Karkwatson

Dix ans plus tard

Tenue en 2008 au National, une rencontre de Karkwa et de la formation menée par Patrick Watson avait dépassé les attentes. Deux cultures montréalaises en symbiose, valeur ajoutée aux répertoires respectifs, orchestrations audacieuses, public en liesse, bénédiction des grands esprits de la musique.

Tant de mélomanes présents avaient conclu à une pièce d’anthologie que… dix ans plus tard, un autre rendez-vous a été fixé, même si Karkwa n’a pas repris du service. Deux soirées incandescentes au Festival de musique émergente (FME) de Rouyn-Noranda ont convaincu la famille élargie de prolonger le plaisir à Montréal et à Québec.

En tout, dix musiciens s’éclateront sur scène.

Patrick Watson (chant et claviers), Joe Grass (guitare, etc.), Robbie Kuster (batterie), Mishka Stein (basse) et Simon Angell (guitare) de retour pour l’occasion. La formation originelle de Karkwa est maintenue, c’est-à-dire Louis-Jean Cormier (chant et guitares), François Lafontaine (claviers), Martin Lamontagne (basse), Julien Sagot (percussions), Stéphane Bergeron (batterie).

Nous les avons rencontrés hier matin, avant une répétition préparatoire.

Au National, il y a dix ans, ce fut un show plus que mémorable, mais il serait étonnant que vous en reproduisiez le contenu, n’est-ce pas ?

Robbie : On ne s’en souvient pas ! [rire général]

Louis-Jean : Finalement, on s’en est souvenu [rires plus discrets]. Il faut dire que Karkwa s’est arrêté depuis un moment. De nouvelles chansons ? Non. Des chansons de nos carrières individuelles ? Pantoute. C’est vraiment juste du Karkwa, mais… à l’époque du premier Karkwatson, l’album Les chemins de verre n’était pas sorti, alors nous allons aussi piger dans ce répertoire.

François : Le volume du vent venait de sortir, en fait. Cette fois, toutes les chansons sont adaptées à la gang qu’on est.

Louis-Jean : Mésadaptées ! [rire général]

Rappelez-nous ce qui avait motivé l’affaire.

Robbie : Deux gangs de chummies voulaient faire de la musique ensemble, aussi simple que ça.

Louis-Jean : Au début, c’était pour un soir seulement. C’était dans le contexte d’un spectacle présenté à Winnipeg ; Jim Corcoran, qui animait À propos pour la CBC, orchestrait alors des jumelages entre artistes francophones et anglophones. Il avait pensé à ce match.

François : C’était facile de nous jumeler, car nous nous connaissions déjà. Je me souviens d’en avoir parlé au lancement de Close to Paradise, au Lion d’Or. Hey, ça serait le fun de faire un show ensemble !

Patrick : Les deux scènes musicales [francophone et anglophone] étaient très séparées à l’époque. Il y avait vraiment cette idée de nous réunir.

Vous fréquentez-vous depuis la première époque de Karkwatson ?

François : Oui ! On se voit autant en privé que dans nos activités professionnelles. Plusieurs d’entre nous ont des enfants, nous nous voyons pendant que nos kids s’amusent. Entre nous règne un véritable esprit de famille.

Louis-Jean : Oui, oui, on forme une belle gang de papas, toujours contents de se voir.

Comment ça s’est passé au FME en septembre dernier ?

Louis-Jean et Patrick à l’unisson : C’était le party ! [hilarité totale]

Robbie : Super ! Les deux shows ont été très bons, nous avions bien joué, le public a été très réceptif.

François : Mais… quand on a monté le show, c’était vraiment cacophonique… C’est quoi l’accord au juste ?

Joe : Tout le monde essaie tous les accords au début !

Julien : C’est vrai, on a tendance à jouer tout le temps… Après quoi tu te dis : peut-être ne devrais-je pas…

Louis-Jean : Exact ! Parfois, ça peut revenir encore meilleur si je m’arrête.

En plus des deux soirs remplis au MTELUS, vous vous retrouvez au Centre Vidéotron de Québec ! Étonnant !

Louis-Jean : Nous sommes aussi surpris que toi ! Ça fait qu’on magasine nos costumes… C’est Sagot que j’ai hâte de voir en spandex ! [rires]

Julien : Non, non ! J’ai trop de bourrelets maintenant. Y a dix ans, c’était correct, maintenant c’est fini ! [rire général]

Ce qui était intéressant au-delà de la première rencontre il y a dix ans, c’était l’ajout de références plus complexes, dont l’influence de Steve Reich côté Karkwa. Côté Watson, il y avait l’impressionnisme français, des échos de Philip Glass et plus encore. Et maintenant ?

