Renouvellement de l'ALENA

Les États-Unis bloquent tout, selon Bachand

Londres — Le négociateur en chef du Québec en vue du renouvellement de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), Raymond Bachand, accuse l’administration Trump de blocage à la table des négociations.

« Le jour où le président Trump va vouloir régler, ça pourrait se faire en une semaine », estime-t-il.

M. Bachand a livré samedi soir, à Londres, un état de la situation devant un regroupement de représentants de l’industrie aéronautique québécoise. Ceux-ci s’y trouvent en vue du Salon international de l’aéronautique de Farnborough, qui s’ouvre officiellement aujourd’hui (voir autre texte).

« Le grand, grand problème, a indiqué M. Bachand, c’est qu’on n’a pas d’interlocuteur américain. De notre côté, on peut envoyer M. Verheul [Steve, le négociateur en chef canadien] rencontrer seul 40 Américains sans problème. Il connaît tous les enjeux et il a la confiance de tout le monde. »

« Aux États-Unis, le négociateur en chef ne peut pas signer une ligne sans autorisation. »

— Raymond Bachand

Selon M. Bachand, il y a au moins deux mois que le Québec n’est pas directement impliqué dans les négociations, qui ne portent depuis ce temps que sur l’automobile et n’impliquent que la ministre canadienne des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, et le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer.

« Lighthizer est bloqué, bloqué. Maintenant, s’est demandé M. Bachand, est-ce parce qu’il est lui-même fermé ou parce qu’il n’a pas de mandat ? »

Encore trois ans d’ALENA

Cela dit, M. Bachand a tenu d’entrée de jeu à rassurer les participants à cette rencontre, dont les affaires dépendent presque toutes, à des degrés divers, du commerce avec les États-Unis.

« Si j’ai une bonne nouvelle à vous dire, c’est que l’ALENA va rester. Ce qui me fait dire cela, c’est qu’il n’y a pas un gouverneur ou un sénateur américain qui s’est prononcé contre. »

« Ils laissent Trump faire ses affaires, mais il y a une ligne rouge qu’il ne peut pas dépasser. »

— Raymond Bachand

Cette ligne, selon lui, est le retrait des États-Unis du traité nord-américain. Un tel événement ne surviendrait de toute façon pas avant deux, voire trois ans, selon M. Bachand. Une demande de M. Trump ne risque pas de survenir avant les élections de mi-mandat prévues pour l’automne, estime-t-il, après quoi s’appliquerait le délai de six mois prévu à l’entente et, surtout, des délais liés à d’inévitables contestations judiciaires, probablement jusqu’en Cour suprême. Des regroupements d’affaires comme des chambres de commerce américaines sont déjà prêtes à procéder ainsi s’il le faut, a-t-il affirmé.

Visiblement satisfait de la position d’Ottawa jusqu’à présent, M. Bachand a néanmoins décoché une petite pointe – « la seule critique que j’ai à faire à Ottawa » – quant à son manque de désir de percevoir les taxes de vente sur les produits et services achetés en ligne à l’étranger.

Il a finalement appelé les entrepreneurs présents à la mobilisation. « Vous avez des installations, des fournisseurs ou des clients aux États-Unis, prenez un petit cinq minutes pour en discuter avec eux, rétablir les faits. Ce ne sont pas des Canadiens qui vont convaincre le gouvernement américain, ce sont des Américains qui vont le faire. »

Salon international de l’aéronautique de Farnborough

L’A220 en vedette ?

Londres — Il fait bon vendre des avions, ces jours-ci. La bonne tenue de l’économie mondiale, jumelée à une importante croissance du transport aérien en Asie et à des renouvellements de flottes prévisibles dans les marchés occidentaux, suscite une forte demande qui pourrait bénéficier dès cette semaine à Boeing, Airbus, Bombardier et Embraer.

Selon des prévisions dévoilées par Airbus il y a quelques jours, en prévision de l’ouverture aujourd’hui du Salon international de l’aéronautique de Farnborough, la flotte mondiale d’avions commerciaux pourrait plus que doubler au cours des 20 prochaines années, passant d’environ 21 450 à 48 000 appareils. C’est plus de 37 000 avions neufs qui seraient à construire durant cette période, en tenant compte de ceux qui arriveront en fin de vie. La manne est donc importante.

