EXTRAIT

La nordicité du Québec – Entretiens avec Louis-Edmond Hamelin

« C’est facile d’avoir une nordicité naturelle, mais moins une nordicité mentale. Est-ce que tous les administrateurs du Nord ont eu, ou ont, est-ce que tous les chercheurs du Nord ont eu, ou ont, une nordicité mentale suffisante pour comprendre le Nord ? Beaucoup de gens vont dans le Nord et reviennent, épatés par le cratère du Nouveau-Québec et la beauté de ce qu’ils ont vu. Mais dans leur âme profonde, il n’y a à peu près rien qui a changé, c’est-à-dire que leur nordicité mentale est toujours au bas de l’échelle. »

littérature québécoise

Le penseur du Nord

La nordicité du Québec – Entretiens avec Louis-Edmond Hamelin

Daniel Chartier et Jean Désy, photos de Robert Fréchette

Presses de l’Université du Québec, 142 pages

Quatre étoiles

Le terme « nordicité » a été inventé au début des années 60 par Louis-Edmond Hamelin, un des grands penseurs de la Révolution tranquille. Cinquante ans plus tard, le mot est non seulement entré dans notre vocabulaire, mais il est devenu un des symboles de leur identité pour bien des Québécois, ce qui n’empêche pas bon nombre d’entre eux de ne pas aimer l’hiver…

Immense intellectuel à l’esprit manifestement toujours vif, Louis-Edmond Hamelin résume sa pensée et son travail dans La nordicité du Québec. Ce beau livre truffé de magnifiques photos de Robert Fréchette a été réalisé à partir d’entretiens effectués par le professeur de l’UQAM Daniel Chartier et l’écrivain Jean Désy, tous trois grands connaisseurs et amoureux du Nord.

Au cours de ces conversations, Louis-Edmond Hamelin a raconté comment, dès les années 50, il a tenté de comprendre et définir le « Québec global », de la vallée du Saint-Laurent à la baie d’Ungava, comment il a réussi à faire implanter un centre d’études nordiques avec la collaboration de René Lévesque, comment il a jonglé avec les concepts avant d’accoucher du mot nordicité, qui a fini par faire son entrée dans le dictionnaire…

L’HISTOIRE À TRAVERS LES MOTS

Un véritable feuilleton pour qui s’intéresse à cette partie souvent méconnue de l’histoire du Québec, mais aussi à l’étymologie. Car ce livre érudit mais accessible analyse 50 ans d’histoire à travers les mots. L’hiver (la nordicité saisonnière) et sa lumière ; le rapport conflictuel qu’entretiennent les Québécois avec cette saison (nordicité naturelle contre nordicité mentale) ; l’américanité difficilement revendiquée : autant de termes décortiqués et expliqués, qui permettent de comprendre un peu mieux ce que nous sommes, nos contradictions, notre évolution.

Parler du Nord, c’est aussi parler de l’autochtonie, que Louis-Edmond Hamelin définit aussi en quelques termes : nuna, inukshuk ou holisme, par exemple, qui signifie ensemble. L’homme a toujours prêché pour la coexistence plutôt que la dominance, et pour la « plénitude physique et politique » entre les deux parties du territoire, la méridionale et la septentrionale. Un modèle « exigeant », admet-il, dont le principal filon reste… la nordicité. Comme quoi le penseur a encore beaucoup à nous apprendre pour la suite des choses. Il faudrait seulement qu’on l’écoute.

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