NICOLAS BAIER

De l’idée naît la forme

Avec Astérismes, une exposition sur la conscience, la mémoire, les connaissances, les réseaux et les constellations, le retour de Nicolas Baier à la galerie Division, le 15 septembre, prendra forme sur le terrain des idées. Ces huit derniers mois, La Presse a suivi en exclusivité la genèse de son nouveau corpus qui a requis un investissement majeur.

Fort de ses succès des dernières années, Nicolas Baier a bénéficié depuis un an d’un soutien exceptionnel de son galeriste Pierre Trahan. Une aide qui lui a permis de forger Astérismes, une série d’œuvres d’art, avec 16 assistants et tout ce que la technologie peut procurer pour soutenir la création.

Depuis janvier, La Presse a talonné la naissance d’une vingtaine d’œuvres dans son atelier du Mile End. Des œuvres dessinées sur ordinateur, puis concrétisées pour la plupart avec des imprimantes 3D. « Une idée appelle sa forme et non le contraire », fait remarquer l’artiste montréalais. 

PHILOSOPHIE ET SCIENCE

Nicolas Baier ne lit jamais de romans, mais dévore les essais philosophiques. L’an dernier, il a lu Cosmos – Une ontologie matérialiste, de Michel Onfray. « On ne connaît rien sur plus de 97 % de l’univers et tant mieux », dit Baier qui souhaite parler de notre condition de Terriens au sein de l’univers. « Plus on cherche, plus on s’aperçoit que le constitutif n’est pas de la matière, mais des ondes, dit-il. J’ai l’impression de travailler dans le fondamental, soit dans ce qu’il y a de plus important. »

Dans son travail, Baier évite la mythologie pour embrasser la « réalité ». « Quand on a mis une tête d’ours sur un humain, on a inventé les mythes pour avoir des buts communs, dit-il. Je fais fi de ces mythes et retourne à l’invention de la conscience, car on a été pourris par les mythes pendant des milliers d’années. En art contemporain, on parle tout le temps de religion, par opposition ou par accotement. J’essaie de l’évacuer. » 

ANAMORPHOSE 

L’œuvre phare d’Astérismes est une anamorphose faite de dizaines de pièces en plastique reliées à des tiges posées sur un podium. Leur disposition dans l’espace permettra, selon un seul angle de vision, de distinguer la silhouette du bureau de l’astrophysicien québécois Yves Sirois, qu’admire Nicolas Baier. L’anamorphose est une réflexion sur notre vision des choses : dans 99,99 % des façons de regarder l’œuvre, on ne voit pas le bureau. « Ç’a été un travail de fou », lâche l’artiste.

DE PÉNOMBRE À LUMIÈRE

Percée et Solaris, des œuvres représentant des grottes, ont été créées en superposant des couches de peinture numérique. Des assistants de Baier ont passé des journées à détacher des pellicules autocollantes pour faire apparaître la peinture et donc la lumière : de la pénombre à la lumière, comme quand on sort d’une grotte ou qu’on passe de l’inconscience à la conscience. 

Une autre œuvre ressemblera à un grand tableau blanc abstrait. Quatre assistants y ont inscrit en blanc des dizaines de formules mathématiques jusqu’à ce que le fond noir soit recouvert. Des heures et des heures d’écriture illustrant, là aussi, le chemin entre pénombre et lumière. Pour Baier, les œuvres sur les grottes et ce tableau illustrent le soin de l’homme à signifier son existence, depuis l’art pariétal jusqu’aux découvertes d’aujourd’hui qui, sans cesse, remettent en question celles d’hier. 

Parmi les autres œuvres, il y aura une sculpture d’appareil photo en bronze, un tondo de ciel étoilé, un « tricot numérique » de serveurs informatiques avec leurs fils de connexion branchés ou encore une œuvre en laine créée par un métier à tisser numérique à partir de la photo du brouillage hertzien d’un vieux téléviseur. 

MATIÈRE NOIRE 

Nicolas Baier présentera aussi Matière noire, un monolithe de sept pieds de haut en bronze représentant l’agrandissement d’un morceau imprimé par erreur par une de ses machines. « L’erreur est une œuvre aussi, dit-il. On pense la machine différente de nous alors que pour moi, il n’y a rien de plus humain qu’une machine puisque c’est une construction humaine. En se trompant, elle retourne à la nature. Ce morceau créé par erreur est un véritable acte organique de la machine. Quand elle se trompe, elle retourne à l’organique. C’est fascinant et ça suscite la discussion. C’est le but ! » 

Astérismes, de Nicolas Baier, à la galerie Division (2020, rue William, Montréal), du 15 septembre au 15 novembre

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