OPINION

CAMPAGNE ÉLECTORALE AU QUÉBEC
Parler de fédéralisme, c’est enfin possible

Lors de la dernière campagne électorale québécoise, nous avons pu constater à quel point l’enjeu constitutionnel rebutait les partis politiques. À titre d’exemple, la campagne sur « les vraies affaires » du PLQ évacuait la question du fédéralisme de sa liste des « vrais » enjeux.

L’élection québécoise à venir confirme cette nouvelle réalité politique. D’ailleurs, l’étude du professeur Éric Montigny, résumée dans un bulletin de L’Idée fédérale, La fin des Oui et des Non au Québec ? Un clivage en déclin, démontre que la prochaine élection sera la première depuis 50 ans où la question nationale ne sera pas un élément décisif pour les électeurs.

Même les partis souverainistes trébuchent sur cette question, voire évitent d’en parler, ce qui confirme l’actuel désintérêt pour la souveraineté, un débat qui ne fait plus progresser notre société.

Le fédéralisme au-delà de la souveraineté

Personne ne s’offusquera donc qu’on ne parle pas d’un éventuel référendum sur la souveraineté dans les prochaines semaines. 

Par contre, il serait dommage que ce soit toute la question du fédéralisme et de notre relation avec le reste du pays qui soit occultée.

L’essor du Québec et de notre culture déborde largement de la question référendaire. Nous avons donc une occasion de renouveler notre appartenance à la fédération afin que l’affirmation de notre distinction devienne un vecteur positif de changement pour nous, mais aussi pour l’ensemble des communautés du pays. Les questions influencées par la dynamique fédérale-provinciale sont nombreuses.

En voici quelques exemples dans l’actualité récente.

Santé et programmes sociaux

Depuis que l’ex-ministre fédérale de la Santé Jane Philpott a conclu des ententes individuelles avec toutes les provinces, y compris le Québec, on ne parle presque plus des transferts en santé. Néanmoins, cette question reviendra, inévitablement, comme la pluie.

En outre, il est question d’un programme pancanadien d’assurance médicaments, d’un programme national de garderies ou du financement de programmes en santé mentale. Ce sont tous des sujets où le Québec peut offrir une collaboration constructive vu les programmes que nous avons nous-mêmes développés.

Identité et immigration

La question des migrants qui entraient par les frontières terrestres en 2017 a rapidement pris une tournure financière (« qui va payer pour l’établissement de ces réfugiés ? »).

Cet enjeu est toutefois plus complexe et rappelle le rapport différent qu’ont les Québécois avec l’immigration. De nombreux fédéralistes québécois sont mal à l’aise avec une approche stricte du multiculturalisme puisque nous souhaitons tous que le Québec demeure une société francophone.

Par conséquent, une modification constitutionnelle qui viendrait confirmer les ententes administratives entre Ottawa et Québec soulignant que le Québec est une société d’accueil francophone permettrait de concilier certaines de nos différences. Or, pour mûrir le fruit constitutionnel, il faut en parler lors des périodes électorales.

Fiscalité et finances

Ne serait-il pas temps que les questions fiscales au Canada fassent l’objet d’une coopération plus étroite entre les gouvernements de la fédération ?

Dans un monde branché sur l’internet où le commerce n’a plus de frontières, ou même de pignon sur rue, nos gouvernements doivent coopérer pour défendre nos intérêts et récolter ce qui leur est dû.

Ici, les sujets de coopération vont de la possibilité que les Québécois, comme les autres Canadiens, puissent soumettre une seule déclaration de revenus, jusqu’à la chasse aux sommes investies dans les paradis fiscaux où le Québec fait figure de leader parmi les gouvernements au Canada. Face à ces questions, nous pouvons clairement améliorer notre réponse collective par une collaboration avec les partenaires de la fédération.

Environnement et ressources naturelles

Nous ne savons pas quelle serait l’attitude d’un éventuel gouvernement caquiste en matière de lutte contre les changements climatiques à la suite de l’élection de Doug Ford en Ontario et, possiblement, de Jason Kenney en Alberta.

Nous ne savons pas non plus si le nouveau propriétaire de l’oléoduc Trans Mountain, le gouvernement fédéral, arrivera à construire l’expansion de cet oléoduc, et comment le leadership canadien en environnement sera touché sur la scène internationale. Mais nous savons que sans une étroite collaboration entre les différents ordres de gouvernement, nous n’arriverons à rien sur ces questions.

Dans les faits, aucun gouvernement ne peut répondre seul aux attentes des citoyens. 

Nous pouvons souhaiter que, durant la prochaine campagne, les différents partis se souviennent que nous faisons partie d’une fédération, que c’est une des richesses de notre société et qu’il faut jouer le jeu du fédéralisme pour en tirer les nombreux bénéfices.

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