Symposium

Un virus sournois attire l’attention à Sainte-Justine

Entre 300 et 500 bébés naissent chaque année au Québec avec une infection congénitale au cytomégalovirus (CMV). La plupart d’entre eux n’ont pas de symptômes, mais un sur cinq finit par avoir des séquelles auditives ou neurologiques de ce virus. Un premier symposium sur le CMV a eu lieu fin septembre à Sainte-Justine.

« Près de 90 % des bébés n’ont pas de symptômes à la naissance », explique Isabelle Boucoiran, infectiologue à Sainte-Justine, qui a organisé la conférence. « Mais certains auront par la suite des problèmes de développement ou de la surdité. Alors on essaie d’élargir le dépistage à la naissance. De plus, avec l’immigration, on pourrait voir arriver de nouvelles souches du CMV. » 

Comme la proportion d’adultes qui sont porteurs du virus est de 60 % à 80 % plus élevée dans les pays en voie de développement qu’au Québec, le nombre de bébés atteints est appelé à augmenter. Une porteuse sur dix transmettra le virus à son bébé durant la grossesse.

Les femmes à risque

Le virus est plus actif durant l’enfance, jusqu’à environ 3 ans. « C’est entre autres pour cette raison qu’on fait le retrait préventif des éducatrices des services de garde durant la grossesse, dit la Dre Boucoiran. On peut attraper le CMV toute sa vie, mais il ne cause des dommages que lorsque le cerveau est au début de son développement. On recommande aux femmes enceintes qui ont déjà un enfant en bas âge des mesures simples comme se laver les mains, bien laver les jouets, éviter le partage de la salive, par exemple en embrassant son enfant sur le front plutôt que sur la bouche. Les jeunes enfants excrètent beaucoup de virus même s’ils n’ont pas de symptômes. En ce qui concerne le dépistage, on peut parfois voir une infection congénitale au CMV sur l’échographie de 20 semaines. Mais il n’y a pas de prise de sang simple où on peut différencier un virus actif plutôt qu’une infection ancienne. On peut le déceler avec une amniocentèse, mais il y a entre 0,1 % et 0,2 % de risque de mettre fin à la grossesse. »

Vers un meilleur dépistage ?

Le dépistage a été beaucoup discuté durant le symposium de Sainte-Justine. « Il y a beaucoup de débats sur la sérologie, dit la Dre Boucoiran. Il est aussi discuté de dépistage dans certains cas, par exemple quand il y a des enfants de moins de 3 ans à la maison. » Le dépistage est-il envisagé si la mère a vécu longtemps dans un pays ayant un haut taux de CMV ? « Non, ce n’est pas discuté en ce moment. » Si le bébé n’a pas de symptôme mais est porteur du CMV, des antiviraux peuvent diminuer le risque de séquelles neurologiques. Le dépistage néonatal systématique des problèmes auditifs, en voie d’être implanté au Québec, pourrait aider. « Un programme systématique de dépistage néonatal des infections congénitales au CMV vient d’être lancé en Ontario et sera en fonction l’année prochaine, note la Dre Boucoiran. Et il y a des discussions politiques ces derniers temps sur le dépistage précoce des problèmes neurodéveloppementaux. Autre chose à venir, on travaille sur la vaccination, mais vu la spécificité du virus, ce ne sera pas à court terme. On teste aussi des traitements durant la grossesse, des antiviraux et des immunoglobulines. »

Une première en Amérique du Nord

À l’occasion du symposium, Sainte-Justine a lancé le premier Centre d’infectiologie mère-enfant en Amérique du Nord. Contrairement à la plupart des hôpitaux universitaires pédiatriques, Sainte-Justine fait des accouchements – 3500 à 4000 par année –, ce qui facilite le suivi de certains problèmes de santé publique et les recherches. Ailleurs, seules les mères séropositives au VIH sont suivies aussi systématiquement. « On pense avoir avec le centre d’infectiologie une plus grande audience des pouvoirs publics sur le CMV, dit la Dre Boucoiran. Ensuite, on sera bien placés avec les sociétés médicales pour revoir les lignes directrices et les outils pour informer les femmes durant leur grossesse. On pourra faire un retour sur le suivi et le devenir des enfants, avoir l’avis des familles sur ce virus, promouvoir les stratégies de prise en charge par les autres acteurs en santé de la province. »

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