OPINION SANTÉ MENTALE

Qu’est-ce que ça prend pour être aidé ?

Il faut passer de #BellCause à #OnAgit

La santé mentale, la maladie mentale, l’équilibre mental… On en parle de plus en plus, notamment grâce aux initiatives comme l’extraordinaire Bell Cause pour la cause, et c’est certainement un pas dans la bonne direction. Un pas de géant en fait, quand on pense à la stigmatisation, aux malaises et aux tabous qui encerclent la maladie mentale.

Et pourtant… Je ne suis pas statisticienne, mais je suis convaincue que 100 % des gens sont affectés directement ou indirectement par une forme de maladie mentale. Que ce soit eux qui en souffrent ou un proche, personne n’y échappe vraiment.

Parce qu’en plus d’être des maladies mentales, elles sont aussi des maladies globales. Elles touchent le patient, certes, mais elles touchent aussi sa famille, ses amis, son employeur. Et malgré cette omniprésence et cette universalité, la majorité des gens demeurent mal à l’aise de l’aborder, de la reconnaître, de l’afficher.

Puis vient une journée magique, rassembleuse et porteuse d’un message fort. Une journée où tombent les craintes et les jugements. Une journée où tout le monde en parle, enfin, de la maladie mentale. Une journée où les gens s’affichent, partagent leurs combats, leurs histoires, leur détresse actuelle ou passée. Le mouvement collectif que Bell Cause pour la cause a réussi à créer en si peu de temps est absolument phénoménal, même s’il est éphémère.

Éphémère, parce qu’une fois le hashtag disparu, une fois les retweets et les messages de soutien partagés, le monde reprend sa routine. Et comme ça, sans causer trop de surprises, le silence se réinstalle, les tabous reviennent, la honte reprend sa place et l’isolement reprend le contrôle.

Les gens qui, comme moi, souffrent de maladie mentale ont besoin qu’on les écoute, mais aussi qu’on les entende.

Et tant que le système de santé ne leur offrira pas de véritables ressources, tant que les assureurs ne couvriront pas les frais des soins et médicaments afférents, tant que les gouvernements ne reconnaîtront pas le réel besoin de changements, tant que les professionnels de la santé ne seront pas mieux outillés pour répondre aux besoins grandissants d’une population de patients, bref, tant que la maladie mentale ne sera pas reconnue comme la meurtrière qu’elle finit souvent par être, le véritable espoir demeurera timide.

Si les paroles ne sont pas suivies d’actions, à quoi bon ? Je suis la première à apprécier la vague de soutien et d’empathie qui nous emporte collectivement lors de la journée Bell Cause pour la cause. Je me réjouis d’ailleurs des progrès immenses que cette seule initiative a permis d’accomplir en moins de cinq ans.

Mais quand je me lève le lendemain matin et que je ne trouve toujours pas d’aide, quand je constate que le privé demeure souvent la seule option pour accueillir les gens qui, comme moi, ne savent plus à quelle porte cogner pour se faire aider, quand je vois des gens se faire mettre dehors de l’unité de psychiatrie de l’hôpital parce qu’ils y sont apparemment depuis trop longtemps, quand j’entends ces mêmes personnes se faire dire d’aller au CLSC pour consulter, ça m’enrage.

Ça m’enrage parce que, pour moi et pour bien d’autres qui souffrent, demander de l’aide est un véritable effort de courage.

Parce qu’au plus profond de notre désespoir, on a réussi, un jour, à crier à l’aide. On a réussi à monter le drapeau blanc et à s’avouer vaincu. Il me semble que la moindre des choses serait non seulement de nous écouter, mais aussi de nous entendre pour ce qu’on essaie de vous dire à notre façon : on n’en peut plus.

Moi, j’entends chaque année votre soutien massif avec #BellCause. J’entends l’indignation collective face au manque flagrant de ressources pour les gens qui souffrent. Si seulement les décideurs et le gouvernement l’entendaient aussi… Qu’est-ce que ça prend pour être aidé ? Des injustices, il y en a des milliers. Mais les médias ne peuvent pas toutes les couvrir. Si vous saviez à quel point on se sent seuls et abandonnés par un système qui est systématiquement dans le champ !

On a beaucoup avancé grâce à #BellCause. Maintenant, à quand #OnAgit ?

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