Rémunération des médecins de famille

Hausse de 10 % sur trois ans

Les médecins de famille verront leur rémunération bondir de 10 % sur trois ans, en moyenne, en plus de recevoir chacun deux montants forfaitaires totalisant près de 40 000 $.

L’entente de principe conclue à la fin d’août entre le Conseil du trésor et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) est loin d’être simple. Même les médecins à qui j’ai parlé peinaient à en saisir la portée. J’ai toutefois fini par comprendre l’essentiel de l’entente en disséquant le document exclusif que j’ai obtenu.

En résumé, la hausse de 10 % de la rémunération est récurrente et englobe deux éléments. D’une part, il y a une partie des sommes que le gouvernement avait consenties avant 2014, mais qui n’avaient pas été versées dans le contexte de la lutte contre le déficit. Ces sommes reportées équivalent à 7,6 % des 10 % de hausse sur trois ans.

D’autre part, le gouvernement accorde de nouveaux fonds, qui correspondent à une augmentation de 2,4 % sur trois ans, soit un peu moins que l’inflation. Concrètement, la hausse de 10 % se répartit ainsi : 3,9 % pour l’année en cours (2017-2018), 4,7 % pour 2018-2019 et 1,4 % pour 2019-2020.

La rémunération des omnipraticiens s’élève à 280 000 $, en moyenne. Elle a été gelée en 2014-2015, tandis que l’année 2015-2016 s’est soldée par une hausse de 1,9 %.

Les médecins doivent se prononcer sur l’entente à partir de ce matin par voie électronique. Ils ont jusqu’au 27 septembre pour voter.

Mon document est une synthèse de l’entente telle que présentée par le président de la FMOQ, Louis Godin, aux médecins de famille lors de sa tournée panquébécoise. Au téléphone, le porte-parole de la FMOQ, Jean-Pierre Dion, en a confirmé le contenu.

Le gouvernement a donc choisi de respecter les ententes d’étalement négociées par le passé, modifiant toutefois l’échéance des versements.

Des chèques de 40 000 $ aux retraités

En plus des 10 % sur trois ans, les médecins recevront deux montants forfaitaires au cours des trois prochaines années. En moyenne, chaque médecin recevra un chèque de 25 000 $ en 2017, en plus d’un autre chèque de 14 900 $ en 2019.

Ces versements non récurrents comblent une autre partie des sommes consenties par le gouvernement dans le passé mais non versées. Même les médecins retraités entre 2014 et 2018 ont droit à ces chèques. Par la suite, entre 2019 et 2023, d’autres chèques non récurrents seront versés totalisant 40 500 $ par médecin, en moyenne.

Dans l’entente précédente, en 2014, Québec avait gelé la rémunération des médecins et reporté les versements en question, mais il avait aussi promis de leur verser l’équivalent de ce que les employés de la fonction publique allaient obtenir lors de l’éventuelle négociation (clause remorque). La fonction publique a finalement obtenu 5,25 % sur cinq ans, entre autres, et l’entente de principe confirme que les médecins de famille renoncent à cette clause remorque.

Cette somme de 5,25 % sur cinq ans a été remplacée par les 2,4 % sur trois ans pour les médecins. En échange, la FMOQ a obtenu que le gouvernement mène deux études comparant leur rémunération à celle de leurs pairs ontariens, d’une part, et à celles des médecins spécialistes du Québec, d’autre part.

La FMOQ se dit encore convaincue que ses membres gagnent moins que leurs confrères de l’Ontario, malgré les chiffres publiés depuis 2016, dans la foulée de mon analyse sur le sujet.

La FMOQ et le gouvernement ont donc mandaté l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) pour faire la comparaison.

Les résultats seront transmis aux parties en septembre 2018. Une période de médiation de deux mois suivra, advenant une mésentente entre les parties. Si un désaccord persiste, les deux camps s’en remettront à un arbitre, qui tranchera au plus tard le 1er avril 2019.

Il n’est pas impossible que le processus mène au gel de la rémunération des omnipraticiens en 2020-2021 si l’écart est nul, compte tenu du coût de la vie. On ne sait pas ce qui arriverait s’il était démontré que nos médecins gagnent plus.

La seconde étude, comparant la rémunération avec les spécialistes, a plus de chances de succès pour les omnipraticiens. En 2016, les spécialistes gagnaient 65 % de plus que les médecins de famille, et la FMOQ veut ramener cet écart à 25 %, à long terme.

Conséquence : « Depuis 10 ans, des dizaines de postes en résidence en médecine de famille demeurent vacants au Québec, un fait unique au Canada. Seulement cette année, 56 postes demeurent vacants versus 0 dans le reste du pays », écrit la FMOQ dans le document.

Gel pour les spécialistes en vue

L’analyse sera réalisée entre septembre 2019 et septembre 2020 et servira de base aux augmentations pour les années budgétaires 2021, 2022 et 2023, qui débutent en avril. Selon l’entente de principe, d’ailleurs, la hausse de 2,4 % sur trois ans (de 2017 à 2019) est un premier pas pour rattraper le fossé avec les spécialistes.

Le document n’en fait nullement mention, mais il apparaît évident que le gouvernement se dirige vers un gel de la rémunération des spécialistes d’ici 2023, une fois payé l’étalement issu du passé.

Enfin, le document précise que c’est la FMOQ qui décidera comment sera réparti l’essentiel des enveloppes de rémunération, selon ses priorités (prise en charge, soins à domicile, médico-administratif, CHSLD, santé mentale). De plus, les enveloppes seront fermées, donc retenues par la FMOQ même si le nombre d’actes médicaux a été inférieur aux prévisions.

Cette mainmise du syndicat des médecins avait été dénoncée par le Vérificateur général dans son dernier rapport sur le sujet.

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