Musique

Alexander Shelley et l’OM à l’enseigne shakespearienne

Pour la première fois, ce maestro anglais de 39 ans dirige l’Orchestre métropolitain (OM) et en fera de même au printemps prochain avec l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM), dans le cadre de l’édition Violon 2019 du Concours musical international de Montréal (CMIM).

Alexander Shelley est le directeur musical de l’Orchestre du Centre national des Arts à Ottawa, et ce, pour la quatrième saison. On lui doit notamment l’exécution de nombreuses œuvres contemporaines canadiennes, dont celles des compositeurs montréalais Walter Boudreau et Nicole Lizée. De 2009 à 2017, il fut chef principal de l’orchestre symphonique de Nuremberg, après avoir mené de brillantes études en Allemagne dès l’âge de 18 ans. Il est aussi chef associé principal du Royal Philharmonic Orchestra (RPO).

Voilà autant d’éléments qui justifient cette première rencontre avec le maestro qui partage sa vie entre Ottawa et Londres.

fier de L’ORCHESTRE DU CENTRE NATIONAL DES ARTS

« Lorsque j’ai commencé au Centre national des Arts à titre de directeur musical, amorce Alexander Shelley, j’ai pris conscience qu’une vaste part de mon rôle et celui de l’orchestre reposaient dans la promotion des compositeurs canadiens. Ce qui m’a d’abord frappé dans ce pays était le vaste spectre des expressions, de la tradition classique aux sons urbains d’aujourd’hui. »

Shelley est très fier de son orchestre de la capitale canadienne. Il l’exprime haut et fort.

« L’Orchestre du CNA est très talentueux, très sérieux, très ambitieux. Ses musiciens apportent beaucoup de soin à leur préparation, les premières répétitions se déroulent immanquablement à un haut niveau. »

— Le chef d’orchestre Alexander Shelley, à propos de l’orchestre dont il est le directeur musical

« Qui plus est, nous avons suffisamment de répétitions pour aller dans les détails des œuvres. J’aime la manière dont nous abordons le son d’ensemble. J’aime aussi comment nous procédons aux commandes de nouvelles musiques. Au Centre national des Arts, donc, les conditions sont propices à une grande qualité d’exécution et au soutien de la créativité canadienne. »

Dans cette optique, Shelley croit qu’un orchestre symphonique d’aujourd’hui doit avoir « deux cerveaux ».

« Le premier maîtrise le répertoire classique, le deuxième explore les nouvelles musiques. À ce titre, nous ne faisons pas que commander et exécuter les œuvres de compositeurs canadiens au CNA. Nous aimons les rencontrer, approfondir à leurs côtés, soit en atelier, en formation de chambre ou avec l’orchestre entier. Nous tenons également à présenter leurs œuvres à l’étranger, bref, prendre tous les moyens pour rendre leur travail pérenne. »

UNE PREMIÈRE FOIS AVEC L’ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN

Rencontré dimanche après-midi au milieu d’une répétition tenue dans les sous-sols de la Place des Arts, Alexander Shelley s’est montré très élogieux à l’endroit des interprètes de l’Orchestre métropolitain, avec qui il noue des liens professionnels et artistiques.

« Ce groupe est fantastique, le son d’ensemble est remarquable, j’y ressens un très bel esprit. Ces musiciens veulent travailler ! Cet orchestre est le bébé de Yannick Nézet-Séguin, je peux très bien comprendre pourquoi il ne l’a jamais laissé depuis qu’il en est devenu le directeur artistique. » 

« Pour un chef, il s’agit d’abord de construire quelque chose, c’est-à-dire mener un orchestre au plus haut niveau si ses musiciens en ont l’ambition. C’est pourquoi je fais ce travail. »

— Le chef d’orchestre Alexander Shelley

Dimanche, le maestro invité et les musiciens de l’OM se concentraient sur une seule pièce du programme présenté cette semaine : Macbeth, poème symphonique de Richard Strauss.

« Les interprètes saisissent très bien les enjeux de cette œuvre qui est neuve pour l’Orchestre métropolitain. Le niveau s’élève, les musiciens apprennent très rapidement. D’un excellent orchestre à un autre de même calibre, vous savez, il y a toujours des différences de phrasé, de son, d’esthétique. Or, ce sont des différences culturelles et non des différences de compétences. Aujourd’hui, les meilleurs orchestres d’Amérique du Nord valent ceux de l’Europe en ce sens. »

LE PROGRAMME DE L’OM : SONGES DE SHAKESPEARE

« L’idée derrière le programme, rappelle Alexander Shelley, c’est la musique inspirée de Shakespeare. Le choix de cette thématique est très intéressant, car il y a tant de musique inspirée par le fameux auteur. Je pense entre autres à celles de Chostakovitch ou Korngold, en plus de celles des compositeurs sélectionnés pour notre programme. Quels que soient les goûts en dramaturgie, on vient toujours à Shakespeare, comme on en vient toujours à Bach en musique. »

Plus précisément, le maestro anglais commente le programme mis de l’avant par l’OM.

« Macbeth est une pièce virtuose, sa structure comporte énormément de détails, beaucoup de contrepoint. Nous devons trouver ensemble l’équilibre, car il est facile de jouer trop fort cette œuvre incroyable, qui fut écrite lorsque Richard Strauss était encore très jeune… comme c’est le cas chez Mendelssohn pour Le songe d’une nuit d’été. »

— Le chef d’orchestre Alexander Shelley 

« Cette dernière pièce [Le songe d’une nuit d’été], d’ailleurs, est célèbre pour avoir l’air facile d’écoute et être très difficile dans l’exécution. L’articulation des cordes, l’intonation des bois, les couleurs orchestrales, tout ça est plus complexe qu’il n’y paraît. »

Quant à Roméo et Juliette de Tchaïkovski, l’OM connaît bien, fait observer notre interviewé, néanmoins…

« Plusieurs options s’ouvrent à son interprétation. J’en aime le contenu expressif soutenu par une architecture propre. Si on en fait trop, si on exagère sur les rubatos, on perd une part importante de sa personnalité. Le défi consiste donc à maintenir l’orchestre à l’intérieur des paramètres auxquels je crois. »

En somme, le maestro de l’Orchestre du CNA se réjouit du « voyage » effectué à travers différentes époques musicales autour de la thématique shakespearienne : aube du romantisme chez Mendelssohn, cime du romantisme chez Tchaïkovski, crépuscule du romantisme avec Richard Strauss. Dans ce même vent de théâtralité, la musique contemporaine est au programme avec le concerto pour clarinette d’Anders Hillborg, évoquant le paon et que le soliste David Dias da Silva joue masqué, rien de moins.

Ainsi se prépare le premier voyage d’Alexander Shelley au sein de l’OM.

Orchestre métropolitain. Chef invité : Alexander Shelley. Soliste : David Dias da Silva, clarinette. À l’église Saint-Sixte (Saint-Laurent), ce soir, 19 h 30 ; à la salle Désilets du cégep Marie-Victorin, demain, 19 h 30 ; à la Maison symphonique, jeudi, 19 h 30 ; à l’église Sainte-Suzanne (Pierrefonds/Roxborro), vendredi, 19 h 30 ; au TMLS (Saint-Léonard), samedi, 19 h 30.

PROGRAMME

Ein Sommernachtstraum / Le songe d’une nuit d’été (1826), ouverture et scherzo, Felix Mendelssohn

Roméo et Juliette (1869), Piotr Ilitch Tchaïkovski

Concerto pour clarinette Peacock Tales (1999-2002), Anders Hillborg

Macbeth, op. 23 (1887-1888), Richard Strauss

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