Boissons alcoolisées sucrées

Le « Poppers » en vinier de Geloso suscite l’inquiétude

Frappé par l’interdiction de plusieurs de ses boissons alcoolisées sucrées dans la foulée de la mort d’Athéna Gervais, le producteur Groupe Geloso se tourne vers un produit qui renouvelle les inquiétudes, a appris La Presse : le « Poppers » en vinier.

L’entreprise respecte la nouvelle loi en ne commercialisant plus de boissons sucrées dépassant les 7 % d’alcool, mais emballe maintenant ce produit au goût de limonade, populaire auprès des jeunes, en formats de 4 et 5 L.

Éduc’alcool et l’Association des brasseurs du Québec craignent que ces gros formats puissent favoriser le « calage », ont-ils expliqué en entrevue. Le gouvernement, lui, rappelle à l’industrie ses obligations et menace de sévir.

« On a tous déjà été jeunes, et comme parent – j’en suis un –, on peut en venir à la conclusion que des jeunes vont se mettre la tête sous le robinet et vont faire des concours », a déploré Patrice Léger-Bourgoin, de l’Association des brasseurs du Québec. Le groupe représente des concurrents du Groupe Geloso, qui est spécialisé dans la production de mélanges à base d’alcool de malt.

« On est extrêmement préoccupés par cette situation. »

— Patrice Léger-Bourgoin, de l’Association des brasseurs du Québec

Dans son nouvel emballage, le produit ne contient pas de gaz. La boîte cartonnée arbore des images de bouteilles, mais c’est bien un seul gros sac de plastique étanche qui s’y trouve.

Dans une déclaration écrite, le bureau du ministre de la Sécurité publique a appelé les entreprises du secteur à la prudence.

« Nous avons tous, incluant l’industrie des boissons alcooliques, une responsabilité visant à favoriser une consommation responsable. S’il faut resserrer des règles, le gouvernement le fera », a indiqué le bureau de Martin Coiteux. Un comité devrait être mis en place sous peu pour étudier la mise en marché de l’alcool au Québec, ajoute la déclaration.

« Boissons hypocrites »

Selon Éduc’alcool, une simple réduction de la concentration en alcool permise dans ces « boissons hypocrites » allait nécessairement mener à ce type de dérive.

« C’était écrit dans le ciel. Ce sont les stratégies habituelles d’un certain nombre de fabricants. »

 Hubert Sacy, directeur général d’Éduc’alcool

Pour M. Sacy, ces produits devraient être carrément interdits et les consommateurs devraient faire eux-mêmes leurs mélanges afin de se rendre compte de la quantité d’alcool qu’ils y mettent. À défaut, les formats devraient correspondre à une consommation d’alcool par contenant afin que le consommateur réalise ce qu’il boit. « S’il veut en boire 12, il devra en acheter 12 », a-t-il illustré.

Le Groupe Geloso n’a pas voulu commenter la sortie de ses nouveaux produits. Dans un mémoire déposé à l’Assemblée nationale, au printemps, l’entreprise accusait le gouvernement de « cible[r] injustement une entreprise québécoise » parce que les bières et les cidres de plus de 7 % d’alcool échappaient à l’interdiction.

Geloso prônait plutôt d’autres mesures pour empêcher les mineurs d’avoir accès à l’alcool et les jeunes d’en abuser, notamment en autorisant les canettes refermables et en instaurant la vérification systématique de l’âge des clients.

Deuxième controverse

L’entreprise a aussi fait les manchettes, hier, après qu’une publicité piquant l’orgueil des consommateurs eut causé de vives réactions sur les réseaux sociaux. « Si elle est trop forte, c’est que tu es trop faible ! », clamait la publicité pour la bière Boris visible dans la rue Hochelaga, à Montréal.

Les deux bières qui figurent sur la publicité, Boris Bold et Boris Slam, sont des boissons contenant 8,6 % et 10,5 % d’alcool. Au Québec, ces produits sont brassés par Geloso. L’origine de l’affiche est toutefois incertaine : la société assure qu’elle date d’avant 2018, mais refuse de donner plus d’explications. Geloso a commencé à exploiter la marque Boris en 2013.

« Il va sans dire que l’affiche incite à la consommation excessive et qu’elle joue sur le goût du risque qui attire tant les jeunes, ce qui est particulièrement mal venu, car c’est un groupe fort vulnérable », a expliqué, jeudi, Hubert Sacy. L’affiche « capitalise à fond sur le taux d’alcool, ce qui est contraire au Code d’éthique de l’industrie québécoise des boissons alcooliques », selon lui.

Des canettes interdites encore en  vente

Malgré l’adoption du projet de loi 170 à la mi-juin, les canettes de boissons alcoolisées sucrées contenant plus de 7 % d’alcool ne sont pas toutes retirées des rayons des magasins de la province, a pu constater La Presse. Des canettes de « Poppers Hard Ice X-Tra Premium » contenant 9 % d’alcool étaient ainsi facilement accessibles dans un IGA de Brossard, hier après-midi. « C’est une erreur du magasin », a expliqué Anne-Hélène Lavoie, porte-parole de l’enseigne. La Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ) a cru bon de publier un communiqué la semaine dernière pour rappeler aux détaillants que la vente en épicerie et en dépanneur de ce type de produits était maintenant interdite et qu’ils ne pouvaient pas écouler leur stock. « C’est illégal », a expliqué Me Joyce Tremblay, porte-parole de la Régie. — Philippe Teisceira-Lessard, La Presse

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