Chronique

Embellie réelle ou illusion d’optique ?

Les Québécois ne se laissent pas influencer, semble-t-il, par les événements politiques spectaculaires des dernières semaines. Primo, la démission choc de Pierre Karl Péladeau n’a rien changé dans les intentions de vote du Parti québécois (PQ) et secundo, les révélations embarrassantes de Robert Poëti sur le ministère des Transports n’ont eu aucun effet sur les appuis, apparemment inébranlables, au Parti libéral (PLQ).

Pierre Karl Péladeau n’a fait que passer sur la scène politique, et les Québécois sont passés à autre chose aussi rapidement que les députés péquistes, qui ont commencé à parler de sa succession dans les heures suivant son départ. M. Péladeau a laissé son parti, à la fin du mois d’avril, à 26 % d’intentions de vote. Un mois plus tard, le PQ fait du surplace avec un score identique. Normalement, lorsqu’un parti perd son chef, on observe une baisse dans les intentions de vote dans les mois qui suivent. Normalement, aussi, un parti remonte dans les sondages lorsqu’il élit un nouveau chef.

En observant la tendance à long terme, on constate que le PQ perd des appuis au même rythme que la Coalition avenir Québec (CAQ) en gagne, ce qui explique en partie l’empressement du Parti québécois à se doter d’un nouveau leader dès octobre.

Au cours des six derniers mois, la CAQ de François Legault a gagné 11 points (de 16 à 27 %), ce qui la place maintenant au deuxième rang derrière le PLQ (qui reste résolument stable à 34 %). C’est le PQ qui casque, chutant de neuf points (de 35 à 26 % depuis novembre). Chez les électeurs francophones, c’est coude à coude entre PQ et CAQ.

Tout cela n’est pas pour déplaire aux libéraux qui, pour reprendre l’expression d’un stratège, sont bien « heureux avec la CAQ à 26 % ». Avec un score aussi bas chez les francophones, les libéraux ont besoin de la division du vote entre le PQ et la CAQ (et dans une moindre mesure, du grappillage de Québec solidaire dans l’assiette du PQ).

Les derniers coups de sonde sont encourageants pour la CAQ, qui mène une opposition hyperactive à Québec depuis plusieurs mois. 

Des éléments comme François Paradis, François Bonnardel, Nathalie Roy ou Jean-François Roberge se démarquent et ont réussi à « élever d’un cran le jeu collectif » de la CAQ, comme on dit dans le monde du sport.

La question, pour François Legault, est de savoir s’il s’agit d’une embellie réelle et durable ou d’une autre illusion d’optique qui fait paraître son parti plus important qu’il ne l’est à 30 mois des élections.

La CAQ s’est déjà hissée au deuxième rang, et même au premier, avec des intentions de vote dépassant les 40 %, mais le ballon s’est dégonflé avant les élections.

Mario Dumont, à l’époque de l’Action démocratique du Québec, était lui aussi devenu un habitué du phénomène « entre deux élections ». Il a toutefois réussi en 2007, avec une équipe modeste (pas de grandes vedettes), à profiter d’un contexte électoral favorable pour s’approcher à quelques sièges du pouvoir et réduire les libéraux au statut de gouvernement minoritaire.

François Legault peut-il espérer la même chose ? En politique, on vit au moins autant d’espoir que de stratégies. Et il faut toujours compter sur des vents favorables.

Il y a des similitudes entre 2007 et la situation actuelle : le gouvernement Couillard est plombé par un fort taux d’insatisfaction, comme celui de Jean Charest ; des histoires de financement et de mauvaise gestion embêtent encore les libéraux ; le Parti québécois se retrouve, encore une fois, à la croisée des chemins.

La suite de l’histoire de la CAQ dépend largement de ce qui se passera au PQ au cours des prochains mois. En 2007, les péquistes croyaient avoir trouvé le leader idéal en André Boisclair, mais après quelques résultats resplendissants dans les sondages, son étoile a pâli et les Québécois l’ont massivement rejeté aux élections. Ils avaient placé leur insatisfaction envers les deux « vieux » partis sur l’ADQ de Mario Dumont, qu’ils avaient appris à connaître au fil des années.

François Legault est dans le décor, lui aussi, depuis un bon moment. Il doit maintenant trouver le moyen de concrétiser ce flirt entre deux élections en un véritable rendez-vous électoral.

Il est difficile de dire, pour le moment, qui dirigera le PQ en octobre 2018. Selon la radiologie faite par CROP, Alexandre Cloutier semble avoir une légère avance auprès des électeurs péquistes et son arrivée, plus que celle des autres candidats dans la présente course, améliorerait le sort du PQ. Rien de spectaculaire, toutefois.

CROP confirme par ailleurs le capital de sympathie envers Véronique Hivon au sein du PQ mais aussi dans l’électorat, mais pas de buzz irrésistible.

Jean-François Lisée est certes le plus polarisant et Martine Ouellet accuse un déficit de notoriété, mais ils ne partent pas en si mauvaise position.

C’est le tableau sur l’appétit des Québécois pour un nouveau référendum qui met la table pour cette course. Le scénario d’un référendum dès le premier mandat ou plutôt lors du second divise également les électeurs d’allégeance péquiste (25 %). C’est l’option prudente qui obtient une légère majorité (37 %).

Les aspirants chefs ne peuvent toutefois ignorer que seulement 11 % des électeurs veulent un référendum dans le premier ou le deuxième mandat, mais que 45 % d’entre eux répondent « jamais » lorsqu’on leur demande quand ils souhaitent avoir un référendum.

Tout le problème du PQ est là : comment débattre, à l’interne, de quelque chose dont une majorité de Québécois ne veut pas tout en restant pertinent sur la scène politique ?

Je présume que c’est pour ça que Jean-François Lisée promet d’abord un *!*!* de bon gouvernement et que Véronique Hivon veut parler de souveraineté mais pas de l’*!*!* de référendum.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.