Surenchère immobilière

Mont-Royal, prochain Vancouver ?

Cité-jardin de banlieue, à 10 minutes du centre-ville en train électrique, prisée par les familles nanties ; le quartier de maisons cossues a connu une augmentation du prix dans les deux chiffres en 2016. Parle-t-on de Richmond ou de Burnaby, près de Vancouver ? Non, de Mont-Royal, au Québec.

Le prix des maisons a connu une hausse surprenante de 13 % l’an dernier dans la ville de banlieue de 22 000 habitants. À titre comparatif, la hausse moyenne des prix dans la ville de Montréal s’est élevée l’an dernier à 2 % seulement. Ces chiffres sont tirés d’une récente étude de la firme de données JLR, bien connue pour son expertise dans le secteur résidentiel.

En y regardant de plus près et sur la base de témoignages de courtiers et de spécialistes, La Presse a découvert que les investisseurs chinois faisaient contre toute attente sentir leur présence dans certains quartiers montréalais, huit mois seulement après l’introduction d’une taxe de 15 % en Colombie-Britannique, le 2 août 2016.

Depuis cette date, la part de marché des acheteurs chinois a doublé à Mont-Royal, passant de 8 à 18 %, toujours selon les données de la firme JLR. Sur 116 reventes de maison depuis le 2 août 2016, les Chinois d’arrivée récente ou de l’extérieur du Québec ont été les acheteurs dans 21 transactions.

« Des courtiers nous ont dit qu’il y avait eu plus de demandes d’information, sans nécessairement plus de transactions, signale Paul Cardinal, directeur du service Analyse de marché de la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ). L’exception semble être Mont-Royal, où il y aurait eu plus de transactions que d’habitude. »

Selon M. Cardinal, l’ajout de deux liaisons aériennes directes entre la Chine et Montréal a aussi contribué à ce sursaut de popularité.

Prix dopés à Vancouver

À Vancouver, l’activité immobilière des étrangers, concentrée dans le marché haut de gamme, a dopé les prix au point où les autorités de Vancouver se sont senties obligées d’agir pour calmer le marché.

La crainte est que le phénomène prenne de l’ampleur chez nous, surtout si Toronto, aux prises avec une inflation galopante du prix des maisons, impose à son tour une taxe, comme il en est de plus en plus question dans la Ville Reine.

Les observateurs s’attendaient pourtant à ce que l’impact de la taxe vancouvéroise soit mince, voire nul à Montréal, en raison de la faible présence des étrangers, historiquement. Officiellement, la propriété étrangère s’y élève à 1 % et est concentrée dans quelques tours de condos du centre-ville.

Le portrait est pourtant bien différent à Mont-Royal depuis huit mois et le phénomène n’est pas passé inaperçu dans la ville fondée par la Canadian Northern Railway en 1912. « On vient de s’en rendre compte, c’est dans les derniers mois qu’on a vu le phénomène apparaître », confie le maire de Mont-Royal, Philippe Roy. Comme il envoie une lettre de bienvenue à tout nouvel arrivant dans sa ville, il a constaté tout à coup qu’il y avait énormément de destinataires issus de la communauté chinoise.

William Gong, courtier immobilier pour Engel & Völkers, une agence qui se spécialise dans le créneau du luxe, travaille avec des Chinois étrangers et d’arrivée récente. Il confirme la popularité de Mont-Royal auprès des étrangers. Ses clients y apprécient les écoles, les rues bordées d’arbres et le fait qu’on y parle anglais.

« Mes clients préfèrent acheter une maison parce qu’ils veulent posséder la terre. En Chine, c’est le gouvernement qui est propriétaire du terrain. » — William Gong

Les Chinois achètent de plus en plus à l’étranger, poursuit-il, parce que le gouvernement chinois veut contrôler les prix en Chine continentale. D’après M. Gong, une propriété dans les quartiers centraux de Shanghai revient à 2000 $ le pied carré, comparativement à 500 $ pour les meilleurs produits au centre-ville de Montréal, soit quatre fois plus.

Outre à Mont-Royal, l’agent, qui est actif dans la région depuis 2009, dit vendre ces jours-ci quantité de maisons à des Chinois à Westmount, à Notre-Dame-de-Grâce et à Brossard. Les délais de vente raccourcissent déjà. Ce qui prenait trois mois à vendre avant n’en prend plus qu’un seul, maintenant, soutient M. Gong. Les inscriptions de maisons à vendre sont aussi en baisse.

À part Mont-Royal, La Presse n’a pu pas quantifier l’impact de la présence d’étrangers dans ces quartiers.

« Au début, je n’étais pas d’avis que la taxe pouvait avoir un impact important, dit Paul Cardinal, de la FCIQ. Mais maintenant, je pense que ça peut avoir effectivement un impact à cause de ce qu’on voit du côté de Toronto. »

Pour le courtier William Gong, on n’a encore rien vu. « Si Toronto impose à son tour une taxe, le marché de Montréal va exploser, et pas juste à Mont-Royal », prévient-il.

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