David Guetta

Libre de faire danser 

Depuis 30 ans, David Guetta fait danser la planète. Pionnier de la musique électronique française, il a lancé le 14 septembre dernier 7, son plus récent album sur lequel il collabore notamment avec Justin Bieber, Nicki Minaj et Sia. Entrevue avec le DJ aux 2 milliards d’écoutes sur Spotify et aux 10 millions d’albums vendus.

En 2014, vous avez confié dans les médias être en crise identitaire musicale. Où en êtes-vous quatre ans plus tard ?

Il y a eu un moment où on a saturé dans l’EDM (Electronic Dance Music). Tout le monde faisait la même chose. Ça devenait pénible, et j’avais même fait un morceau intitulé The Death of EDM. Les paroles disaient en gros : on n’en peut plus, on a besoin d’un son nouveau. Les gens vont toujours vouloir danser, la dance music ne va jamais s’arrêter. C’est une particularité de l’être humain par rapport aux autres animaux. Ça permet d’évacuer le stress et c’est un moment de bonheur. Mais il faut réinventer de nouveaux sons et de nouveaux styles.

Votre nouvel album est-il justement une réponse à cette problématique ? Vous pensez réinventer quelque chose ?

Je suis sorti de cette espèce de boîte dans laquelle je me sentais enfermé et où je me disais : « Tu es un DJ, alors il faut absolument que ça fasse danser. En même temps, j’aime les chansons. Du coup, j’ai décidé de travailler de manière complètement libre et de faire de la musique comme j’avais envie de le faire. C’est pour ça que je me suis autant éclaté à faire ce double album avec, d’un côté, un disque plus pop sous toutes ses différentes formes, aussi bien de la musique latine que du hip-hop ou de la dance. Et, de l’autre côté, un disque complètement destiné à danser dans les clubs et qui ne cherche pas à être un succès commercial. Cet équilibre-là m’a permis d’être à nouveau motivé, excité d’aller en studio et aussi excité de jouer mes titres quand je suis sur scène.

Après 30 ans de carrière, vous avez trouvé un second souffle en créant votre alter ego Jack Back. Pourquoi ne pas signer les titres plus électros du second album sous votre nom ?

Je me suis énormément posé cette question. C’est par respect pour mes fans. Quand vous allez voir les Rolling Stones, ils en ont peut-être marre de jouer Satisfaction. En même temps, le public veut l’entendre. C’est un peu la même chose pour moi. Mon public s’attend à un certain style d’émotion et je ne veux pas le tromper. Quand je fais de la musique juste pour faire danser, je préfère le faire sous un autre nom. Si je fais une soirée en tant que Jack Back, les gens ne seront pas déçus de ne pas entendre I Gotta Feeling. Je ne l’ai pas encore fait, mais je pense le faire. C’est très excitant ! On a tous envie d’être quelqu’un d’autre parfois.

De quel personnage êtes-vous le plus proche  ?

J’ai toujours eu les deux en moi. Je viens de la scène house. J’adore apprendre et en tant que producteur, le challenge n’était pas de faire de la house music toute ma vie. Je voulais voir si j’étais capable de faire d’autre musique, de vraies chansons, qui restent dans le temps sans être uniquement un phénomène de mode dans les clubs. Je suis vraiment content d’avoir inscrit mon nom dans le livre de la musique. C’est très important pour moi.

Le côté underground de la musique électronique vous manque-t-il ?

Oui, c’est certain. Pendant l’été, je suis allé jouer dans une soirée comme ça sans être annoncé avec Solardo et CamelPhat, et c’était très amusant pour moi de voir les gens se demander si c’était bien moi.

Vous êtes connu pour vos collaborations et pour dénicher de nouvelles voix sur vos chansons. Comment avez-vous choisi vos collaborateurs pour 7 ?

Il n’y a pas de règle. Il y a les gens avec qui j’adore travailler, comme Sia (six collaborations à leur actif, dont deux sur le nouvel album). C’est assez magique entre nous tout comme avec Nicki Minaj. Sinon, je commence par créer un morceau pour ensuite me demander qui serait l’artiste idéal. Je produis aussi pour des artistes, mais j’ai beaucoup moins de liberté de cette manière. Sur Battle, un de mes morceaux préférés de l’album, j’avais besoin d’une voix à la Sia avec qui j’avais déjà deux morceaux ! Donc, j’ai cherché une voix énorme, soul, et j’ai trouvé Faouzia, cette jeune artiste encore inconnue de 17 ans.

Comment avez-vous déniché cette Franco-Manitobaine  ?

J’avais fini la chanson et c’est moi qui l’ai appelée. Un ami m’avait parlé d’elle, et je suis allé écouter ses reprises sur YouTube. J’ai trouvé qu’elle avait une voix dingue ! Il nous a mis en contact.

La musique latino-américaine est très présente sur cet album, notamment à travers la voix de J Balvin.

Dans mes moments de doute, il y a quelques années, j’ai commencé à écouter pas mal de musique latino-américaine et de reggaeton. D’ailleurs, ma copine est cubaine. Il y a trois ans, j’ai fait différents morceaux avec des artistes comme J Balvin. Ce morceau, Para que te quedes, a été enregistré à cette époque. Comme un idiot, j’ai douté de moi-même, j’avais peur avec la pression des labels que je fasse toujours des tubes. Alors je n’ai pas sorti ces morceaux. Si je l’avais fait, j’aurais été un des premiers de cette vague de collaborations avec des chanteurs d’Amérique latine. J Balvin est devenu l’artiste le plus streamé de l’année, et on est repartis sur une nouvelle aventure ensemble.

Qu’est-ce qui a le plus changé au cours des 30 dernières années dans le métier de DJ ?

Aujourd’hui, on peut faire de la musique sur son ordinateur portable dans sa chambre tout en ayant un produit fini de qualité professionnelle. On peut aussi faire la promo de ce produit sans l’aide de qui que ce soit sur les réseaux sociaux et plateformes de diffusion. Le marché a complètement changé. On peut être un artiste indépendant et vendre des millions de disques. C’est la révolution des dernières années ! Le niveau de production ne fait que monter en termes de son. Pas toujours de musique…

Vous vous produisez à travers la planète. Mais quelle est votre ville préférée pour être DJ ? Quelle place occupe Montréal ?

Ibiza reste mon endroit préféré. J’adore Montréal. Quand je suis aux États-Unis, je ne me sens pas vraiment chez moi, et quand je suis en Europe, je me sens loin de la culture américaine. À Montréal, je suis assez proche de vous. L’aspect humain est très européen et culturellement, vous êtes très proches de l’Amérique. Je me suis toujours éclaté à Montréal. J’aimerais beaucoup venir prochainement.

ÉLECTRO

7

David Guetta

Parlophone Music France

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