Tuerie à Orlando  Réactions à Montréal

La communauté gaie québécoise ébranlée

Les représentants des principaux organismes LGBT du Québec étaient ébranlés, hier, devant la violence de l’attentat homophobe d’Orlando. Les organisateurs de Fierté Montréal, qui se déroulera en août prochain dans la métropole, ont assuré que la sécurité de l’événement était une priorité. En soirée, une centaine de Montréalais se sont réunis de façon spontanée, dans le Village gai, en solidarité avec les victimes. Réactions.

RASSEMBLEMENT SPONTANÉ

Une centaine de Montréalais homosexuels, lesbiennes, bisexuels, transgenres, « queers », alliés et autres (LGBTQ+) se sont réunis de façon spontanée hier soir au parc de l’Espoir, dans le Village gai, en solidarité avec les victimes de l’attentat homophobe perpétré dans une boîte de nuit gaie d’Orlando.

« Ces événements se sont produits à Orlando, mais ils auraient pu se produire à Atlanta, à Philadelphie, à Toronto ou à Montréal. La haine ne fait que des victimes. Je pense aux femmes victimes de misogynie, je pense aux personnes victimes de racisme, aux personnes discriminées atteintes du VIH et aux personnes de la communauté LGBT », a affirmé un homme qui s’exprimait en ouverture d’une séance à micro ouvert, où tous les citoyens présents sur place avaient l’occasion de parler afin d’exprimer leurs émotions.

« À intervalles beaucoup trop réguliers, nous nous réunissons en vigile pour dénoncer un acte homophobe. Nous avons encore ce désir de vivre envers et contre tous, tels que nous sommes, parce qu’il nous est impossible d’être autre chose. »

— Féadaë Neveu, coorganisatrice du rassemblement spontané hier soir

« Que faisons-nous pour être détestés et tués ? Nous nous aimons et nous sommes. […] Il y a des pays où nous sommes quotidiennement emprisonnés ou assassinés », a dit Féadaë Neveu, coorganisatrice du rassemblement, qui a lancé plus tôt dans la journée un appel à la mobilisation sur une page Facebook.

Dans leurs prises de parole, plusieurs citoyens ont également dénoncé les contrecoups que subiront possiblement les nombreuses communautés arabes et musulmanes pacifiques, qui vivent notamment dans les pays occidentaux, après ce nouvel attentat terroriste survenu aux États-Unis. Un autre rassemblement, organisé cette fois par Fierté Montréal, aura lieu jeudi prochain au parc de la Paix, dans le Village gai.

UN DÉFILÉ SOUS HAUTE SURVEILLANCE

Le président fondateur de Fierté Montréal, Éric Pineault, ne craint pas que son festival et le défilé de la fierté gaie, qui se dérouleront à Montréal en août, soient davantage dans la ligne de mire des terroristes et des homophobes après l’attentat qui a secoué Orlando, hier.

« Quelqu’un qui commet un crime comme ça, peu importe les raisons, est un fou. Quel pourcentage de la population, même homophobe, va passer aux actes de cette façon ? Il faut être réellement dérangé mentalement », affirme-t-il.

Après les attentats du marathon de Boston, en avril 2013, les mesures de sécurité de Fierté Montréal ont été revues à la hausse, rappelle M. Pineault. Le même niveau de vigilance sera déployé cette année.

« Tout au long du défilé, des centaines de policiers habillés en civil ou en uniforme sont postés sur le trajet », explique-t-il, ajoutant que des caméras de sécurité sont également branchées directement à la centrale du Service de police de la Ville de Montréal, où des agents surveillent le tout.

« Nous faisons confiance en nos forces de l’ordre pour faire une évaluation en continu des risques en matière de sécurité. Tous les événements montréalais sont soumis à une telle évaluation. Ce sera aussi le cas du Festival de la fierté gaie », a répondu le maire Denis Coderre par la voix de son attaché de presse, Marc-André Gosselin.

Toujours à l’hôtel de ville, il était possible d’observer, hier en début de soirée, le drapeau américain flotter aux côtés du drapeau arc-en-ciel, qui représente la communauté LGBT.

« L’HOMOPHOBIE EST TOUJOURS PRÉSENTE AU QUÉBEC »

Le directeur général de Gai Écoute, Pascal Vaillancourt, est sous le choc. « C’est surprenant de voir à quel point la méchanceté peut être forte quand on est face à de tels événements », affirme-t-il.

« Au Québec aussi, l’homophobie existe toujours. Il faut le rappeler ! C’est vrai qu’on vit dans un climat d’ouverture par rapport à d’autres pays, mais dans les faits, il y a encore des actes homophobes qui surviennent. »

— Pascal Vaillancourt, directeur général de Gai Écoute

« Au niveau de la reconnaissance sociale de nos droits, il y a énormément de travail à faire. Encore plus si on pense aux personnes trans », ajoute M. Vaillancourt.

Selon Claude Leblond, président de la fondation Émergence, la population non LGBT doit aussi manifester son appui après un attentat aussi violent.

« Les gens de la communauté ont besoin de savoir que le reste du monde les soutient et les considère comme des personnes à part entière, tant légalement que socialement », dit-il.

« ON SE DEMANDE SI ON EST EN SÉCURITÉ »

La mort de dizaines de personnes dans une boîte de nuit gaie, fauchées par un attentat terroriste homophobe à Orlando, a ébranlé la directrice générale du conseil québécois LGBT, Marie-Pier Boisvert.

« C’est extrêmement grave. Quand ça arrive, soudainement, on se demande si on est en sécurité, ici aussi, à Montréal, affirme-t-elle. Cela dit, je pense qu’on est privilégiés d’habiter au Québec.

« Nous ne sommes pas totalement en sécurité, car nous ne sommes jamais à l’abri d’une personne qui décide qu’elle sait ce qui est bien ou ce qui est mal, mais il y a un effet normalisant à voir autant de personnes s’afficher ouvertement gaies », ajoute Mme Boisvert, qui précise toutefois que de nombreux actes homophobes sont toujours perpétrés régulièrement au Québec, notamment dans les régions, où le réseau d’organismes LGBT est moins présent.

RÉACTIONS POLITIQUES

La députée de Québec solidaire dans la circonscription de Sainte-Marie–Saint-Jacques (qui comprend le Village gai de Montréal), Manon Massé, se dit « profondément indignée » devant l’attentat terroriste homophobe d’Orlando.

« À la fin de la session parlementaire, j’étais super heureuse qu’on ait adopté une loi pour contrer la transphobie et permettre aux personnes mineures de changer légalement leur identité de genre. J’étais fière de voir qu’on était rendus là, au Québec. Puis “paf”, au sud de notre frontière, quelqu’un se permet d’enlever la vie [de civils], visant la communauté LGBT », déplore-t-elle.

Parce que la lutte contre l’homophobie n’est toujours pas terminée, au Québec comme ailleurs, il est primordial d’avoir des cours d’enseignement de la sexualité dans les écoles, poursuit la députée solidaire. « Il faut qu’on reconnaisse que les personnes homosexuelles et transsexuelles, ça fait partie de la vie », affirme Mme Massé.

Sur Twitter et par communiqué, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, ainsi que Sylvain Gaudreault, chef intérimaire du Parti québécois, et François Legault, chef de la Coalition avenir Québec, ont tous indépendamment exprimé leur solidarité avec le peuple américain.

La députée péquiste Agnès Maltais a pour sa part écrit : « Je suis gaie. Aucune idéologie, aucune religion ne nous fera jamais rentrer dans le placard. »

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