Opinion

Le surdiagnostic menace la survie de notre système de santé

Tous les médecins font du surdiagnostic ou du surtraitement. De 15 à 18 % de ce que nous prescrivons ou traitons a une faible valeur, n’est pas nécessaire ou peut même s’avérer préjudiciable à la santé de nos patients. Je le fais, mes collègues le font et les patients le demandent.

En chirurgie, durant notre formation, on nous apprend que tout ce qui sort du corps humain pendant une intervention doit être envoyé en analyse de pathologie. Aujourd’hui, on devrait plutôt expliquer qu’il n’y a pas d’utilité à ce qu’un pathologiste produise un rapport concluant que les morceaux d’os retirés lors d’une chirurgie de prothèse de genou contenaient de l’arthrose. On le sait, c’est en raison de son arthrose qu’on installe à ce patient un genou prosthétique…

La science a démontré que c’était inutile, mais on continue de le faire dans nos hôpitaux. Il a d’ailleurs déjà fallu que j’aille m’expliquer jusque devant la direction pour justifier mon refus d’envoyer les débris osseux au laboratoire à la fin de mes chirurgies pour remplacement articulaire !

La médecine a évolué

Avec les avancées technologiques et la recherche, on sait que des examens et des traitements effectués par routine dans certains domaines sont inutiles ! Dans le cadre de la campagne Choisir avec soin, les associations canadiennes de spécialistes ont mis de l’avant plus de 250 interventions qui n’apportent aucune amélioration à la santé et peuvent en revanche parfois nuire à un patient. Et l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) vient de montrer que jusqu’à 30 % des patients visés par huit recommandations de cette campagne ont subi des interventions potentiellement non nécessaires.

Depuis que l’AMQ a amorcé le mouvement en 2013, ce sujet suscite de plus en plus d’intérêt des médecins du Québec. Et ils sont toujours plus nombreux à se donner les moyens de lutter contre les soins et les tests inutiles.

Mais c’est aussi à vous, patients, de faire votre part.

Si vous avez un certain âge, vous avez sûrement déjà subi une prise de sang de routine, peut-être même rencontrez-vous votre médecin une fois par an, pour un bilan annuel. Si vous êtes une femme de moins de 21 ans ou de plus de 70 ans, on vous a peut-être recommandé un test Pap de routine. Si vous avez mal à l’épaule, vous avez peut-être demandé à votre médecin de vous prescrire une radiographie ou encore une IRM pour votre mal de dos. Si vous êtes un jeune parent, vous avez peut-être réclamé des antibiotiques pour le petit dernier lors de sa dernière otite ou d’un mal de gorge sans complication.

Tous ces traitements, ces tests, ne sont plus recommandés. Et pendant que nous les donnons, nous ne pouvons pas voir des patients qui en auraient vraiment besoin.

Là où il y a du surdiagnostic, il y a du sous-traitement, parce que les examens ne sont plus disponibles pour ceux qui en ont vraiment besoin.

En nous penchant tous sur cet enjeu, nous pourrons à la fois améliorer l’accès aux soins au Québec, mais aussi assurer l’avenir de notre système public. Le surdiagnostic engendre des coûts et c’est une menace pour les soins de santé universels.

Il y a quelques jours, des spécialistes du monde entier se sont réunis à Québec pour discuter de la façon dont ils agissent chez eux pour diminuer les soins et les tests inutiles lors de la 5e conférence internationale sur la prévention du surdiagnostic. De votre côté, vous pouvez aussi engager la discussion avec votre médecin pour savoir ce qui est vraiment utile à votre santé.

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