Louis-Jean : Ça faisait partie de notre trip, ça en fait encore partie. Quand on se retrouve à trois guitares, c’est le fun de jouer des motifs harmoniques en boucles décalées.

Patrick : Oui, mais ce ne sont pas tant ces références que le vrai plaisir de revivre une expérience qui a été si cool. D’autant plus que plusieurs chansons n’ont pas été jouées depuis longtemps. C’est quand même le fun de les jouer avec un traitement spécial ; par exemple, on a préparé un mashup avec Close to Paradise et Le compteur.

Quel est le répertoire, grosso modo ?

François : Pour Karkwa, on joue surtout des extraits des albums Le volume du vent et Les chemins de verre.

Louis-Jean : Il y a quand même eu une évolution dans les musiques de Pat et notre désir de revoir notre façon de jouer celles de Karkwa. De manière générale, il y a plus d’électronique, plus de synths, ça s’entend dans le traitement.

François : On a beaucoup plus d’équipement qu’avant ! Il y a dix ans, il y avait quelque chose de plus orchestral ; c’était l’époque de Wooden Arms et Le volume du vent, ça s’y prêtait.

Patrick : De mon côté, on pige un peu partout, mais le choix du répertoire est important ; il faut sélectionner les chansons qui marchent pour les interprètes. Une chanson comme Beijing, ça marche. En tout, la combinaison des répertoires donne un show d’environ deux heures.

Plus précisément, comment arrime-t-on les musiques de Pat Watson et de Karkwa ?

Patrick : Nous nous faisons confiance lorsque nous montons sur scène. Chacun sait ce qui est juste pour la musique. Le succès de l’entreprise repose sur les gens et non sur un plan de direction. Chacun joue ce qu’il ressent et c’est bien ainsi.

Louis-Jean : Et nous sommes tous assez bons musiciens pour trouver le terrain de jeu qui se trouve à l’intérieur de chaque chanson. Il y a toujours des coups de volant qui peuvent modifier la direction. La magie peut en émerger même si les structures sont très définies. La manière de jouer de chacun est un facteur important.

François : Si un des musiciens exprime la direction d’une chanson pendant les répétitions, on va automatiquement suivre son regard lorsqu’on refera la chanson sur scène. Pas besoin de se faire des gros signes ! Chacun peut en assumer un bout. Robbie peut diriger une pièce, par exemple…

Robbie : Frank peut être le chef d’une autre…

Joe : Ce sont quand même plusieurs sections qui se retrouvent ensemble : deux claviers, deux basses, trois batteries, trois guitares. Tout ce monde doit communiquer !

Quelles sont les différences observées dans le jeu commun, une décennie plus tard ?

Louis-Jean : Ce qui a aussi beaucoup évolué, à mon avis, c’est lorsqu’on se met à chanter ensemble. Pat et moi sommes les chanteurs officiels, mais Rob, François et Joe chantent super bien. Quand tout le monde pogne la note, ah, man ! Avant, c’était plus laborieux.

François : Y avait quand même ce côté naïf, à l’époque. On avait lancé l’opération très rapidement. C’était le bordel !

Patrick : Au bout du compte, c’est l’esprit de ce show qui en est la recette gagnante ; tu vois des amis qui jouent, il y a la vibe d’une famille et non celle de deux bands distincts. C’est quand même impressionnant !

Louis-Jean : Il ne faut pas oublier que le monde dans la salle fait aussi partie de cette famille. Plusieurs avaient vécu cette expérience avec Karkwatson, ils sont nos complices.

Y aura-t-il une suite à Karkwatson ?

Robbie : Il n’y a pas d’autre projet à part celui des trois shows. Pas de projet d’album. L’idée, c’est juste de se rejoindre, d’avoir du plaisir en jouant la meilleure musique qu’on puisse offrir.

Louis-Jean : On pourrait enregistrer ces concerts sans projet précis, je ne sais pas… Je crois que la beauté de ce projet repose plutôt sur son caractère non officiel. Dès que ça devient officiel, c’est formaté… De la pub, des posters, un avion Karkwatson… [rires]

François : Imagine le Live au Centre Vidéotron avec le détecteur de fumée sur la pochette ! [rire général] Ben non… le but est de se retrouver, jouer, s’amuser.

Patrick : Je pense, au fond, que la magie de cette rencontre tient simplement à notre présence physique et celle du public. Are you there or are you not there ?

Au MTELUS, demain et lundi, 20 h ; Klaus (Joe Grass, François Lafontaine, Samuel Joly) en première partie demain, la formation de Julien Sagot lundi. Au Centre Vidéotron de Québec, mardi, 19 h 30 ; Jesse Mac Cormack en première partie.

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