L’un des premiers à en profiter pourrait être celui que l’on appelait autrefois C Series. Quatorze ans après que l’on y a dévoilé son nom, l’avion conçu par Bombardier s’est posé ce week-end sur les pistes de l’aéroport de Farnborough en portant un nouveau nom, l’A220 d’Airbus. Et beaucoup de paires d’yeux seront tournées vers lui cette semaine.

« Talk of the town »

« Maintenant que la C Series est fermement sous le contrôle d’Airbus et rebaptisée A220, nous nous attendons à ce que l’avion devienne le talk of the town », ont même osé avancer, la semaine dernière, les analystes financiers de la firme Credit Suisse, quelques jours avant l’ouverture du Salon international de l’aéronautique de Farnborough, aujourd’hui.

« Nous croyons que Farnborough pourrait être un catalyseur pour de nouvelles commandes, puisque des compagnies aériennes attendaient vraisemblablement sur les lignes de côté que la transaction soit conclue. »

— Les analystes financiers de la firme Credit Suisse

« Comme l’A220 a maintenant une équipe de vente dédiée avec l’appui d’Airbus et de Bombardier, nous croyons qu’une partie de la demande accumulée au cours des derniers mois pourrait finalement se concrétiser. »

Rencontrée hier à Londres, la ministre québécoise de l’Économie, Dominique Anglade, était tout aussi optimiste envers les perspectives de l’avion, dont le gouvernement québécois est toujours détenteur d’environ 16 % des actions.

« Il y a un momentum qui a été créé », note-t-elle en relevant les commandes récentes d’Egyptair et de JetBlue, « et on sent que ce momentum va se poursuivre ».

Ce « momentum » ne sera pas interrompu par une nouvelle poursuite de Boeing. En conférence de presse, hier, le géant américain a confirmé que, malgré l’obtention d’une nouvelle commande américaine avec JetBlue, il n’avait pas l’intention de lancer de nouvelles procédures envers l’appareil conçu au Québec, comme il l’avait fait lors de la commande passée par Delta. La voie est donc libre.

La ministre Anglade a aussi de nouveau défendu la décision de son gouvernement d’injecter les 1,3 milliard de dollars qui lui valent aujourd’hui sa part de 16 %.

« On ne serait pas en train de parler de la C Series aujourd’hui si nous ne l’avions pas fait, a-t-elle d’abord rappelé. Au-delà de l’aspect émotif, c’était important de garder ces emplois à long terme. Et je ne sais pas si vous avez regardé le cours de l’action de Bombardier, mais juste avec nos bons de souscription, nous avons réalisé un profit de 321 millions de dollars jusqu’à présent. Nous allons rentrer dans notre argent avec cet investissement. »

Bombardier mise sur le CRJ

De son côté, Bombardier concentrera maintenant ses efforts sur ses deux gammes d’avions régionaux, le Q400 et le CRJ. Elle doit présenter aujourd’hui, pour la toute première fois, le nouvel intérieur qu’elle a dessiné pour les appareils CRJ, baptisé « Atmosphère ». Celui-ci a été conçu pour répondre aux principales préoccupations que les clients de ce type d’appareil avaient exprimées face au CRJ. Il reste à voir s’il permettra à Bombardier de décrocher de nouvelles commandes dès cette semaine.

Pour les nombreuses entreprises québécoises présentes à l’événement à titre de fournisseurs, il y aura des occasions, estime Mme Anglade.

L’édition 2018 « sera celle où on renoue avec la croissance en aérospatiale », croit-elle.

Le processus d’appel d’offres mené par le gouvernement fédéral en vue du renouvellement de sa flotte d’avions de combat, l’arrivée d’Airbus au Québec par l’entremise de l’A220, voire l’annonce – qui semble maintenant improbable cette année – d’un tout nouvel avion par Boeing, sont autant d’occasions qui pourraient s’offrir aux PME québécoises.

Il y a toutefois un problème : par manque de main-d’œuvre, certaines d’entre elles peinent déjà à remplir leurs commandes actuelles.

« L’enjeu, avec un grand E, de l’économie québécoise, c’est la main-d’œuvre », a concédé Mme Anglade.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.