OPINION JOUR DE LA TERRE

Braver la tempête

De grands défis humanitaires se dressent devant nous et il est plus que temps de s’y attaquer

La tempête, c’est tout à la fois une détérioration de l’environnement, un conflit violent et une crise sanitaire, habituellement sous forme d’épidémie. Pour avoir observé ce scénario plusieurs fois au cours des dernières années, nous pouvons affirmer que ces trois éléments sont présents dans la plupart des grands défis humanitaires.

Le tremblement de terre survenu en Haïti est un bon exemple : un désastre naturel secoue un pays au passé violent et aux prises avec d’importantes déficiences sur le plan de l’environnement et des lacunes considérables en soins de santé. Lorsque le virus Ebola se propage en Afrique de l’Ouest, la région est déjà minée par les séquelles de guerres civiles virulentes en Sierra Leone et au Liberia. Par ailleurs, le commerce illégal du bois et d’autres assauts faits à l’environnement ont peut-être favorisé l’infestation de chauve-souris à l’origine de l’épidémie. L’Afrique subsaharienne a dû affronter une menace encore plus grande : la pandémie du sida, causée en partie par la violence sexuelle sévissant dans les zones de guerre.

L’apparition et la propagation du virus Zika, que l’on semble attribuer aux changements climatiques, touchent également des zones où la violence fait des ravages. Certains suggèrent même que la guerre en Syrie serait attribuable à la sécheresse dont souffre depuis longtemps la région, ainsi qu’à un accès inégal aux soins de santé. Il n’y a pas de rapport de causalité direct et clair dans les cas susmentionnés ; une chose ne mène pas nécessairement à une autre. Par contre, ce dont nous sommes certains, c’est que ces « trois cavaliers de l’Apocalypse » se nourrissent de la misère et du chaos qu’ils engendrent.

Dès lors, la conservation de la faune, l’adaptation aux changements climatiques, la protection de la biodiversité et des sources d’eau non contaminée ainsi que d’autres approches de gestion environnementale fondées sur les écoservices forment une zone tampon d’une extrême importance.

Une perte du capital naturel peut entraîner non seulement un échauffement des esprits pour l’accès aux ressources, mais également une réduction de l’efficacité des réponses aux désastres naturels et aux répercussions des conflits. En outre, comment convaincre les gens de prendre soin de l’environnement lorsque leur vie est menacée ? Ainsi, les résidants de Sarajevo écorçaient les arbres pendant le siège de la ville.

COMMENT PRÉVENIR LES CATASTROPHES ?

Voilà ce que nous savons. Voici ce sur quoi nous nous interrogeons : comment prévenir ces catastrophes ? Comment atténuer ces tensions, plutôt que de les exacerber ? Au début de mai, plus de 20 experts de trois domaines disparates à première vue – analyse des conflits, conservation de la biodiversité et communauté médicale, incluant l’épidémiologie – se réuniront à l’Université Concordia, à Montréal. Ils chercheront des moyens de mieux intégrer les connaissances aux politiques. Cette rencontre sera commanditée entre autres par Médecins sans frontières, les Nations unies et Future Earth.

Il s’agit d’une question vitale, compte tenu des perspectives en matière de changements climatiques ainsi que de la rareté des ressources et de la propagation des maladies qui en découlent. Le colloque a pour objectif de formuler, à l’intention des gouvernements d’ici et d’ailleurs, des recommandations sur leurs décisions en matière de politique étrangère. La volonté du Canada d’obtenir un siège au Conseil de sécurité devrait nous inciter à élaborer des approches stratégiques plus cohérentes.

Les réponses évidentes – favoriser la paix, la bonne gouvernance et la gestion environnementale responsable, et promouvoir la santé publique – ne suffisent pas.

Non plus que le réflexe d’élever de hauts murs entre nous et les zones touchées ou de mettre en quarantaine des êtres humains qui ont le droit et la capacité de fuir les dangers qui les menacent. Nous devons apprendre à anticiper la combinaison mortelle d’un conflit, d’une destruction écologique et d’une crise sanitaire, à y répondre et à la prévenir. Malgré les bonnes intentions, de nombreuses catastrophes surviendront. Il est plus que temps d’avoir un dialogue soutenu et de jeter un pont entre ces domaines d’expertise et le monde politique.

* Également directeur du Centre de recherche Loyola sur la durabilité.

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