Centres d'hébergement et refuges

« le travail à faire est grand »

Un sondage commandé par la Fondation Jasmin Roy et dévoilé le 9 août dernier montre que 86 % des hétérosexuels sont « très » ou « plutôt » à l’aise quand ils côtoient des personnes homosexuelles ou bisexuelles. Ce niveau d’aisance chute cependant à 60 % quand il s’agit de personnes transgenres.

Le regard posé sur les personnes transgenres est souvent rempli de préjugés, voire de mépris. Dans ce contexte, un travail de sensibilisation et de formation est fait dans les centres d’hébergement et les refuges du Québec. Cette démarche semble porter ses fruits.

« Notre position est celle de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, dit Valérie Létourneau, responsable des communications pour L’R, un organisme qui regroupe 87 centres de femmes. Pour nous, une personne qui se définit comme une femme est une femme. »

Pour éviter la présence de personnes trans dans leur centre, certains dirigeants leur disent que les autres femmes sont transphobes, affirme Gabrielle Bouchard, coordonnatrice au Centre de lutte contre l’oppression des genres.

« Est-ce qu’ils pourraient dire à une femme noire que les autres femmes sont racistes ? Je ne le crois pas. »

— Gabrielle Bouchard

Mme Bouchard ne croit pas qu’il faut blâmer les femmes qui fréquentent les centres de femmes (de jour) ou les centres d’hébergement (24 heures sur 24, 7 jours sur 7). « Ces femmes ont déjà leurs problèmes, dit-elle. Je crois qu’on doit travailler sur les directions de ces centres et sur les conseils d’administration. »

Une modification en 2016

En 2016, la Charte québécoise des droits et libertés de la personne a été modifiée afin « d’ajouter l’identité de genre aux motifs de discrimination interdits afin de conférer une protection explicite aux personnes transgenres ». Cette modification a fait grandir la confiance chez les personnes trans.

Malgré cette avancée, Valérie Létourneau avoue que le chemin est encore parsemé d’embûches. « Ce n’est pas simple, tout cela, dit-elle. Dans certains centres, il y a des femmes qui ont une allure masculine qui sont discriminées. Imaginez le reste. Le travail à faire est grand », ajoute-t-elle en rappelant un cas de discrimination célèbre survenu à Vancouver il y a une quinzaine d’années.

En 2003, Kimberly Nixon, une femme trans ayant subi une opération de changement de sexe, a répondu à une petite annonce du centre de femmes Rape Relief afin de devenir bénévole. Devant le refus du centre, la femme a porté l’affaire devant les tribunaux. La Cour suprême de la Colombie-Britannique a jugé que le centre de femmes ne faisait pas preuve de discrimination à l’égard de Mme Nixon. Cette dernière a tenté de faire infirmer cette décision devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, sans succès. Quant à la Cour suprême du Canada, elle a refusé d’entendre la cause en 2007.

De la formation

Isabelle Bazinet, travailleuse communautaire au Centre de femmes Avec des Elles de Saint-Gabriel-de-Brandon, fait partie de celles qui ont suivi un atelier de formation sur la question de la cohabitation avec les femmes trans. Aujourd’hui, elle offre cette formation dans d’autres centres.

« Il y a 10 ans, on ne parlait pas de cela, dit-elle. Depuis environ quatre ans, cette réalité est plus présente. Personnellement, dans tous les endroits où j’offre une formation, je sens une grande ouverture. »

Isabelle Bazinet croit qu’il faut cesser de voir un homme à la place de la femme trans. « Il est faux de croire que les femmes trans peuvent mieux faire face à la violence. Elles sont aussi vulnérables que les autres. Et elles rencontrent beaucoup de violence. »

Cette lutte contre les préjugés est menée dans la majorité des centres de femmes ou les centres d’hébergement du Québec. « Ce malaise que ressentent certaines personnes vient d’une mécompréhension, dit Valérie Létourneau. Je le comprends, ce malaise, mais il faut le combattre. »

Pour Léa-Alice, les refus essuyés dans des centres d’hébergement il y a un an sont de mauvais souvenirs. Elle préfère regarder les choses positivement en se disant qu’un changement de mentalité s’opère. « Il y a maintenant à Montréal des centres qui acceptent les femmes trans. On ne voyait pas cela il y a quelques mois. Les choses évoluent et c’est tant mieux. »

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