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Les microcontenus à l’assaut de l’internet

Cannes — On connaît l’histoire de Surprise sur prise, dont les capsules humoristiques ont fait le tour du monde, notamment dans les avions. Un créneau qu’exploite aussi ses successeurs Les gags Juste pour rire et Lol. Mais depuis l’an dernier, la demande en microcontenus explose.

« Partout dans le monde, les gens consomment leur télé sur leur téléphone portable », a expliqué Jason Njoku, fondateur d’Iroko, une plateforme vidéo spécialisée en séries africaines, lors d’une conférence sur le phénomène au Mipcom, le marché international des contenus audiovisuels qui se tient cette semaine à Cannes. « C’est particulièrement vrai dans les pays en voie de développement, où les gens n’ont simplement pas de téléviseur, seulement un téléphone portable. »

Aux États-Unis, le fournisseur de téléphones portables Verizon a lancé l’an dernier Go90, une application offerte sur tous les téléphones, mais dont l’utilisation est gratuite (elle n’entre pas dans le calcul des données utilisées) pour les abonnés de Verizon. Go90 offre du contenu original, notamment des séries dont les épisodes font moins de 15 minutes. Canal+ en France s’est lancé dans le même projet avec un objectif 2017, sans qu’une société de téléphones portables y soit pour le moment associée.

En Asie, le phénomène joue aussi. « On a une demande incroyable de vidéos sur téléphone portable, parce que même dans les pays riches, les jeunes ne sont pas à la maison une bonne partie de la journée », a expliqué Janice Lee, PDG du groupe de câblodistribution PCWW de Hong Kong, qui a lancé un service pour téléphones portables dans une dizaine de pays asiatiques. 

« Il faut constamment innover pour se différencier des plateformes concurrentes. Par exemple, on fait des abonnements à la semaine pour que ça ait l’air moins cher, ou même par jour pour les pays plus pauvres. Dans les pays riches, ça aide à convaincre les jeunes d’en faire l’essai. »

— Janice Lee, PDG du groupe de câblodistribution PCWW de Hong Kong

Ces plateformes émergentes de contenu sont appelées OTT, ou over-the-top content, ce qu’on peut traduire par service de contournement des diffuseurs traditionnels.

Elles ne visent pas toutes les utilisateurs mobiles sur leur portable. Une série de conférences entière était consacrée aux OTT à Cannes. La plus connue est évidemment Netflix, mais les grandes entreprises de câblodistribution ont aussi leurs OTT, comme Tou.tv pour Radio-Canada, Club illico pour Vidéotron ou Shomi (qui fermera à la fin du mois de novembre) pour Shaw et CraveTV au Canada anglais. Les sociétés de téléphones portables fournissent leur part d’efforts.

Miser sur la rapidité

Et en Asie, où la tendance est apparue voilà quelques années, il s’agit d’une manière pour les câblodistributeurs de fidéliser les jeunes et les pays émergents à leur marque et de combattre le piratage de contenu. « Quand on achète du microcontenu ou du contenu à la longueur plus traditionnelle, on le sous-titre immédiatement pour les téléphones portables, même si la qualité des sous-titres laisse à désirer, dit Mme Lee, de PCWW. On ne se donne même pas la peine de faire du doublage. De toute façon, les versions piratées sont sous-titrées, et mal. Ce qui est important pour les jeunes, c’est d’avoir accès à beaucoup de contenu rapidement. »

Le piratage est un autre argument de VODD, une plateforme française de films de niche. « On veut être les Spotify du film de niche, d’auteur ou de genre », dit Jeanne-Victoire David, de VODD, qui fonctionne selon le principe du partage de revenus avec des calculs assez alambiqués. « Les créateurs nous disent : "Oui, mais Spotify ne donne que des miettes." Je leur réponds qu’en France, le tiers du contenu audiovisuel consommé sur internet est piraté. Mais que la grande majorité des pirates ne le font que parce qu’ils ne peuvent pas avoir accès au contenu qu’ils recherchent, ou alors avec beaucoup de contorsions en achetant des copies DVD dans d’autres pays, parfois avec des problèmes de limitations géographiques. Si on fournit aux gens une manière simple d’accéder au contenu qu’ils recherchent, à un prix raisonnable, ils vont en consommer beaucoup plus, et beaucoup plus légalement. C’est particulièrement important pour le microcontenu, dont les créateurs peuvent souvent difficilement surveiller le piratage à cause du volume de contenu produit. »

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Canal+

Vingt-cinq séries de fiction de dix épisodes, chacun faisant de cinq à dix minutes, pour un budget de 100 000 euros par épisode : tel est le pari que fait Canal+ pour son offre sur téléphone portable. Annoncé au printemps dernier, le projet fait saliver les producteurs, petits et gros, dans l’Hexagone. Diffusion en 2017.

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W

Depuis quelques années, Japonais et Taiwanais écoutent sur leur portable W, une série d’animation québécoise dont les épisodes font 30 secondes chacun. « On prépare une quatrième saison de W », explique Nancy Florence Savard, présidente de 10Ave, la maison de production de Saint-Augustin-de-Desmaures qui produit W. Les 156 épisodes de cette histoire de petit naufragé ont été diffusés aux quatre coins du monde, de la Hongrie aux États-Unis. W a été le premier projet non japonais sélectionné par Cartoon Network Mobile Japan.

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Le nord de l’Ontario

Depuis cet automne, les Américains peuvent écouter sur leur portable la série Cold, 10 épisodes de 12 minutes, sur l’application Go90 de Verizon. Il s’agit d’une histoire sordide mettant en scène une jeune autochtone ayant un père meurtrier et qui a lieu dans le nord de l’Ontario pour bénéficier d’une aide provinciale substantielle accordée aux histoires qui s’y déroulent. Les deux maisons de production sont américaines. Les abonnées de Verizon peuvent visionner du contenu dans Go90 sans que cela compte dans leur utilisation de données.

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L’Afrique

Au Nigeria, 50 millions de personnes ont un téléphone intelligent, un nombre plus élevé que les propriétaires de téléviseur. Iroko est née pour profiter du phénomène et diffuser la quantité astronomique de films qui sont produits à Nollywood, la Mecque africaine du cinéma. « Au Nigeria, on peut tourner une série télé pour 10 000 $ et un film gros budget coûtera 250 000 $ », dit Jason Njoku, fondateur d’Iroko, une société de Londres qui est aussi populaire dans la diaspora africaine. « Et ça va vite : on peut faire une série en une semaine sur un événement qui vient de se passer. » Les séries télé ont souvent des épisodes de 10 à 15 minutes pour être vues convenablement sur un portable.

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Jeux vidéo

Depuis 2010, le producteur Rooster Teeth, du Texas, fait un malheur avec une dizaine de séries exploitant les fascinations des amateurs de jeux vidéo. Leur premier succès, Red vs Blue, est une animation ressemblant à un jeu vidéo qui en est actuellement à sa 14saison, avec des épisodes variant énormément en longueur, de 7 à 30 minutes. C’est l’une des stars de YouTube Red, le service par abonnement offert depuis l’an dernier.

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