ANALYSE

Rentrée parlementaire sur fond d’improvisation

QUÉBEC — Le départ de Jean-Louis Dufresne comme chef de cabinet de Philippe Couillard et l’absence prolongée du premier fonctionnaire Roberto Iglesias ont des conséquences évidentes : une sorte d’improvisation règne désormais à Québec.

Un exemple parmi d’autres : hier, la machine du Conseil exécutif, l’équivalent du ministère de M. Couillard, a reçu comme un électrochoc l’annonce interne d’une séance de Conseil des ministres commune, dès vendredi prochain, avec le gouvernement ontarien. Pourtant, l’événement était déjà depuis un moment sur la feuille de route du premier ministre Couillard. Une telle opération est normalement préparée, de longue main, dans les cabinets interministériels.

Avec la relève de la garde autour de Philippe Couillard, le plan d’action gouvernemental pour l’Assemblée nationale qui reprend ses travaux aujourd’hui paraît désormais semé de zones grises. Le gouvernement envisage-t-il de proroger la session, d’y aller d’un message inaugural ? Rien n’est moins sûr – aucune commande en ce sens n’a été envoyée dans la machine, jeudi dernier, au forum des sous-ministres ; on n’en a même pas fait mention.

Des gestes sont acquis, cependant ; dans la première moitié de novembre, le ministre des Finances Carlos Leitão déposera un mini-budget axé sur des mesures sociales, notamment le plan de lutte contre la pauvreté, annoncé dans le budget du printemps dernier. Avec la marge de manœuvre du gouvernement, il faut s’attendre aussi à des baisses d’impôt pour les contribuables, déjà évoquées publiquement par M. Leitão.

Le budget du printemps 2018 est condamné à être plus mesuré ; le Vérificateur général, avant les élections d’octobre, a le mandat d’évaluer la solidité des finances publiques. La prudence s’imposera alors.

Le remaniement ministériel est un sujet de suppositions récurrent à Québec. Il devait survenir au début de 2017, puis à la fin de juin, puis avant la reprise des travaux à l’Assemblée nationale. Pour parer à une défaite dans Louis-Hébert, le 2 octobre, on avait prévu chez Philippe Couillard un remaniement quelques jours plus tard – l’Assemblée nationale ne siège pas dans la semaine du 11. On espère nettoyer l’ardoise et repartir avec une équipe rafraîchie. Un premier objectif : décharger Laurent Lessard du ministère des Transports, une demande récurrente du principal intéressé, qui cumule ce superministère avec l’Agriculture.

Élément non négligeable, à moins d’un an des élections, le gouvernement ne sera pas tenu de tenir une élection partielle – les députés mécontents perdent un argument de poids. À un an des élections, personne ne claquera la porte ; les démissionnaires, au surplus, perdraient leur indemnité d’un an de salaire.

Même pour les prochaines élections générales, les départs ne seraient pas si nombreux ; Christine St-Pierre et Kathleen Weil préparent leur congrès d’investiture. Longtemps hésitante, Mme St-Pierre a annoncé la semaine dernière son intention à M. Couillard. Pierre Arcand et Hélène David vont revenir, même s’ils doivent changer de circonscription. Une inconnue : Jacques Chagnon, président de la Chambre, est élu depuis 1981 et pourrait ne pas se représenter après avoir été l’hôte, dans un an, du congrès de l’Association des parlementaires francophones – une association de 60 pays, qu’il préside depuis peu.

Les noms des députés dans l’antichambre du saint des saints reviennent constamment : André Fortin, député de Pontiac, a bien fait comme bras droit de Leitão ; Véronique Tremblay, dans Chauveau, permettrait de redorer l’image du PLQ dans la région de Québec ; Isabelle Mélançon (Verdun), Marie Montpetit (Maurice-Richard) et Stéphane Billette (Huntingdon) sont aussi évoqués.

De nombreux projets de loi

Cet automne, la responsable du Travail, Dominique Vien, déposera des bonifications à la Loi sur les normes de travail. Au printemps, Philippe Couillard s’était dit intéressé par un allongement des vacances pour les salariés – actuellement à deux semaines pour cinq années de travail continu.

Assez tôt, la ministre déléguée à la Santé, Lucie Charlebois, devrait aussi déposer un projet de loi encadrant la légalisation du cannabis, mise en œuvre par Ottawa.

Le gouvernement aura l’embarras du choix ; avec le retour au travail des juristes de l’État, les ministères produisent des projets de loi comme si le gouvernement était en début de mandat, observe-t-on à l’interne.

D’autres projets de loi, déposés avant l’été, poursuivront leur cheminement. Le gouvernement a déposé cet été, en commission parlementaire, une série d’amendements au projet de loi 62 pour étendre la neutralité religieuse de l’État aux municipalités et aux sociétés de transport. Le cœur du projet reste l’interdiction de donner ou de recevoir un service gouvernemental à visage couvert.

Le projet de loi 121 consacrant le statut de métropole à Montréal, le projet de loi sur les chiens dangereux et le projet de loi 133 sur le port de l’uniforme pour les policiers restent au menu du ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux. Québec doit aussi faire adopter rapidement le projet de loi 137 sur le Réseau électrique métropolitain, un feu vert attendu avec impatience par la Caisse de dépôt et placement du Québec.

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