Chronique

Rendre la publicité numérique moins opaque

Depuis 2013, les médias numériques ont supplanté les médias traditionnels comme principal véhicule publicitaire des annonceurs au Canada. Et cette année encore, c’est la publicité numérique qui va enregistrer les plus fortes hausses de revenus avec une progression de près de 10 % par rapport à 2016, nettement au-dessus de la hausse moyenne des dépenses publicitaires anticipées au pays.

Selon les dernières prévisions sur les dépenses en publicité pour 2017, produites en juin dernier par la firme Dentsu Aegis Network, les dépenses publicitaires devraient progresser de 3,1 % en moyenne au Canada.

En 2017, les quotidiens vont encore enregistrer une décroissance de leurs revenus publicitaires de l’ordre de 5,5 % alors qu’ils ne représentent plus que 17 % des dépenses publicitaires au Canada, contre 43 % pour le numérique et 40 % pour les autres médias (radio, télévision, affichage…).

Au Canada, plus de 70 % des investissements en publicité numérique sont absorbés par les deux géants américains Google et Facebook.

La domination sans cesse grandissante du numérique n’est cependant pas une garantie absolue que les annonceurs en ont vraiment pour tout l’argent qu’ils dépensent, estime un jeune publicitaire qui a lancé cette semaine le Manifeste pour une nouvelle éthique en publicité numérique.

Jonathan Nicolas assure qu’il ne cherchait pas à faire un « stunt publicitaire » lorsqu’il a lancé ce manifeste qui reproche à l’industrie du placement publicitaire numérique de ne pas agir toujours correctement avec les clients qu’elle est censée servir.

C’est que le jour du lancement du Manifeste de Jonathan Nicolas coïncidait avec l’ouverture de GLO, la boîte de stratégie numérique et de placement de publicité en ligne qu’il a cofondée avec deux partenaires et dont l’approche est justement basée sur la transparence et l’intégrité.

« Non, ce n’est pas un coup publicitaire. C’est une réalité documentée. La publicité numérique a permis d’augmenter significativement l’efficacité des campagnes marketing, mais l’écosystème du numérique s’est tellement complexifié que les annonceurs et les médias perdent de l’argent en raison de la multiplication des intermédiaires et de la mise en place d’un système de ristournes », explique Jonathan Nicolas.

Tierces parties et ristournes

Selon le publicitaire, les agences de placement média n’ont pas adapté leur modèle de facturation à la nouvelle réalité de la publicité numérique. Elles ont préféré continuer d’opérer selon le mode traditionnel en prélevant un pourcentage sur le budget total que l’annonceur va consacrer à sa campagne publicitaire.

Jonathan Nicolas donne l’exemple d’un annonceur qui décide d’investir 100 $ dans une campagne de pub pour rejoindre une clientèle cible. L’agence de placement va prélever 10 % de cette somme pour placer cette campagne dans les différents médias qui sont censés le mieux rejoindre la clientèle visée.

Il arrive fréquemment, selon le publicitaire, que les médias retenus accordent à leur tour une ristourne de 10 % à l’agence de placement publicitaire s’ils obtiennent un certain volume alors que cette ristourne devrait être plutôt remboursée à l’annonceur.

Seulement 80 $ des 100 $ déboursés par l’annonceur seront donc réellement investis en contenu publicitaire visible.

Ce qui serait déjà pas mal. Mais c’est ici qu’entrent en jeu une quantité d’intermédiaires qui vont eux aussi prendre leur cote sur le budget prévu par l’annonceur.

« Il se fait de plus en plus d’achats programmatiques qui sont réalisés à partir d’une plateforme technologique. L’agence de placement va recourir à un bureau de transactions (trading desk) pour réaliser ses achats médias, elle va payer les services d’un système de validation pour s’assurer que les publicités rejoignent vraiment le public visé.

« L’agence de placement va aussi réaliser des achats de données qui vont venir eux aussi réduire le budget prévu de la campagne publicitaire. À chaque intervention d’une tierce partie, l’agence prélève une ristourne.

« Un annonceur qui voulait se payer une campagne de 100 $ peut se retrouver dans les faits avec une valeur de seulement une vingtaine de dollars en publicité visible. L’annonceur perd et les médias perdent », déplore le publicitaire.

Avec ses deux associés, Jonathan Nicolas a décidé de facturer uniquement à ses clients le temps qu’ils consacrent à réaliser le travail sur leur campagne plutôt que d’y aller au pourcentage et aux ristournes…

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