Opinion : Services en santé mentale pour les mineurs

Des besoins criants

En 2009, le Collège royal a accepté la création d’une nouvelle surspécialité en psychiatrie, soit la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (pédopsychiatrie). Cette reconnaissance fait suite à une démarche nationale entreprise par l’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent en collaboration avec l’Association canadienne de psychiatrie.

Ce processus a pour but de répondre à des besoins sociétaux qui ont été identifiés et qui nécessitent une intervention. En effet, le constat est similaire partout au Canada. Les enfants et les adolescents qui ont besoin de soins de santé mentale n’ont souvent pas accès à des services. Il y a un manque de ressources tant au niveau des différents professionnels que des médecins.

Les études épidémiologiques au Canada, aux États-Unis et en Australie indiquent que 14 % des enfants âgés de 4 à 17 ans présentent un trouble mental important (Waddell, Offord et al. 2002). De plus, 50 % des enfants ayant un trouble mental présentent deux troubles ou plus. Il y a donc une comorbidité importante qui ajoute à la lourdeur de leur situation. Moins de 25 % de ces enfants reçoivent des traitements spécialisés. Certains reçoivent des services de première ligne.

Cela dit, la majorité des enfants présentant un trouble mental au Canada ne reçoivent pas de traitement efficace.

Dans une étude de 2011, il est démontré que la tranche d’âge des 10 à 24 ans est associée à 15,5 % de tous les jours-années reliés à une cause spécifique d’incapacité (Gore, Bloem et al. 2011). De plus, la cause principale de ces jours d’incapacité est les troubles neuropsychiatriques à raison de 45 %.

Débuts précoces

Par ailleurs, il est également démontré que la moitié des cas à vie de maladies psychiatriques débutent avant l’âge de 14 ans (Kessler, Amminger et al. 2007). Selon les types de troubles, l’âge médian de début peut varier. Retenons 6 ans pour les troubles anxieux, 11 ans pour les troubles du comportement, 13 ans pour les troubles de l’humeur et 15 ans pour l’abus de substances (National Comorbidity Survey Replication – Adolescent Supplement). L’âge de début précoce pour toutes les maladies psychiatriques est associé à la chronicité et à la sévérité de la maladie.

Le commissaire à la santé et au bien-être a souligné en 2012 l’importance de cibler les jeunes au niveau de la prévention et de l’intervention en santé mentale (Bélanger, Bergeron et al. 2012).

Du point de vue clinique, la clientèle pédopsychiatrique comporte plusieurs caractéristiques qui nécessitent de développer et d’encourager cette expertise.

Nous n’avons, par exemple, qu’à considérer l’aspect pharmacologique. En effet, on constate chez les enfants et les adolescents un métabolisme différent de celui de l’adulte, donc des ajustements de dosage qui doivent être adaptés. La même chose pour ce qui est des impacts de la médication qui est à étudier à cet âge, étant donné le développement du cerveau.

Adapter les interventions

Même si les études tendent à démontrer une certaine continuité entre les troubles de l’enfance et ceux de l’âge adulte, les modalités d’intervention doivent être différentes et tenir compte du développement de l’enfant, des aspects systémiques et familiaux et de la pathologie qui est alors en émergence et qui nécessite un traitement adapté. Plusieurs autres exemples pourraient être exposés ici pour démontrer l’importance de développer des approches spécifiques à la clientèle pédopsychiatrique, et ce, tant du point de vue psychosocial que du point de vue pharmacologique. Il reste beaucoup de travail à faire à ce niveau.

Malgré l’abondance des travaux récents en recherche au niveau des diagnostics et des traitements efficaces, les approches ne sont souvent pas systématisées et organisées selon les données probantes et les meilleurs guides de pratique. Il y a donc nécessité d’améliorer la formation et de systématiser les approches. Il faut également prévoir une démarche d’évaluation des programmes ainsi qu’une structure de recherche intégrant les différents niveaux de service. De plus, la coordination entre les différentes instances impliquées est à améliorer afin d’accroître l’efficacité tant sur le plan du dépistage que de l’intervention.

La psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent existe à ce titre depuis plusieurs années, et ce, bien avant la reconnaissance officielle par le Collège royal. L’Académie canadienne de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent est la plus vieille association de surspécialité en psychiatrie au Canada.

Des effectifs insuffisants

Déjà, en pratique au Québec, des services et des départements de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent sont reconnus et contribuent à la prestation de soins. Cela dit, les psychiatres de l’enfant et de l’adolescent doivent continuellement se battre pour faire reconnaître la nécessité d’augmenter le nombre de résidents en spécialité au Québec, la particularité des soins chez les moins de 18 ans et la nécessité d’avoir suffisamment de ressources de professionnels aux divers niveaux de soins. 

Le nombre de postes en résidence dans notre province n’est que de six par année pour l’ensemble du Québec, ce qui compromet de façon majeure l’accès aux services, surtout que l’âge moyen des psychiatres de l’enfant et de l’adolescent est élevé.

Il est important de reconnaître la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent dans les organigrammes des centres hospitaliers et, lorsque possible, d'en faire des départements comme la pédiatrie, car nous sommes nous aussi une spécialité de base malgré notre statut de surspécialité.

Il est primordial de soutenir l’augmentation des effectifs de professionnels dans la communauté (écoles) et dans les différents niveaux de services afin de pouvoir répondre à la demande. Nous pensons également que l’intervention doit être systématisée et inclure des mesures de prévention et de traitement organisés.

Une meilleure planification des effectifs de psychiatres de l’enfant et de l’adolescent, des effectifs de professionnels et des services sera un bénéfice majeur pour la clientèle et pour le système de santé. Il s’agit de l’avenir de notre société.

* L’auteure est également chef du département de psychiatrie au CHU Sainte-Justine, Université de Montréal

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.