Rudolphe, le renne au nez rouge

Le personnage publicitaire devenu un symbole de Noël

Le « p’tit renne au nez rouge » est une création relativement récente du panthéon de Noël. Il a été inventé en 1939 par un publicitaire d’une chaîne de grands magasins américains, sur le modèle du vilain petit canard. La croissance économique d’après-guerre a fait des miracles pour Rudolphe, qui s’est retrouvé au sommet des palmarès, écrit un journaliste américain dans un nouveau livre consacré uniquement à Rudolphe. Voici son histoire.

Comment est né Rudolphe ?

« En 1939, dans un livret illustré de 32 pages distribué gratuitement par Montgomery Ward, une chaîne de 600 grands magasins », explique Ronald Lankford, l’auteur de Rudolf the Red-Nosed Reindeer : An American Hero, en entrevue depuis la Virginie. « Le patron du marketing avait donné le projet à un employé, Robert May. May avait été victime d’intimidation quand il était petit, sa femme avait le cancer, les États-Unis n’étaient pas encore sortis de la Grande Dépression : ça allait mal dans sa vie. Alors, il a décidé d’écrire une histoire de triomphe contre l’adversité. Ç’a été un succès : 2,4 millions de livrets distribués en 1939, 3,6 millions quand Montgomery Ward a décidé de réutiliser Rudolphe, à Noël 1946. Ç’a été la première innovation de Noël aux États-Unis depuis la transformation de saint Nicolas en père Noël par Washington Irving et Clement Moore au début des années 1820. »

Et la chanson ?

« Montgomery Ward a accepté en 1947 de donner les droits d’auteur à Robert May, qui voulait lancer une gamme de jouets Rudolphe », dit M. Lankford, qui a écrit plusieurs livres sur le folklore de Noël. « Pour stimuler les ventes de ces jouets, May a demandé à son beau-frère, Johnny Marks, d’écrire une chanson sur Rudolphe. Ensuite, May a payé le chanteur Guy Mitchell pour enregistrer une chanson qu’il a envoyée à plusieurs crooners. Les 5 $ payés à Mitchell ont été un bon investissement : la chanson a été reprise à la radio et une version par Gene Autry a atteint la première place du palmarès à Noël 1949. Ç’a été le plus grand succès d’Autry. » La version française, Le p’tit renne au nez rouge, a été traduite par le parolier parisien Jacques Larue et enregistrée pour la première fois en 1951 par Les Sœurs Étienne, un duo de Bretonnes qui avait du succès en reprenant en français des chansons swing.

D’autres rennes ont-ils été baptisés ?

« Moore donne aux rennes des noms, comme Dasher, Prancer ou Comet, mais je crois que c’est surtout pour améliorer le rythme de son poème, dit M. Lankford. Il y a aussi eu depuis d’autres tentatives de créer des personnages de rennes, comme Robbie, que la BBC présentait voilà une quinzaine d’années comme le fils de Rudolphe, mais ça n’a pas collé. Robert May a réussi à donner une pérennité à Rudolphe en développant sa personnalité sur un modèle simple, attachant. C’est toute une réussite, selon moi. »

Quel effet ont eu la grande dépression et la guerre sur la popularité de Rudolphe ?

« En 1939, l’économie s’améliorait, mais la Grande Dépression n’a vraiment fini qu’à l’entrée en guerre des États-Unis, en 1941, dit M. Lankford. Rudolphe tire donc son origine d’un optimisme malgré l’adversité. En plus du chômage, il y avait la guerre qui s’annonçait en Europe. À la base, l’histoire de Rudolphe est un récit de résilience et d’espoir. Mais il est certain que la deuxième publication du livret, en 1946, a tiré profit de l’excellente santé de l’économie américaine. À ce moment, Rudolphe était le symbole du rêve américain, l’idée que tout est possible si on travaille fort. »

Y a-t-il eu une résistance chrétienne ou anticommerciale à Rudolphe ?

« Je m’attendais à trouver des traces d’une telle résistance, mais jamais elle ne s’est attaquée à Rudolph, plutôt au père Noël et à ses jouets », dit M. Lankford, qui a aussi publié plusieurs livres sur la musique folk et édité des recueils de science politique. « Je pense que Rudolph était protégé par le fait que c’est un enfant et que, contrairement au père Noël, il n’est jamais en concurrence avec le Christ. C’était vraiment un tour de force de créer un symbole publicitaire sans qu’il ait l’air d’avoir une nature commerciale. »

Comment avez-vous eu l’idée de ce livre ?

« J’ai commencé à y penser quand j’écrivais mon livre précédent, Sleigh Rides, Jingle Bells and Silent Night, sur les chansons de Noël, dit M. Lankford. J’ai eu deux histoires concurrentes sur l’origine du personnage de Rudolphe : certains pensaient qu’il l’avait écrit pour sa fille de 5 ans. Finalement, ça faisait partie de son travail à Montgomery Ward. Je n’arrivais pas non plus à croire que Rudolphe était une création commerciale, parce qu’il semblait tellement authentique. Je m’attendais à voir des origines folkloriques plus anciennes, mais je n’ai rien trouvé. »

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