signes religieux

Alors que la mairesse Valérie Plante a annoncé hier le retrait du crucifix de la salle de conseil de l’hôtel de ville de Montréal, le premier ministre François Legault n’est pas complètement fermé à l’idée de lui emboîter le pas à l’Assemblée nationale.

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Montréal remise son crucifix, mais gardera la croix du Mont-Royal

Montréal retirera le crucifix qui trône depuis 82 ans dans son hôtel de ville, car l’administration Plante veut établir le caractère laïque du conseil municipal. Malgré le retrait de ce symbole religieux, la mairesse assure qu’il n’est pas question d’enlever la croix au sommet du mont Royal. L’opposition a dénoncé la décision, qu’elle juge précipitée.

Remise en question pour des rénovations

Le 15 avril, les élus du conseil municipal se réuniront pour la dernière fois à l’hôtel de ville, qui fermera ses portes pour trois ans afin de subir d’importants travaux de rénovation. Ce chantier a poussé l’administration Plante à remettre en question la présence de la croix. « Avec les travaux, on devait réfléchir à la place du crucifix dans la salle du conseil et on a pris la décision de le retirer », a annoncé hier Laurence Lavigne Lalonde, élue responsable des institutions démocratiques au sein de l’administration Plante. Montréal n’exigera pas que les arrondissements qui ont un crucifix dans leurs locaux le retirent. La mairesse Valérie Plante dit laisser aux élus locaux le soin de décider.

Installé en 1937

Absent à la construction de l’hôtel de ville en 1878, le crucifix a été installé dans la salle du conseil en 1937, soit un an après son cousin de l’Assemblée nationale, à Québec. Selon des documents d’époque, le crucifix a coûté 25 $, ce qui équivaut à 440 $ aujourd’hui. Le conseiller municipal Joseph-Émile Dubreuil avait demandé que la croix soit ajoutée « afin que les échevins se souviennent des serments qu’ils ont prêtés ». « Il y a consensus pour dire que le contexte a changé. On vit dans une société qui a évolué et qui est représentée par des institutions démocratiques, qui se doivent d’être laïques, neutres et ouvertes », a indiqué Mme Lavigne Lalonde.

Mise en valeur

Le crucifix ne disparaîtra pas pour autant de l’hôtel de ville. Le crucifix sera exposé dans un espace muséal avec de nombreux objets liés à l’histoire de la métropole, comme les colliers que les maires arboraient jadis. « C’était important pour moi qu’on préserve ce patrimoine, qui fait partie de notre histoire », a indiqué Valérie Plante. « L’objectif n’est pas de faire du déni de notre histoire, mais plutôt de mettre en valeur cet élément », a pour sa part précisé Mme Lavigne Lalonde.

La croix du Mont-Royal restera

Valérie Plante assure qu’elle n’entend pas enlever tous les symboles religieux de l’espace public. Ainsi, la croix du Mont-Royal ne sera pas démantelée. « Ce n’est pas une institution démocratique où nous prenons des décisions », a expliqué Valérie Plante. Dans un communiqué, l’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, a indiqué que les élus ayant installé le crucifix en 1937 « exprimaient la reconnaissance de notre histoire et de nos racines ». Il a assuré que le crucifix était ouvert aux autres croyances et que « rien ne nous empêche, peu importe nos croyances, de nous rencontrer sur la place publique et nous respecter ».

Une décision précipitée, selon l’opposition

L’opposition à l’hôtel de ville a vertement dénoncé l’annonce du retrait prochain du crucifix. « C’est un manque de respect pour ceux pour qui c’est un symbole important », a déploré Lionel Perez, seul élu à l’hôtel de ville à arborer un symbole religieux, une kippa. Le chef de l’opposition estime que l’administration Plante aurait dû demander l’avis aux Montréalais avant de trancher. « On s’apprête à faire une consultation publique sur les Publisacs. Est-ce qu’on peut en faire une sur le crucifix ? » L’élu estime que cette décision « ajoute à un climat d’incertitude, de méfiance, justement ce qu’on devrait éviter ». 

