Skieur mort dans une avalanche en Gaspésie

« C’était un passionné de plein air »

Québec — L’homme de 32 ans mort mercredi dans une avalanche en Gaspésie était un « passionné de plein air », expérimenté en ski hors piste et qui visitait pour la deuxième année de suite ce secteur précis des Chic-Chocs.

Jean-Marc Dion est le premier skieur mort dans une avalanche dans ces montagnes de la Gaspésie depuis 2009. La popularité du ski de haute route dans les dernières années a multiplié le nombre de visiteurs. Jean-Marc Dion, de Québec, faisait partie de ces adeptes.

« C’est un passionné de plein air qui fréquentait le parc de la Gaspésie régulièrement, et ce, depuis plusieurs années », a expliqué une amie de la victime, Karine Garon. Le conjoint de Mme Garon faisait aussi partie de l’expédition.

Le groupe était composé de quatre skieurs – trois amis de Québec et un autre qui s’était joint à eux. Ils skiaient ce jour-là dans le secteur des mines Madeleine.

Mais de 25 à 30 cm de neige s’étaient abattus sur les cimes la nuit précédente. Le bulletin de mercredi d’Avalanche Québec indiquait des risques « considérables » d’avalanche.

« C’est un niveau assez élevé de danger. Le niveau où des avalanches naturelles peuvent se produire et où c’est probable que des skieurs puissent déclencher des avalanches, explique Dominic Boucher, directeur général d’Avalanche Québec. C’est une situation précaire où il ne faut pas grand-chose pour déclencher une avalanche. »

Les quatre skieurs, qui se trouvaient dans un secteur isolé, ont-ils eu l’occasion de consulter le bulletin avant de s’aventurer sur les versants ? « Il y a fort à parier que les gens impliqués dans cet accident n’avaient pas eu accès au dernier bulletin. Dans cette vallée, il n’y a pas de réseau cellulaire », dit Dominic Boucher.

Deux skieurs ont commencé la descente. Ils ont déclenché l’avalanche et ont été ensevelis sous 1,50 mètre de neige, toujours selon M. Boucher.

Le groupe était bien équipé : chacun portait une pelle, une sonde et un détecteur de victimes d’avalanche (DVA). Les deux autres skieurs ont donc pu retrouver leurs amis.

Jean-Marc Dion est sorti de la neige inconscient et son décès a été constaté à l’hôpital.

Un sport en pleine croissance

Le ski de haute route, qui consiste à fréquenter des versants vierges en pleine nature, a le vent dans les voiles au Québec. « Des chiffres du parc national de la Gaspésie parlent de 740 % d’augmentation des visiteurs entre 2001 et 2017 », relate le directeur d’Avalanche Québec.

De plus en plus de gens s’inscrivent aux cours de sécurité de l’organisme. Ils étaient 800 l’an passé, contre 600 en 2017.

« Il y a de plus en plus de monde. Les gens s’équipent, se forment. Mais reste qu’il y a chaque année de plus en plus de personnes qui commencent dans le sport. »

— Dominic Boucher, d’Avalanche Québec

« C’est certain qu’on ne forme pas tout le monde qui fréquente l’arrière-pays à l’heure actuelle », ajoute M. Boucher. 

« C’est sûr que tout le monde est un peu shaké », lance Guillaume Molaison, qui aide à développer le ski de haute route à Murdochville, non loin des Chic-Chocs. Le propriétaire de l’auberge Chic-Chac rappelle que les avalanches mortelles restent rares dans son coin de pays.

« Quand on regarde ce qui se passe ailleurs dans le monde, où il y a de gros volumes d’achalandage, il y a plusieurs décès par avalanche chaque année. C’est inévitable que ça se produise », dit-il.

En France par exemple, sept skieurs sont morts l’année dernière dans une avalanche, selon des statistiques de l’Association nationale pour l’étude de la neige et des avalanches. Les Chic-Chocs n’avaient pas connu une avalanche mortelle en 10 ans.

Engager un guide

Guillaume Molaison invite toutefois les nouveaux adeptes du sport – et même les skieurs d’expérience – à engager un guide. « Ce n’est pas parce que tu fais appel aux professionnels que tu n’es pas bon, au contraire », dit-il.

« On dit dans ce cas-ci que c’était un skieur avec de l’expérience et des connaissances. Mais la différence avec un professionnel de la montagne, c’est que lui est là tout le temps dans la montagne, explique Guillaume Molaison. Il a un historique du manteau neigeux. Il a une sensibilité à la météo qui est beaucoup plus grande. »

« Moi, personnellement si j’allais skier dans les Rocheuses, je voudrais absolument un guide », lance-t-il.

Les skieurs ont accès selon lui dans les Chic-Chocs à « de grands versants très dangereux ».

L’année dernière dans les Chic-Chocs, 19 avalanches ont été déclenchées par un skieur et 40 avalanches naturelles ont eu lieu, selon des statistiques d’Avalanche Québec.

Des skieurs qui prennent plus de risques

Les skieurs qui fréquentent les versants sauvages des Chic-Chocs ont souvent des décisions lourdes de conséquences à prendre. C’est ce qui est arrivé lors d’un accident survenu l’année dernière dans le secteur des mines Madeleine, celui-là même où Jean-Marc Dion est mort mercredi. L’accident du 8 février 2019 n’a pas fait de mort. Mais un skieur et un planchiste ont subi des blessures sérieuses. Dans un rapport produit par Avalanche Québec, un des skieurs du groupe raconte qu’ils ont choisi ce jour-là de skier dans un terrain plus intéressant, mais plus dangereux. « La décision du groupe fut orientée vers le versant moins exposé aux vents, mais plus à risque d’avalanche, a raconté Steve, nom fictif. Ce problème a été soulevé, je ne sais pas si tous étaient conscients de cette information. » Les skieurs avaient donc délibérément choisi de prendre plus de risques. L’avalanche a englouti deux des leurs, qui ont pu être secourus. « Un briefing initial orienté “risque d’avalanche vs attrait pour la neige plus fraîche/diminution d’exposition au vent” aurait pu être fait de manière plus formelle », reconnaît Steve rétrospectivement.

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