Hamidou A. Maïga, transplanté ici par une glaciale journée de décembre 2008, réussit à faire pousser des légumes exotiques dans un terreau de prime abord inhospitalier.
Les rêves les plus fous du technologue originaire du Niger sont en train de se réaliser. Il commence à récolter ce qu’il s’est patiemment mis à semer il y a plus de sept ans.
Sa quête d’okra pour faire de la sauce gombo et sa recherche d’arachides pour réaliser la sauce mafé l’ont amené à s’aventurer dans des sentiers peu explorés ici. Tout au long de ses études à l’Institut de technologie agroalimentaire de Saint-Hyacinthe, où il a été diplômé en 2014, il a été animé par sa passion pour l’horticulture. Celle-ci l’a soutenu pendant les années de vaches maigres, où ses plants tropicaux envahissaient son salon et son sous-sol en attendant de se retrouver en terre au printemps.
Les innombrables tests de semis et les multiples expérimentations ont porté leurs fruits malgré les conditions d’ensoleillement nordiques. Si bien que dans une des serres du Grand Potager, à Verdun, poussent de l’okra (bien sûr), du coton, des arachides (qui sont devenues sa marque de commerce), des hibiscus, des melons poires (pepino), des aubergines africaines yalo, etc.
« Tout pousse à partir de semences récupérées de légumes et de fines herbes déjà adaptés à leur nouvel environnement, explique le comptable de formation qui, voyant son diplôme non reconnu au Québec, a complètement changé d’orientation. Mais alors que dans son pays natal, il travaillait sur la ferme familiale et faisait la livraison de légumes, il perce ici un tout nouveau marché.
« Depuis six ou sept ans, on commence à voir des légumes ethniques dans les épiceries, mais sans aucune régularité. Il n’y en a pas assez pour satisfaire la demande. Je me suis demandé s’il n’y avait pas moyen d’en cultiver ici. »
— Hamidou A. Maïga
Sous le nom d’Hamidou horticulture, il se bâtit une clientèle, proposant ses plants de marché en marché à compter du mois de mai. Ayant dorénavant sa place dans une des serres du Grand Potager, il a pu pour la première fois l’hiver dernier faire pousser ce qu’une vingtaine de personnes lui ont précommandé : des aubergines africaines, des arachides, du melon cornu d’Afrique de l’Ouest (kiwano), du coton, des baobabs.
« Je les bichonne, révèle le technologue, touché de la confiance qu’on lui fait. J’ai mis les noms de chacun des clients dans les pots. Leur soutien est précieux parce que j’ai pu avoir des revenus pendant une période où j’ai beaucoup de dépenses. »
Le fait d’avoir un espace d’environ 600 pi2 dans les serres municipales de Verdun, qui rassemblent différents projets innovateurs sous le même toit, fait une énorme différence.
« C’est formidable », indique-t-il avec un grand sourire, ne se formalisant aucunement du grillage intérieur couvrant le plafond et du plastique transparent installé à l’extérieur pour pallier le vitrage désuet.
« J’ai pu partir mes semis aux dates voulues, en février, souligne-t-il. Cela fait une grande différence. Je n’ai pas non plus de pression pour sortir rapidement les plants. Je pourrai les acclimater au fur et à mesure. »
Alliance et semences
Il a par ailleurs formé un partenariat avec Christine Pumbu-Tsahala et Maxime Dufresne, qui ont fondé respectivement Potager africain coopératif et Botaphyte. Ensemble, ils participent au programme national de l’organisme USC Canada, qui a pour mission de sauvegarder la diversité des semences dans 12 pays, dont le Canada.
Partageant les dépenses, l’équipement, le transport et son expertise, le trio pourra cultiver pendant l’été un lopin de terre d’environ 500 pi de long sur 4 ou 5 pi de large dans un rang à Senneville. Hamidou Maïga fera pousser quatre variétés de plants exotiques (bissap, aubergine africaine yalo, pepino et okra « konni »). Christine Pumbu-Tsahala récoltera quatre variétés (aubergine, oseille, morelle et courge amère), tandis que Maxime Dufresne privilégiera sept variétés (mashua, oca, oignons vivaces, yacon, dahlia, cerise de terre vivace et petites baies de solanum).
« Ce qu’ils font est essentiel, indique Elodie L. Mantha, directrice des communications d’USC Canada. Cela s’inscrit dans l’effort de diversifier les semences auxquelles les agriculteurs ont accès. »
« En étant issus de légumes qui ont poussé ici, les nouveaux plants peuvent suivre le rythme des changements climatiques. C’est meilleur au goût, meilleur pour la santé et meilleur pour l’environnement. »
— Elodie L. Mantha
Les entreprises peuvent ainsi accroître leur échelle de production de semences, augmenter leur visibilité et créer de nouveaux marchés, précise Hugo Martorell, coordonnateur régional, au Québec, du programme L’Initiative de la famille Bauta sur la sécurité des semences au Canada. Des visites seront organisées à l’intention du public et des agriculteurs en août et septembre.
Au cours de l’été, Hamidou Maïga compte parallèlement faire pousser ses légumes et fines herbes exotiques à quelques endroits à proximité des serres municipales. Les restaurateurs à la recherche d’un approvisionnement régulier (et savoureux) sont notamment dans sa ligne de mire.
« Il y a plein de choses qui coïncident et jouent en ma faveur, dit-il. L’intérêt pour l’agriculture urbaine, le goût de la découverte, le besoin de traçabilité, la recherche de produits frais et locaux. Plein de gens embarquent et me donnent une chance. Petit train va loin ! »