Chasse et pêche

La relève se fait rare

Les grands passionnés de chasse et de pêche vieillissent. La communauté se cherche de la relève. Comment inciter les jeunes à reprendre le flambeau ?

UN DOSSIER DE MARIE TISON

des chasseurs vieillissants

Les statistiques sont plutôt révélatrices. Selon un profil dressé par le gouvernement québécois à partir d’un sondage réalisé en 2017, 65 % des chasseurs ont 45 ans et plus.

Et selon des données du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, le nombre de permis de chasse et de pêche diminue sans cesse depuis 2013, soit une baisse de 2,9 % pour les permis de chasse et 10,7 % pour les permis de pêche (pour les résidants).

« En fait, c’est la population de chasseurs et de pêcheurs hyper passionnés, celle qui répond aux clichés qu’on voit souvent, qui vieillit », indique Hélèna Barron-Gauthier, coordonnatrice d’Héritage Faune, la fondation officielle de la Fédération des chasseurs et pêcheurs du Québec (FCPQ).

« L’industrie s’ajuste à ce vieillissement avec des produits adaptés, mais elle doit aussi s’ajuster pour cibler de nouveaux chasseurs et pêcheurs. »

— Hélèna Barron-Gauthier, coordonnatrice d’Héritage Faune

Un jeune doit avoir au moins 12 ans pour chasser au moyen d’une arme à feu, d’une arbalète ou d’un arc. Il doit cependant être accompagné d’un adulte jusqu’à l’âge de 15 ans pour chasser à l’arc ou à l’arbalète ou jusqu’à 17 ans pour chasser avec une arme à feu. Par contre, il n’y a pas d’âge minimal pour chasser le lièvre au collet ou pour chasser certaines grenouilles.

Traditionnellement, c’est surtout la famille qui initie les jeunes chasseurs : les parents, les frères, les oncles. C’est encore le cas. « C’est la porte d’entrée la plus facile, indique Mme Barron-Gauthier. Quand tu as vu ton père et ta mère aller à la chasse toute ta vie, tu suis. Ils ne payaient pas une gardienne à tout moment pour aller au chalet. »

Mais ce n’est pas tout le monde qui vient d’une famille de chasseurs. La fédération encourage donc les chasseurs à initier des jeunes qui ne sont pas nécessairement des gens de la famille. « Ils n’ont pas d’enfants, ou encore, ils ont déjà initié leurs enfants, déclare Mme Barron-Gauthier. Si chaque chasseur essaie d’initier une autre personne par année, ça va faire des petits. »

Ce n’est cependant pas suffisant.

« On reçoit plusieurs courriels de gens qui nous disent qu’ils veulent aller à la chasse ou à la pêche, mais ils ne savent pas où commencer », indique Mme Barron-Gauthier.

Elle rappelle que la première étape est de suivre une formation. « Ce sont des moniteurs qualifiés et passionnés qui donnent les cours, note-t-elle. S’ils sont affiliés à des organisations, ils vont faire connaître les activités de celles-ci. »

Plusieurs initiatives

Mme Barron-Gauthier fait remarquer que la fondation qu’elle coordonne, Héritage Faune, finance des projets de développement de la relève grâce à l’argent qu’elle récolte dans des activités de collecte de fonds. « C’est le programme le plus sollicité de notre fondation, indique-t-elle. Cette année, on a distribué 130 000 $ pour 136 projets, 60 % d’entre eux dans le domaine de la pêche et 40 % dans celui de la chasse. »

Ce sont notamment les associations de chasse locales, les ZEC (zones d’exploitation contrôlées) et les pourvoiries qui soumettent de tels projets. Elles peuvent organiser des journées de la pêche ou des activités d’initiation à la chasse. Elle donne l’exemple de la ZEC Jaro, en Beauce, qui organise des stages d’initiation à la chasse au cerf de Virginie pour les jeunes de 12 à 17 ans.

Certaines municipalités organisent également des activités d’initiation, tout comme des organismes de conservation et de protection des milieux naturels.

« On sensibilise les jeunes et les autres à la protection du milieu, explique Mme Barron-Gauthier. On leur fait un petit discours sur l’habitat parce que même s’ils prélèvent la ressource, ou qu’ils essaient de la prélever, ils doivent réaliser que cette ressource a besoin d’un habitat bien géré. C’est dans la mentalité du bon chasseur et du bon pêcheur. »

La Fédération québécoise des chasseurs et pêcheurs a aussi mis sur pied un programme de mentorat pour assister les nouveaux chasseurs et pêcheurs. « Nous avons une banque d’une bonne centaine de mentors avec lesquels on peut communiquer. C’est une espèce d’agence de rencontres pour gens qualifiés. »

Et puis, pour les jeunes, il y a évidemment les réseaux sociaux où l’on trouve beaucoup de groupes de chasse et pêche.

« On voit passer des messages : “J’aimerais aller dans telle région, faire telle chasse, mais je ne sais pas trop comment m’y prendre.” On voit que la discussion se finit par messages privés : peut-être que ça a abouti dans une sortie de chasse. »

— Hélèna Barron-Gauthier

Avec la relève, la démographie de la communauté des chasseurs commence à changer. Ainsi, les femmes, qui ne constituent que 11 % des chasseurs expérimentés, représentent 25 % des chasseurs de la relève. « Les filles font vraiment leur place dans ce domaine-là », se réjouit Hélène Barron-Gauthier.

Accrocher les jeunes pêcheurs

Il n’y a rien comme un poisson frétillant au bout d’une ligne à pêche pour accrocher un jeune à cette activité.