Avis scientifique réclamé

Héritage Montréal aurait aimé que la place du crucifix dans la salle du conseil fasse l’objet d’un avis du Conseil du patrimoine. « On voit les désastres sur les changements climatiques parce que des politiciens ont décidé que la science ne comptait pas. Ça prend un avis scientifique, c’est un bâtiment qui le mérite », dit Dinu Bumbaru. Pour le professeur Luc Noppen, de la Chaire de recherche du Canada en patrimoine urbain, le crucifix du conseil n’a pas de valeur patrimoniale en raison de son âge et de sa valeur d’art. « Il est discriminatoire puisqu’il ne rallie pas de valeurs communes aujourd’hui. Ç’aurait été tout différent s’il s’agissait d’un crucifix conçu et sculpté par un artiste de renom et incrusté dans le lieu comme une œuvre d’art », dit-il.

Travaux importants

Cette remise en question de la place du crucifix survient alors que l’hôtel de ville de Montréal doit subir à partir de juin d’importants travaux de modernisation. La fondation du bâtiment, son électricité et l’imperméabilisation doivent être refaites. Les élus et employés déménageront dans un bâtiment voisin, l’édifice Lucien-Saulnier, le temps des travaux. Le retour à l’hôtel de ville n’est pas prévu avant 2022, soit au début du prochain mandat. Le déménagement du personnel débutera le 5 avril. Dès le 13 mai, les séances du conseil municipal auront lieu à l’édifice Lucien-Saulnier.

salon bleu

Legault ne ferme pas la porte au retrait du crucifix

Québec — Le gouvernement Legault réfléchit au fait de retirer le crucifix accroché derrière le siège du président au Salon bleu, alors que « des compromis » pourraient être faits dans le cadre du projet de loi sur la laïcité que Québec souhaite adopter avant juin.

Le premier ministre du Québec, François Legault, n’a pas fermé la porte hier à la possibilité de faire le même choix que Montréal, qui retirera le crucifix de la salle du conseil municipal.

« Nous allons déposer bientôt un projet de loi sur la laïcité et [la question du crucifix au Salon bleu] fait partie des discussions que nous avons », a dit M. Legault avant la période des questions.

« Il y a de bons arguments [pour laisser le crucifix en place], il y a des arguments pour [le retirer], et présentement, nous avons un débat. Nous devons trouver un compromis. »

— Le premier ministre François Legault

Depuis sa création, la Coalition avenir Québec (CAQ) a toujours affirmé que le crucifix au Salon bleu était un objet patrimonial et non un symbole religieux. La CAQ avait pour position de laisser le crucifix en place.

« Le crucifix est là. Pour nous, ça a toujours été un symbole patrimonial, un symbole historique, comme les autres symboles religieux qui sont au Salon bleu », a répété hier Simon Jolin-Barrette, leader parlementaire du gouvernement, responsable du projet de loi sur la laïcité.

« Notre engagement est très clair »

La Presse a révélé hier que le projet de loi sur la laïcité, que le gouvernement Legault souhaite adopter avant juin, inclurait deux clauses dérogatoires pour éviter à Québec des contestations judiciaires relativement au respect de la Charte canadienne des droits et libertés enchâssée dans la Constitution.

« Lorsqu’on dépose un projet de loi à l’Assemblée nationale, on a la conviction [qu’il] respecte la Constitution canadienne. Si des gens considèrent que ce n’est pas constitutionnel, ils s’adressent aux tribunaux », a dit de façon laconique Simon Jolin-Barrette, refusant de préciser ses intentions.

« Le gouvernement, la CAQ, a été très clair avant la campagne électorale, pendant la campagne électorale et suite à la campagne électorale à l’effet que le débat sur la laïcité […] était important et qu’on devrait surtout régler la situation. Notre engagement est très clair », a poursuivi le ministre, rappelant que son parti souhaite interdire aux fonctionnaires en position d’autorité et aux enseignants le droit de porter un signe religieux au travail.

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