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Quand plane le spectre du ballottage...

Le premier choix du Canadien en 2010, Jarred Tinordi, 24 ans, n’est pas le seul joueur à poireauter à la tribune de la presse, pas assez fort pour percer la formation régulière de son équipe de la LNH, mais doté d’un potentiel suffisant pour qu’on hésite à le renvoyer dans les mineures par crainte de le voir réclamé par un autre club au ballottage. Ils sont actuellement 17 joueurs de moins de 24 ans dans une telle situation, un état de choses préoccupant pour les agents de joueurs, parmi lesquels Pat Brisson.

Pat Brisson a deux clients dans une situation semblable à celle de Jarred Tinordi à Montréal : Stefan Matteau chez les Devils du New Jersey, et Jordan Weal avec les Kings de Los Angeles.

Matteau, 21 ans, un choix de premier tour en 2012, a été rayé de la formation neuf fois cette saison. Matteau n’est pas tout à fait apte à jouer tous les matchs pour les Devils, mais l’équipe ne veut pas le renvoyer dans les mineures par crainte de le perdre au ballottage.

« C’est une question préoccupante pour nous, dit Pat Brisson depuis son bureau de Los Angeles. On veut que notre client continue à progresser, mais s’il dispute seulement un match sur quatre, on se demande comment il pourra le faire. Cette catégorie de joueurs se retrouve coincée. Les plus jeunes, au statut contractuel différent, peuvent être renvoyés dans les mineures sans être soumis au ballottage et peuvent obtenir le temps d’utilisation nécessaire. Il y a tellement de bons joueurs qui arrivent ! Si ton joueur ne progresse pas, un autre va lui voler sa job. »

« UNE ARME À DOUBLE TRANCHANT »

Jordan Weal a amassé presque un point par match dans la Ligue américaine depuis deux ans. Il se retrouve aux portes de la LNH, mais il a disputé seulement trois matchs cette saison parce que les réguliers sont inébranlables pour l’instant.

« C’est une arme à double tranchant, admet Brisson. Tu es fier que ton client soit “en haut” et heureux de voir que l’organisation tient à lui, mais sa progression est affectée. Il est parfois coincé parce que le DG veut le garder comme appât dans un éventuel échange, mais l’entraîneur ne lui fait pas assez confiance ou n’a pas de place pour lui. »

Dix-sept joueurs de 24 ans ou moins auraient été rayés de leur formation respective au moins neuf fois cette saison, rapportait lundi James Mirtle, du Globe and Mail. D’autres choix de premier tour comme Jamie Oleksiak à Dallas, Dylan McIlrath et Emerson Etem à New York (Rangers), et Derek Forbort à Los Angeles se trouvent dans la même situation, de même que le défenseur québécois Éric Gélinas au New Jersey et Nikita Nesterov à Tampa.

La situation ne semble pas déranger Gilles Lupien, l’agent de Gélinas. « Quelque part, c’est un signe que l’équipe tient à ton joueur, dit-il. Parfois, celui-ci connaît une baisse après avoir signé un contrat. S’il ne joue pas l’an prochain, par contre, on avisera. »

Pat Brisson représente de nombreuses vedettes de la LNH, parmi lesquelles Sidney Crosby, Jonathan Toews, John Tavares, Claude Giroux, Patrick Kane, Anze Kopitar et Roberto Luongo. Il admet que ces jeunes joueurs, tout comme ceux coincés dans les mineures, le tiennent plus occupé que les stars.

« Le client qui ne joue pas se questionne et peut devenir préoccupé. C’est une phase de la carrière du joueur qui est très perturbante. On travaille psychologiquement avec le joueur, on tente de le placer dans une bonne position. On y consacre beaucoup de temps. »

— Pat Brisson

Le phénomène se serait accentué depuis quelques années, affirme Brisson. « Le plafond salarial est l’une des causes. Il y a un petit blocage. Il faudra y voir lors de la prochaine convention collective, dans un contexte global avec toutes les choses à revoir. Parmi les solutions, si on ajoutait une ou deux équipes pour passer de 30 à 32, ça ouvrirait des postes. »

Tinordi ratera fort probablement un 23e match ce soir. Déjà, la présence du vétéran Alexei Emelin est incertaine malgré son retour à la santé…

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