De « nouvelles données » montrant que les écrasements de Lion Air l’automne dernier et d’Ethiopian Airlines dimanche avaient « un profil assez semblable » ont convaincu le Canada de bannir à son tour les appareils 737 MAX de Boeing de son espace aérien, déclenchant du même coup une série d’annulations de vols.
La décision du Canada, diffusée en direct aux États-Unis sur CNN, a semblé percer le dernier rempart de résistance du gouvernement américain, qui a à son tour déclaré une interdiction quelques heures plus tard. Les 371 appareils 737 MAX en circulation sont donc maintenant tous cloués au sol.
En conférence de presse à Ottawa, hier, le ministre fédéral des Transports, Marc Garneau, a expliqué que sa décision était basée « sur de l’information qui provient de satellites, qui examine le profil de décollage et les minutes après le décollage ».
« Il y a des ressemblances entre les deux profils qui ne sont pas conclusives parce qu’il y a encore beaucoup d’hypothèses sur la cause précise de l’accident, mais qui démontrent un profil assez semblable pour nous faire décider qu’il était approprié de prendre les mesures. »
— Marc Garneau, ministre fédéral des Transports
Débordés, les porte-parole de Transport Canada se sont dits incapables, hier, de préciser d’où venaient ces données satellitaires. Aireon, entreprise américaine qui a conçu un système de surveillance du trafic aérien par satellites, a toutefois confirmé au site spécialisé PaxEx.Aero en être à l’origine.
Variations d’altitude
Les boîtes noires du vol 610 de Lion Air, qui s’est écrasé à la fin octobre 2018, avaient révélé des variations d’altitude fortes et répétées dans les minutes écoulées entre le décollage et l’écrasement de l’appareil. Les pilotes luttaient alors contre un système automatisé dont ils ignoraient l’existence, le MCAS, qui forçait l’avion à piquer du nez pour reprendre de la vitesse. Le MCAS agissait sur la foi d’informations provenant d’un capteur défectueux.
Visiblement, les données satellitaires obtenues par Transport Canada montraient une courbe similaire. Bien qu’elles aient été récupérées dès lundi matin, les boîtes noires du vol d’Ethiopian n’ont pas encore été analysées.
Interrogé hier quant à savoir ce qui pourrait le convaincre de lever l’interdiction frappant les appareils 737 MAX, M. Garneau a désigné la preuve irréfutable (« smoking gun ») de la cause de l’accident.
« Nous avons espoir que les boîtes noires vont nous fournir l’information nécessaire. »
une situation « sans précédent »
Quelques heures après le Canada, ce sont les États-Unis, par la voix de leur président Donald Trump, qui ont annoncé une interdiction de vol.
Il s’agit d’une situation « sans précédent », observe Brian Havel, directeur de l’Institut de droit aérien et spatial de l’Université McGill.
« C’est extraordinaire que de voir la Federal Aviation Administration (FAA) se retrouver dans cette position, sur les talons. Ils sont habitués de dicter la norme internationale, pas de se la voir imposer. On pourrait venir d’assister à un changement de la balance des pouvoirs. »
— Brian Havel, directeur de l’Institut de droit aérien et spatial de l’Université McGill
Dans un article publié hier, le Wall Street Journal attribuait à la fermeture du gouvernement fédéral américain – provoquée par Donald Trump plus tôt cette année – un retard d’au moins cinq semaines dans la certification d’une mise à jour du logiciel de contrôle des appareils 737 MAX.
Dans un communiqué, Boeing a fait valoir que c’est elle qui avait « recommandé » à la FAA de déclarer cette interdiction, « par surcroît de prudence ».
L’entreprise est maintenant exposée à des réclamations de ses clients, les transporteurs, qui voudront manifestement être dédommagés pour les ennuis causés par l’impossibilité pour eux d’utiliser ces avions presque neufs. Le transporteur au rabais Norwegian, dont la flotte compte 18 appareils 737 MAX 8, a été le premier à signifier son intention en ce sens, hier.