Opinion  Révolution numérique

L’Humain est-il toujours à la mode ?

On parle beaucoup de la révolution numérique, mais en définitive, la société de l’innovation demande surtout de notre part une disruption en matière de relations humaines

Si j’étais un entrepreneur, qu’est-ce qu’une rencontre avec mes homologues français pourrait bien apporter à mon entreprise et aux leurs ? À l’heure où nous parlons de l’intelligence artificielle comme étant la phase 2 de la révolution numérique, une nouvelle question émerge avec une insistance croissante : celle de la place de l’humain dans ce monde fait de technologies. Et si l’intelligence collective faisait partie de la réponse ?

Interrogé sur les principes appliqués dans son entreprise, Ed Catmull, PDG du géant de l’animation Pixar, révèle que ce sont bien des procédés liés au travail en groupe, donc au rapport social, aux changements des habitudes, qui permettent de surprendre et de créer. On parle beaucoup de la révolution numérique, mais en définitive, la société de l’innovation demande surtout de notre part une disruption en matière de relations humaines. C’est donc l’humain qui génère le changement.

Or, le changement se provoque et se stimule. Et si faire se rencontrer les décideurs de deux cultures francophones différentes pouvait générer des innovations dans nos deux pays ? 

C’est ainsi que 2800 personnes se réuniront à Montréal, parmi lesquels plus de 1000 conférenciers, experts et chefs d’entreprises, pour la 30e édition des Entretiens Jacques Cartier, une série de 20 conférences et événements autour de 8 chapitres thématiques, ayant pour vocation d’être un temps de création collective.

Nous vivons désormais dans une société de l’innovation qui est entrée dans sa phase supérieure et où les besoins se créent et se surpassent, en suivant le rythme et la pression imposés par la progression technologique.

Elle repose alors sur deux principes : l’exigence de renouvellement des connaissances et des idées, et la nécessité de savoir faire travailler ensemble des personnes de tous horizons. 

Les organisations qui innovent le plus sont celles qui sont les plus efficaces dans l’adoption d’une culture de la collaboration, où la qualité de l’échange des connaissances est centrale. C’est ce qu’on appelle « l’intelligence collective ». Pour Pierre Levy, professeur de l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’Intelligence collective, celle-ci est « l’art de maximiser simultanément la liberté créatrice et l’efficacité collaboratrice ». Par exemple, Ubisoft produit Assassin’s Creed dans ses bureaux de Montréal, mais collabore avec des universitaires pour reproduire fidèlement les rues de Paris. À l’inverse, une organisation qui ferait de la rétention d’informations serait-elle condamnée ? Certainement ! 

La circulation des idées dans l’entreprise et l’adoption de codes culturels collaboratifs est obligatoire, sous peine de voir l’entreprise mourir ; certaines grandes entreprises l’ont d’ailleurs compris à leurs dépens.

Agir « glocalement »

Alors, Entretiens Jacques Cartier, Pixar, Ubisoft, même combat ? J’acquiesce, sans ambages. Nous appliquons tous « la stratégie du boulanger » chère à Gary Hamel* : faire lever la valeur ajoutée globale en appliquant une recette qui mobilise les connaissances particulières (locales) et complémentaires des femmes et des hommes. Il est nécessaire d’amener la réflexion à un niveau « glocal ».

Ce sont ces valeurs que nous déployons, dans le but d’en faire un rendez-vous qui rassemble une communauté d’innovation pluridisciplinaire issue des deux côtés de l’Atlantique. Pour innover et entreprendre, il faut partager, s’inspirer, être inspiré. Quoi de mieux qu’un frottement culturel (depuis 30 ans) entre entreprises, universités, mondes institutionnels, tous riches en idées et compétences, qui plus est à l’heure d’un proche accord commercial entre le Canada et l’Union européenne.

Travailler ensemble est donc une nécessité, un plaisir, un début sans fin. Ce n’est pas tant le numérique qui est l’avenir de l’homme, mais la culture ouverte et collaborative qu’il amène avec lui. L’Humain est son propre futur.

* Gourou du management et auteur, Gary Hamel est notamment président fondateur de Strategos, cabinet international de conseil en management de Chicago, et professeur invité de la Harvard Business School et de la London Business School. Il est à l’origine, avec C. K. Prahalad, du concept de cœur de compétence.

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