Alimentation

Quand l’union fait la force

Moins de pesticides, plus de rendement et un meilleur accès au marché nord-américain. Des objectifs ambitieux qui ont poussé un groupe de producteurs de laitue québécois à faire alliance. Dix ans plus tard, une partie du défi est relevée puisque l’on retrouve sur le marché trois variétés de semences adaptées au climat d’ici.

FORTE DEMANDE

La consommation de laitue connaît une croissance fulgurante ces 20 dernières années en Amérique du Nord. Selon Statistique Canada, c’est le légume que l’on mange le plus au pays. Une bonne nouvelle pour les producteurs québécois, puisque le Canada doit importer pour 380 millions de dollars de laitue des États-Unis. Si on ajoute à cela le marché de l’exportation au sud de la frontière, les occasions d’affaires se chiffrent à près de 100 millions. Pénétrer ce marché n’est toutefois pas facile. La concurrence y est féroce et les clients, très exigeants. « Pour le marché de la restauration et du prêt-à-manger, la laitue doit être parfaite. Un puceron dans la laitue de votre hamburger, c’est tolérance zéro », raconte Jean-Bernard Van Winden, copropriétaire des Fermes Hotte et Van Winden et président de la Fondation pour l’amélioration de la génétique de la laitue et des légumes feuilles.

LE PROBLÈME

C’est justement là que le problème se posait pour les producteurs québécois. Pendant de nombreuses années, les producteurs d’ici étaient aux prises avec des semences adaptées au climat californien. Conséquence, les laitues québécoises étaient particulièrement touchées par la nervation brune, la brûlure de la pointe et les excès de chaleur, elles devaient donc subir des traitements avec des pesticides. « En Californie, les maladies sont différentes. Il n’y a quasiment pas de brûlure de la pointe. Les entreprises de semences californiennes ne sont donc pas intéressées à développer des variétés résistantes aux problèmes qui nous touchent », raconte Jean-Bernard Van Winden.

L’ALLIANCE

Cinq fermes de la Montérégie (Vert Nature, Delfland, les Fermes Hotte et Van Winden, les Maraîchers JPL Guérin et les Productions Horticoles Van Winden) ont donc pris le taureau par les cornes et ont décidé de s’unir pour entreprendre de la recherche et du développement de nouvelles semences. De 1997 à 2001, le groupe a investi pour l’acquisition de connaissances et l’évaluation de plusieurs cultivars. Ces efforts ont porté leurs fruits. Après 10 ans de recherche et près de 1,6 million en argent et en nature (parcelles d’essai, locaux, etc.), dont 335 000 $ provenant des producteurs, trois cultivars qui règlent certains désordres physiologiques ont été mis sur le marché. Le travail n’était toutefois pas encore terminé.

L’EMBÛCHE

Malgré des avancées pour déterminer le génome responsable de la brûlure de la pointe et l’identification de lignées tolérantes à la tache bactérienne, le gouvernement fédéral a mis la hache dans le programme de recherche en 2012. « Cela prend 10 ans, développer une variété. Même si la vente des semences nous permet de toucher des redevances d’environ 40 000 $ par an, nous n’étions pas prêts à voler de nos propres ailes », admet Jean-Bernard Van Winden.

LA SOLUTION

Après des nuits d’insomnie, les producteurs se sont mis en mode solution. Loin de se laisser abattre, le groupe a multiplié les démarches politiques. « Nous avons bâti un projet innovateur qui a été accepté. Cependant, il manquait 400 000 $ », souligne le producteur. Pour trouver cette somme, les producteurs ont augmenté leurs cotisations, selon les superficies cultivées, soit jusqu’à un total de 30 000 $ par ferme pour la durée des cinq ans du projet. Ils ont aussi réussi à convaincre d’autres fermes de se joindre à eux.

PROJETS

Aujourd’hui, 14 fermes en plus de deux membres associés, soit la Coop Uniforce et l’Association des producteurs maraîchers du Québec (APMQ), participent aux projets de recherche qui se concentrent sur la création de variétés résistantes aux pucerons et aux bactéries, ainsi que sur l’élaboration de marqueurs moléculaires. L’objectif est de développer et de commercialiser quatre nouvelles variétés de laitue pommée et deux nouvelles variétés de laitue romaine et, surtout, de diminuer le recours aux pesticides.

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