Vos finances

Adapter le système à la réalité

Traiter une famille recomposée comme n’importe quelle autre famille, en matière fiscale, n’a aucun sens selon plusieurs experts. « Il y a des incohérences dans notre système, souligne Me Alain Roy, professeur de droit à l’Université de Montréal, qui a présidé le Comité consultatif sur le droit de la famille.

Dans son rapport remis au gouvernement en juin dernier, le comité a d’ailleurs souligné que les règles fiscales avaient besoin d’une mise à jour pour s’adapter à la diversité des situations familiales.

« Les liens parentaux suivant une rupture se sont renforcés et les ententes de garde partagée sont devenues plus fréquentes, favorisant ainsi un meilleur partage des responsabilités financières entre les parents », peut-on lire dans le rapport.

À la suite d’une rupture, les familles monoparentales reçoivent plus d’aide gouvernementale, mais ça ne signifie pas que cette aide doit ensuite être revue à la baisse à la suite d’une recomposition. « L’État présume d’une mise en commun des ressources financières du nouveau couple, notamment pour contribuer aux dépenses liées à l’enfant. Or, après un an de vie commune, combien de nouveaux couples mettent effectivement leurs ressources financières en commun ? demandent les auteurs. Peut-on réalistement présumer qu’après une année de cohabitation, ou même après quelques-unes, un beau-parent assumera les mêmes charges financières pour un enfant qu’un parent le ferait avec le même revenu ? »

Revenu Canada présume même que si une femme sans enfants emménage avec un homme qui est père, à temps plein ou en partageant la garde avec la mère, c’est la nouvelle belle-mère qui devient la « responsable » des enfants dans la maison, à la place du père. C’est donc à elle que seront envoyées les prestations pour enfants.

Autre problème : si une personne verse une pension à un ex-conjoint, pour les besoins des enfants ou du parent lui-même, elle ne dispose plus de ces sommes pour participer aux dépenses dans son nouveau ménage. Or, le calcul du revenu familial n’en tient pas compte.

« Ça peut prendre jusqu’à sept ans avant que les nouveaux conjoints mélangent leurs finances », souligne Marie Rhéaume, ex-présidente du Conseil de la famille et de l’enfance, qui avait soumis un rapport au gouvernement à ce sujet en 2008.

Marianne Fortier explique d’ailleurs que cette situation inquiète son nouveau conjoint. « Il élève mes deux garçons comme les siens, il contribue financièrement, mais si je meurs, il n’a aucune garantie qu’il pourra continuer à les voir, que mes fils vont continuer à voir leur demi-sœur », souligne-t-elle.

Le couple a l’intention de se marier, entre autres pour attester de la solidité du lien qui les unit, pour que le nouveau conjoint puisse revendiquer certains droits, s’il arrivait malheur à Mme Fortier.

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