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Une expérience révèle les lacunes du transport à Montréal

Manque de stationnement. Pistes cyclables manquantes. Signalisation déficiente. Une expérience menée à l’automne 2016 grâce à une application mobile a permis de révéler plusieurs lacunes dans les rues de Montréal. Satisfaite des résultats, la métropole entend reprendre l’exercice cette année pour évaluer l’efficacité des solutions apportées.

— Avec la collaboration d’Éric-Pierre Champagne

Un million de trajets

La Ville de Montréal a mené à l’automne 2016 une enquête sur les déplacements dans la grande région grâce à une application mobile, MTL Trajet. Pendant quatre semaines, près de 7000 personnes y ont participé, permettant d’enregistrer pas moins de 1 million de trajets. « Il y a une mine d’informations là-dedans », s’emballe Harout Chitilian, élu responsable de la Ville intelligente au sein de l’administration Coderre. Élément rassurant, les résultats se rapprochent de ceux obtenus par l’enquête Origine-Destination, étude menée tous les cinq ans pour mesurer l’utilisation des différents modes de transport dans la région.

Tourner en rond

« L’enquête Origine-Destination donne le point de départ, la destination et le mode de transport, mais cette application permet de remplir le vide entre ces deux points. Comment ils s’y rendent ? C’est quoi les détours empruntés ? Ça donne un portrait très réel des déplacements », résume Harout Chitilian. L’application a ainsi permis de documenter des phénomènes mal compris, comme les automobilistes tournant en rond de longues minutes à la recherche de stationnement. « On entend souvent que 20 à 30 % de la congestion est due aux automobilistes qui tournent en rond. Là, on pourra avoir des chiffres réels », poursuit M. Chitilian. Le parcours d’un participant à l’expérience ayant cherché à se garer dans le Mile End l’automne dernier l’illustre d’ailleurs à merveille. Il a dû rouler sur plus de deux kilomètres, empruntant sept rues différentes, avant de trouver une case libre.

Points chauds au centre-ville

La Ville a même développé un indicateur, l’indice T, pour cartographier les secteurs où les automobilistes ont le plus tendance à tourner en rond à la recherche de stationnement. Pour y arriver, on a isolé les tronçons de rues où les utilisateurs de MTL Trajet ont circulé à plus d’une reprise en peu de temps. Parmi les points chauds découverts, on a ainsi pu identifier le tronçon de la rue University entre Milton et Sherbrooke, les rues Mansfield et Belmont autour de la gare Centrale, ainsi que l’avenue Union, près de La Baie d’Hudson. Ce sont notamment ces résultats qui ont poussé la Ville à étendre son projet de « jalonnement dynamique », c’est-à-dire de panneaux électroniques informant les automobilistes sur la disponibilité de cases dans certains stationnements.

Cyclistes sans piste

En se concentrant sur les déplacements à vélo, l’application permet de faire ressortir certains tronçons très utilisés par les cyclistes. Et en superposant la carte des pistes cyclables existantes, la métropole peut ainsi déterminer les secteurs à améliorer. « On a vu que la rue Guy était un axe nord-sud extrêmement achalandé même s’il n’y a pas d’aménagement pour les vélos. Alors dès l’année prochaine, on va accélérer les plans pour en faire une priorité dans le développement des pistes », a révélé Harout Chitilian. Bien que le centre-ville offre une importante piste cyclable est-ouest sur le boulevard De Maisonneuve, les données permettent également de constater que les vélos empruntent massivement la rue Sherbrooke, où il n’y a pas de piste.

Dans la congestion

MTL Trajet a également permis de constater des lacunes dans les avis offerts aux automobilistes afin qu’ils évitent les chantiers majeurs. Montréal a déployé depuis l’an dernier de nombreux panneaux à messages variables afin d’aviser les usagers de la route des secteurs à éviter, mais l’application a permis de démontrer que les gens arrivant des couronnes s’y rendaient malgré tout. « L’affichage fonctionne moins bien pour les gens en transit dans l’île. Ç’a été le cas des travaux sur le boulevard Saint-Michel. Même si on disait aux gens de ne pas passer par là, on voyait que les gens de Laval et de la couronne nord venaient et s’enfonçaient dans la congestion. Il faut regarder ce qui n’a pas marché avec les panneaux à messages variables », dit Harout Chitilian.

Rues à sécuriser pour les piétons

En isolant les trajets faits à pied, l’application a permis de confirmer à quel point certaines artères sont fréquentées par les piétons. C’est notamment le cas de l’avenue du Mont-Royal, qui ressort comme un lieu de déplacements important. « On peut identifier les rues les plus fréquentées et après s’assurer qu’elles sont suffisamment sécurisées », poursuit M. Chitilian. L’avenue Pierre-de-Courbertin, entre les métros Pie-IX et Viau, sera ainsi sécurisée grâce aux résultats de MTL Trajet qui ont révélé un important achalandage piéton. « Dès que tu vois les données, tu en comprends la nécessité », poursuit Harout Chitilian.

90 000 $ plutôt que 3,5 millions

Devant les résultats obtenus à l’automne 2016, la Ville de Montréal a décidé de répéter l’expérience cet automne. Harout Chitilian explique que Montréal veut ainsi suivre l’évolution de l’utilisation de ses rues, notamment en évaluant si les gens délaissent leur voiture au profit des transports en commun et du vélo. L’élu est d’autant plus emballé que MTL Trajet a coûté à peine 90 000 $ alors qu’il en coûte 3,5 millions pour réaliser chaque enquête Origine-Destination. Autre avantage, l’application a permis de mieux sonder les jeunes de 25 à 34 ans. Durant la dernière enquête Origine-Destination, à peine 15 % des répondants se trouvaient dans cette tranche d’âge, alors que ceux-ci représentent 25 % de la population montréalaise. Tout près de 30 % des utilisateurs de MTL Trajet l’an dernier avaient entre 25 et 34 ans.

15 millions par an pour un plan vélo

La Ville de Montréal a dévoilé hier un plan-cadre pour le vélo intitulé : « Montréal, ville cyclable ». La Ville dit vouloir notamment offrir un mode de transport quatre saisons en toute sécurité « à la portée de chacun ». Montréal doublera ses investissements annuels. C’est ainsi 150 millions qui seront investis au cours des cinq prochaines années.

10 orientations, un plan-cadre

Le plan-cadre pour le vélo contient 10 orientations principales. Les objectifs sont notamment d’augmenter la connectivité entre les arrondissements, plus de complémentarité avec les transports collectifs, rendre le réseau accessible et sécuritaire en toutes saisons, élaborer un plan d’accessibilité au centre-ville et améliorer l’offre de stationnement pour les vélos. Un des principaux objectifs du plan est d’augmenter de 15 % d’ici 15 ans la part du vélo dans les déplacements dans les quartiers centraux. Celle-ci est présentement de 2,5 % dans toute l’agglomération de Montréal.

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