Montréal s’excuse auprès de la communauté LGBTQ+
Montréal a présenté hier ses excuses officielles pour les descentes policières discriminatoires et souvent violentes qui ont visé la communauté LGBTQ+, premier pas vers d’autres engagements réclamés par les représentants des groupes concernés.
« Je veux officiellement présenter, au nom de la Ville, nos excuses publiques à la communauté LGBTQ+ », a déclaré Denis Coderre hier, en début d’après-midi, aux côtés du chef du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Philippe Pichet, et du président fondateur de Fierté Montréal, Éric Pineault.
Des années 60 aux années 90, la communauté LGBTQ+ – elle ne portait pas ce nom à l’époque – a traversé une période de discrimination systémique ayant mené à l’arrestation de près d’un millier de personnes.
Le maire de Montréal a reconnu que les gestes posés « par les forces policières et l’administration municipale ont porté atteinte aux droits des personnes LGBTQ, et également à leur dignité ». Ces excuses surviennent alors qu’aura lieu demain le plus grand défilé de la Fierté gaie jamais organisé dans la métropole.
Philippe Pichet, directeur du SPVM, s’est également adressé aux médias et à divers représentants de la communauté LGBTQ+ pour souligner que « le SPVM regrett[ait] les événements qui se sont produits lors de descentes dans les bars gais entre les années 60 et 90. » « Nous espérons que les personnes visées parviendront à tourner la page dans la sérénité », a-t-il affirmé. M. Pichet a en outre assuré que le SPVM entretenait de « très bonnes relations » avec les membres de la communauté LGBTQ+.
« Fierté Montréal a vraiment adhéré à ce processus de réconciliation et de guérison », a déclaré M. Pineault, lors d’une entrevue avec La Presse après la conférence. L’an dernier, l’organisme s’était entretenu avec le maire à propos d’éventuelles excuses, et ce dernier s’était montré ouvert.
Des acteurs de la communauté LGBTQ+ notent toutefois qu’il reste du chemin à faire en matière d’inclusion et des droit de la personne.
« C’est très important, les mots, mais on peut toujours faire plus. »
— Réjean Thomas, médecin engagé dans la lutte contre l’homophobie
L’initiative de la Ville rappelle que la discrimination n’est plus acceptée à Montréal, selon le médecin Réjean Thomas, qui s’efforce d’éradiquer le sida dans la métropole d’ici 2030.
« Il faut créer un réel dialogue et il va falloir mettre de l’argent pour les organisations qui ont pour mission de lutter contre l’homophobie et la transphobie », estime pour sa part Marie-Pier Boisvert, directrice générale du Conseil québécois LGBT.
M. Coderre a donné à Montréal le titre de « ville de réconciliation », assurant vouloir instaurer prochainement une politique de diversité sexuelle et de pluralité des genres qui veillerait à mieux intégrer la communauté LGBTQ+ dans la société et à enrayer la discrimination. Pour ce faire, un comité de travail sera mis sur pied. Jasmin Roy, ancien porte-parole de Fierté Montréal, applaudit l’initiative. « C’est un grand pas, commente-t-il. Maintenant, on attend les moyens concrets, il faut s’attarder sur le “comment”. »
Des rafles et du profilage
Dans le but de « nettoyer » la métropole en prévision des Jeux olympiques de 1976 sous le maire Jean Drapeau, les descentes policières dans les établissements gais se sont multipliées dans les années précédant l’événement international. Une stigmatisation qui a perduré des décennies durant. Aujourd’hui, la transphobie et l’homophobie sont encore loin d’être des problèmes du passé. Sur une période d’environ 30 ans, les rafles policières à Montréal ont mené à l’arrestation d’environ 800 personnes, notamment au bar Truxx en 1977, au Buds en 1984, au Sex Garage en 1990 et aux Katacombes en 1994, où des descentes particulièrement violentes sont survenues. De nombreux mouvements de protestation ont fait écho à ces injustices. La lutte pour les droits des gais et lesbiennes a pris un tournant important dans les années 70. En octobre 1977, par exemple, après l’arrestation de près de 150 personnes au bar Truxx pour « fréquentation d’une maison de débauche », ce sont 2000 manifestants qui se sont réunis le lendemain devant le bar pour réclamer la fin de la répression policière intensifiée par le maire Jean Drapeau.