière, plus au sud en Arabie saoudite, qui fait l’objet de fouilles depuis 1986. « Les grandes cités caravanières nabatéennes ont continué à prospérer sous les Romains, dit M. Charloux. Mais après la conquête du royaume par l’empereur Hadrien au IIe siècle, les Romains ont privilégié le commerce maritime, pour régler le problème du brigandage. »

Les pétroglyphes du Nunavik

Quand La Presse a demandé à l’archéologue Louis Gagnon, spécialiste de l’art rupestre à l’Institut culturel Avataq, de commenter les dromadaires saoudiens, il a rappelé que la mise en candidature d’un site unique au monde au Nunavik à la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, en décembre, est passée totalement inaperçue. « Qajartalik compte 180 visages sculptés. On ne retrouve un tel nombre de visages nulle part dans le monde », explique M. Gagnon, qui est directeur de la muséologie à Avataq. Le site est situé dans une île à deux kilomètres des côtes du Québec, qui est fréquenté et contrôlé par des familles du Nunavik, mais fait administrativement partie du Nunavut. Les sculptures, décrites pour la première fois dans les années 60 par l’archéologue Bernard Saladin d’Anglure, datent d’il y a un peu moins de 1000 ans et sont l’œuvre des Dorsétiens, qui habitaient la région avant l’arrivée des Inuits, à la même époque. Les visages sculptés dans le roc à Qajartalilk auraient probablement une fonction magico-religieuse, puisque le site était parfois considéré comme un repaire de mauvais esprits, selon M. Gagnon. « Ce serait le lieu de la tombe du dernier shaman inuit. »

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