Opinion Le Québec dans l’œil du monde

Briser le silence sur la santé mentale

Chaque fois que je vois la une d’un quotidien, je me dis : « Tiens, c’est ainsi que le citoyen croit que le monde s’est comporté dans les dernières heures. » 

Nous pensons tous, à tort, que l’importance d’un phénomène de société est directement proportionnelle à sa médiatisation. Nous entretenons la perception que ce sont les nouvelles les plus importantes qui se retrouvent à la une de notre quotidien préféré. Dans ce raisonnement, nous oublions de considérer la saveur du jour, les orientations du quotidien ou les enjeux du moment.

À l’inverse, nous croyons que moins les médias s’intéressent à un sujet, moins celui-ci représente un enjeu pour nous.

Les régions qui ont perdu 88 % de leur vélocité médiatique en 15 ans en sont un cruel exemple. La situation des urgences ne s’est guère améliorée. Or, nos médias ne leur ont pas accordé plus d’attention récemment. Normal. Il n’y a rien de nouveau à raconter.

La perception n’est donc pas un reflet de la réalité.

Certes, une nouvelle doit comporter des éléments nouveaux ou être soulevée par des accélérants tels qu’un élément déclencheur ou une déclaration.

Mais il y a autre chose.

Le contexte de l’actualité joue pour beaucoup. C’est aussi ce qu’on appelle la saveur du jour. Il ne faut pas oublier non plus la force des groupes associés ou parfois aussi appelés les groupes de pression.

La santé est un secteur de l’information qui est très influencé par des facteurs externes. On pourrait croire que le cancer, les maladies du cœur, la grippe ou l’arthrite seraient les problèmes de santé les plus en vue dans nos médias en raison de la gravité des cas ou de l’étendue des populations touchées.

Encore une fois, la réalité diffère de notre perception.

D’abord, près de 70 % de notre intérêt pour la santé repose sur nos infrastructures. Les maladies et les différents troubles ne composent que 20 % du poids médias de la santé.

Sur une semaine, c’est l’équivalent de la médiatisation de deux minutes d’une partie moyenne du Canadien de Montréal. Environ le temps d’une pénalité mineure.

Restons un instant dans le monde du hockey.

Celui-ci est tellement populaire dans notre société qu’en 2013, la commotion cérébrale était le problème de santé le plus traité dans la presse québécoise. Dans les faits, il ne touchait que 0,11 % de la population canadienne. Les maladies du cœur se classaient alors au 7e rang et affectaient pourtant presque 4 % des Canadiens.

Le cancer pris au sens le plus large semble être victime quant à lui d’un phénomène d’usure médiatique. Après avoir connu un important gain d’intérêt en 2013 avec la mastectomie d’Angelina Jolie, il n’a jamais cessé de chuter depuis. En 2017, il s’est retrouvé avec un poids médias similaire à celui de 1996. Pourtant, la réalité est tout autre.

Il y a toutefois une bonne nouvelle dans tout ça.

La santé mentale, qui a été si longtemps un sujet tabou dans nos médias, nos familles, notre milieu de travail et nos vies, semble avoir brisé la barrière du silence.

Globalement, elle a connu une croissance médiatique de 43 %, en cinq ans seulement. Au début des années 2000, nous ne pouvions même pas en retrouver les traces sur nos radars. Ça n’existait pas. Pourtant, c’était hier.

En 2017, la dépression a été le problème de santé le plus en vue au Québec. Près de 13 % de notre intérêt pour les différents troubles de la santé ont porté sur le sujet.

Trois raisons peuvent expliquer ce changement de cap.

De nombreuses personnalités publiques ont généreusement accepté de parler de leur expérience en prenant le risque d’être jugées. De leur côté, nos médias ont accordé un intérêt soutenu au sujet en délaissant l’aspect anecdotique.

Finalement, des campagnes comme Bell Cause pour la cause ont largement contribué à démystifier et à démocratiser le sujet.

Ils en ont fait un enjeu public, une préoccupation populaire, un prétexte à la solidarité.

Nous en voyons les impacts médiatiques tous les jours.

Parce que les médias en parlent, l’enjeu existe enfin.

Merci à tous ceux qui en sont la cause !

La journée Bell Cause pour la cause a lieu demain.

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