Élections provinciales Opinion

Éducation : qui saura mettre fin au statu quo ?

Priorité des jeunes, rapports accablants, vastes consultations, débats houleux entre parlementaires… la table était mise pour qu’on en parle pour vrai. Les chefs ont abondamment répété que l’éducation était leur priorité, et ils se sont tous engagés à y consacrer d’importantes sommes. C’est un pas dans la bonne direction, mais cela ne suffit pas.

Le passé nous l’a démontré : ajouter de l’argent dans un système paralysé et peu valorisé n’aura qu’un impact marginal. Alors que les efforts de financement sont similaires au Québec et en Ontario depuis 10 ans, le taux de diplomation a bondi en Ontario, mais il a stagné au Québec.

Au-delà du financement, cela prendra une grande dose de courage et d’audace pour remettre en question les façons de faire actuelles et vaincre l’immobilisme ambiant qui paralyse le réseau de l’éducation.

Les défis sont nombreux

Le rapport que nous avons publié en mai dernier sur le décrochage scolaire au Québec a déjà fait couler beaucoup d’encre. Les constats sont troublants et méritent qu’on y revienne pour rappeler aux élus l’urgence d’agir et le coût social et économique de l’inaction.

Avec un taux de diplomation au secondaire en cinq ans qui stagne dans le réseau public, le Québec présente la pire performance au niveau canadien.

L’écart entre les taux de diplomation des filles et des garçons est trois fois plus élevé au Québec que dans la plupart des autres provinces.

Dans le réseau public francophone, seulement un garçon sur deux peut espérer obtenir son diplôme de fin d’études secondaires en cinq ans.

Près du tiers des élèves du réseau secondaire public ont maintenant un diagnostic de handicap ou de difficulté d’apprentissage et d’adaptation.

Que nous proposent les différentes formations ?

L’éducation a généralement été abordée sous le thème dominant la campagne, soit l’allègement du fardeau fiscal et des soucis des familles. C’est trop facile et tous les partis l’ont fait.

Mais au-delà des lunchs, des rabais à l’achat de fournitures scolaires et de la gratuité de certains services, plusieurs autres éléments communs ressortent, heureusement : l’ajout de ressources de soutien aux enseignants ; la valorisation des enseignants, notamment par l’augmentation des salaires ; et l’embellissement des écoles. Tous les partis reconnaissent également, à leur façon, l’importance d’intervenir tôt dans le parcours de l’enfant. Il faut se réjouir de ces consensus.

Là où on manque toutefois d’information et d’ambition – et donc de légitimité d’action après le scrutin –, c’est au niveau des moyens d’y arriver et de la volonté de remettre en question le statu quo.

Ce dont on ne parle pas…

Promettre des ressources additionnelles dans les écoles quand on peine déjà à combler les besoins ne tient pas la route. Pour régler ce problème, les dirigeants seraient-ils disposés à ouvrir l’accès à l’enseignement aux diplômés universitaires des disciplines pertinentes comme les sciences, les mathématiques, les langues, etc.,  en offrant une formation complémentaire d’une durée maximale d’un an ?

Tout le monde est pour la vertu et pour la reconnaissance du travail des enseignants, mais tant que l’ancienneté fait foi de tout et qu’il n’y a pas de mécanisme de reconnaissance de l’excellence, c’est un coup d’épée dans l’eau.

Que ce soit par un institut d’excellence, un ordre professionnel ou un autre mécanisme, il faudra identifier un gardien de la qualité de l’enseignement qui fera la promotion des meilleures pratiques.

Quel parti osera ébranler les colonnes du temple en remettant en question des mesures qui ne semblent pas avoir été à la hauteur des attentes, comme la réduction de la taille des classes et l’intégration des élèves en difficulté d’apprentissage dans les classes régulières ?

Quels élus sauront mettre fin aux inégalités de notre système d’éducation, qui favorise l’écrémage et la ségrégation, sans toutefois entraîner un nivellement par le bas ?

Qui sera le mieux placé pour accroître la transparence en assurant que les données produites par les instances du réseau soient accessibles sans délai ni filtrage ?

Les solutions sont là, et c’est sur la base de l’ambition et du courage requis pour les mettre en œuvre qu’il faudra choisir les artisans de l’excellence de l’école publique de demain.

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