Santé

S’asseoir pour apprendre, pratique révolue ?

12 %

Augmentation de la durée de l’attention chez les élèves utilisant un bureau debout

15 % 

Augmentation du nombre de calories brûlées par les élèves utilisant un bureau debout

25 %

Augmentation du nombre de calories brûlées par les élèves obèses utilisant un bureau debout

Source : International Journal of Health Promotion and Education, TAMU

Des bureaux surélevés qui obligent les enfants à se tenir presque debout augmenteraient le niveau d’attention des élèves tout en leur permettant de brûler des calories

Pour lutter contre l’obésité, une nouvelle tendance s’installe en Australie et au Texas : remplacer dans les écoles les pupitres avec chaise par des bureaux avec tabouret qui obligent l’enfant à être presque debout. Les premières évaluations de l’impact sur l’apprentissage sont encourageantes.

« Nous sommes partis de l’objectif d’encourager un style de vie actif chez les enfants, à un âge où se prennent les habitudes de la vie d’adulte », explique Mark Benden, directeur du centre d’ergonomie de l’École de médecine de l’Université Texas A&M (TAMU), qui a fait plusieurs études sur le sujet. « Mais rapidement, nous nous sommes rendu compte qu’il fallait rassurer les écoles en leur disant que les bureaux debout ne nuisent pas au travail scolaire. Nos premiers résultats sont très encourageants : il semble que les étudiants ont plus d’entrain à l’étude. »

Pour cette étude, parue l’an dernier dans l’International Journal of Health Promotion and Education, les chercheurs ont suivi près de 300 élèves du premier cycle du primaire pendant deux jours. Leur degré d’attention était évalué au moyen d’une approche appelée « observations comportementales des élèves à l’école », BOSS selon l’acronyme anglais. Il s’agit d’observer pendant 15 secondes le comportement de l’élève. Chaque élève était observé 48 fois, pour un total de 12 minutes, pendant des cours de mathématiques et d’anglais.

En moyenne, les élèves étaient jugés attentifs à 40 de ces 48 observations. Les bureaux debout augmentaient ce résultat de 12 %. À titre de comparaison, les filles, qui souvent sont plus attentives en classe, l’étaient 6 % plus souvent que les garçons.

« Avoir un résultat comparable à la différence d’attention entre filles et garçons est assez intéressant », explique Ranjana Mehta, une collègue de M. Benden qui est spécialiste de médecine du travail et est l’auteure principale de l’étude de 2015. « Les professeurs du primaire relèvent souvent cette différence entre garçons et filles. »

Les premières études ont montré que les bureaux debout augmentent l’activité physique des élèves. « À l’école secondaire, les élèves passent environ six heures assis par jour, mais seulement cinq heures avec des bureaux debout », dit Mme Mehta.

Les bureaux debout sont munis de tabourets et de repose-pieds qui permettent aux élèves d’être soit debout, soit assis. L’ergonome Mark Benden a mis sur pied une société de distribution de ces bureaux debout, avec l’objectif d’en réduire le coût. « Nous avons réduit le prix de moitié, dit M. Benden. Depuis une dizaine d’années que nous faisons ce type d’essais dans les écoles, l’engouement des professeurs est tangible. Il est très rare que les écoles acceptent d’investir dans de nouvelles technologies aussi rapidement. Les professeurs qui ont participé à nos études font pression sur leur direction, sur les comités de parents, pour qu’ils achètent nos bureaux. »

La tendance est loin d’être arrivée au Québec. Ni la Fédération autonome de l’enseignement ni les facultés d’éducation de l’Université Laval et de l’UQAM n’avaient entendu parler des bureaux debout dans les écoles.

« C’est assez surprenant pour les collègues à qui j’en ai parlé », explique Céline Chatigny, spécialiste en ergonomie au département d’éducation de l’UQAM. « Mais on peut penser que ça va arriver. Un principe de base est qu’un travail statique maintenu trop longtemps est nocif pour la santé, mais que si on doit absolument avoir une posture statique, mieux vaut être assis que debout toute la journée. Et qu’entre debout sans se déplacer et des déplacements, le surplace est plus dur sur les jambes et le dos. »

« Il est bien documenté qu’une activité physique plus variée maintient un état de vigilance sur le plan intellectuel, ça pourrait avoir un impact positif sur l’intérêt pour l’école. »

— Céline Chatigny, spécialiste en ergonomie au département d’éducation de l’UQAM

Des bureaux debout ne compliqueraient-ils pas la tâche des professeurs de maternelle et de 1re année, dont l’un des objectifs est souvent d’apprendre aux élèves à rester assis pour écouter le professeur ? « L’un de mes collègues m’a fait parvenir une lettre du philosophe Emmanuel Kant qui disait qu’on envoie les enfants à l’école non pour qu’ils apprennent, mais pour qu’ils apprennent à rester assis, pour qu’ils puissent tirer partie de toutes les idées qui leur viendront », dit Mme Chatigny, qui n’est pas du même avis. « Encore aujourd’hui, l’école met beaucoup l’accent sur le contrôle du corps. Le milieu du travail aussi, par la suite, ne laisse pas beaucoup de latitude aux gens pour améliorer leur situation physique. C’est dommage qu’on ne donne pas ce réflexe aux enfants le plus tôt possible. »

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