« L’activité Pêche en herbe, c’est très positif, affirme Geneviève Lacroix, coordonnatrice de projets à la Fondation de la faune du Québec. Les enfants sont très heureux juste à l’idée d’être dehors et de participer à la pêche. Lorsqu’il y a un poisson au bout de la ligne, c’est beau à voir, ça fait vraiment : “Wow !” »

La Fondation de la faune du Québec est un organisme de charité créé par le gouvernement du Québec en 1984 pour la conservation et la mise en valeur de la faune et de son habitat. Elle offre notamment le programme Pêche en herbe, qui vise à initier les jeunes de 9 à 12 ans. « Nous avons ciblé la pêche parce que c’est plus facile que la chasse, indique Mme Lacroix. C’est une activité accessible qui permet de développer de l’intérêt pour d’autres activités de prélèvement comme la chasse. »

Grâce à un partenariat avec Canadian Tire, les jeunes se font remettre une canne à pêche et des leurres, qu’ils pourront garder, un petit manuel et un permis de pêche qui sera bon jusqu’à l’âge de 18 ans.

« Nous initions environ 16 000 jeunes chaque été et de 2000 à 2500 jeunes chaque hiver. Depuis les débuts, nous avons initié 300 000 jeunes à la pêche. »

— Geneviève Lacroix, coordonnatrice de projets à la Fondation de la faune du Québec

Pour la Fondation de la faune, il est important de faire croître la relève. « Les gens qui aiment aller pêcher sont des gens qui se soucient davantage de leur environnement, des milieux naturels, ils ont plus tendance à les protéger, affirme Mme Lacroix. L’autre aspect, c’est que 65 % des revenus de la fondation proviennent de sommes prélevées sur chaque permis de chasse, de pêche et de piégeage vendu. Si nous continuons à former des pêcheurs, ils vont acheter des permis, ce qui nous assure un revenu pour investir dans des projets de conservation des habitats fauniques. »

Au parc de la Rivière-des-Mille-Îles, à Laval, on offre Pêche en herbe dans une version familiale et dans une version uniquement pour les jeunes. « C’est la pêche familiale qui est l’activité la plus populaire des deux, note Nathalie Boucher, directrice des ventes, du marketing et des partenariats au parc de la Rivière-des-Mille-Îles. Les gens aiment faire ça en famille. »

Les activités pour jeunes seulement ont quand même obtenu un grand succès. Le parc a également offert Pêche en herbe dans le cadre de ses camps de jour. D’ailleurs, la pêche était le thème central de deux « sessions » de camps de jour, les Apprentis pêcheurs (pour les 9 à 11 ans) et les Experts de la pêche (pour les 12 à 14 ans).

1375 Le parc de la Rivière-des-Mille-Îles, à Laval, a distribué 1375 cannes à pêche aux jeunes dans le cadre de ses activités et de ses camps de jour, au cours de l’été.

« Les jeunes aiment ça, affirme Mme Boucher. Ils partent sur la rivière, ils ont l’impression d’être très loin, ils se retrouvent dans la nature et la pêche, c’est pratico-pratique. Et ils ont un défi : être capable d’attraper un poisson. »

15 ans et chasseuse

Elle a 15 ans, est en quatrième secondaire à Deux-Montagnes et aime la chasse. Avec un grand sourire dans la voix, Erika Beissweinger nous parle de cette activité.

Qu’est-ce qui t’intéresse dans la chasse ?

J’aime être dehors, passer du temps en famille. Parce que lorsque je vais à la chasse, c’est avec la famille et les amis.

Comment t’es-tu initiée à la chasse ?

L’ami de ma mère, Marc, faisait beaucoup de chasse. Une fois, je suis allée avec eux et ça m’a intéressée. J’ai décidé de faire mon cours à 12 ans. Ils nous ont montré comment manipuler une arme prudemment, comment être sécuritaire avec d’autres personnes, comment dépecer un animal.

Quel type de chasse fais-tu ?

Je fais de la chasse au petit gibier : la perdrix, le lièvre. J’aime ça. Pour la perdrix, c’est assez simple, ce n’est pas comme la chasse au canard ou à l’outarde, tu n’as pas besoin de t’asseoir pendant des heures. Tu te promènes en auto dans les chemins, tu t’arrêtes, tu sors de l’auto, tu vas te promener dans le bois et tu cherches. C’est donc assez actif. Pour le lièvre, c’est assez difficile. Parfois, on n’en attrape aucun : ils vont vite et ils se camouflent très bien.

Est-ce que tu chasses parfois avec un chien ?

Oui, l’ami de ma mère a un chien, Exius, un griffon d’arrêt à poil dur Korthals. Il vient avec nous pour la chasse à la perdrix. Il les trouve, il les pointe. Quand on les tire, on lui fait la commande d’aller les chercher et il nous les rapporte. C’est vraiment le fun de chasser avec lui, et surtout de le voir aller : il est tellement dans son élément !

Est-ce que tu aimes manger le gibier ?

Bien sûr ! Parfois, on le mange directement au camp. Ou encore, on le rapporte et Marc fait des petits plats. C’est très bon. J’aime particulièrement le tétras : c’est une viande rouge qui a beaucoup de goût.

Tu es une jeune chasseuse. Dans ton groupe d’amis, es-tu un phénomène rare ?

Oh oui ! J’ai une amie végétarienne. Quand je lui parle de la chasse, elle aime moins ça, elle dit qu’on fait mal aux animaux. Je lui dis qu’on fait ça dans le respect, on ne dépasse jamais nos quotas. Mais j’ai d’autres amis qui sont curieux. Quand je leur parle de ma fin de semaine de chasse, ils trouvent que ça fait différent des vacances qu’on peut prendre.

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