maladies neurologiques

Combattre le parkinson dans l’arène

Vous souffrez de la maladie de Parkinson ? Enfilez des gants de boxe et montez dans un ring ! C’est ce que propose depuis un an une équipe de kinésiologues montréalais, convaincue de pouvoir améliorer la mobilité des personnes aux prises avec des maladies neurologiques.

Carmela Mandanici a appris qu’elle avait le parkinson il y a une dizaine d’années. Au départ, les symptômes étaient légers. Une certaine lenteur dans ses mouvements, une raideur dans les jambes. Rien de très grave. Mais après trois ans, ses problèmes de mobilité se sont aggravés.

« Je n’ai jamais eu de tremblements, mais j’ai eu de plus en plus de difficulté à marcher, raconte cette femme de 82 ans qui vit toujours chez elle. Parfois, mes jambes s’arrêtaient, il y avait un blocage, je ne pouvais plus avancer. À un moment donné, j’ai été obligée d’utiliser un déambulateur et même un fauteuil roulant. »

C’est son neurologue qui lui a conseillé de suivre des ateliers de boxe l’automne dernier, un programme conçu pour les personnes atteintes de maladies neurologiques. « J’ai aimé ça. Juste le fait de bouger et voir des gens, ça m’a fait du bien. Ça défoule aussi ! Mais ce n’est pas violent… », nous assure-t-elle.

Est-ce que sa situation s’est améliorée ? « Je pense que oui, répond Mme Mandanici. C’est sûr que c’était juste une heure par semaine, mais ça me faisait du bien. Par contre, malgré les exercices et les médicaments que je prends, mes symptômes ont continué de s’aggraver. Aujourd’hui, c’est difficile pour moi de bouger. »

EN FAIRE DE PLUS EN PLUS

La kinésiologue Catherine Lavigne-Pelletier, qui a fondé la clinique NeuroMotrix avec sa collègue Martine Lauzé il y a 15 mois, est convaincue que l’activité physique, en particulier la boxe, peut améliorer la qualité de vie les personnes qui vivent avec des maladies neurologiques comme le parkinson ou la sclérose en plaques.

« Les gens se font dire qu’ils ont une maladie dégénérative et qu’ils vont en faire de moins en moins. Nous, on les encourage à en faire de plus en plus ! On les prévient qu’ils risquent de faire des chutes. On leur demande d’être prudents, de rester tranquilles. C’est vrai, mais ils doivent continuer de bouger. »

— La kinésiologue Catherine Lavigne-Pelletier

C’est à force de se faire demander s’il y avait au Québec des cours de boxe pour personnes aux prises avec des maladies neurologiques (comme c’est le cas depuis une dizaine d’années aux États-Unis et ailleurs au Canada avec le Rock Steady Boxing) que les deux kinésiologues ont décidé de desservir cette clientèle.

Ironiquement, quand on entend les mots « parkinson » et « boxe », on pense spontanément à Muhammad Ali chez qui l’apparition de la maladie n’est peut-être pas étrangère aux nombreux coups à la tête qu’il a reçus. Mais vous l’aurez vite compris, il n’y a aucun combat dans ces ateliers…

OBJECTIF : MOBILITÉ

Au fond, le boxeur et la personne atteinte de parkinson ont un même objectif : améliorer leur mobilité.

« On sait que l’entraînement des boxeurs a des effets positifs sur les symptômes de la maladie, nous dit encore Mme Lavigne-Pelletier. Notre but est d’améliorer la mobilité, donc on leur fait faire des exercices d’équilibre, de coordination et d’endurance musculaire et cardiovasculaire. »

Les kinésiologues travaillent avec l’entraîneur en chef du Centre sportif Ludus, Pascal Brabant, qui les accueille dans son gym de Saint-Léonard.

« On soumet les participants aux mêmes entraînements que nos boxeurs, nous dit-il, on ne fait que varier en intensité. Ils s’échauffent, font du cardio (corde à sauter ou jogging sur place), des circuits au sol pour leur jeu de pieds, du “shadow boxing” (miroir) en donnant des coups (jab, crochet, direct), ils cognent sur des ballons de vitesse, des sacs lourds, etc. Ce sont des exercices qui améliorent la concentration, l’équilibre et la coordination. »

DANS LE CERVEAU

Le neurologue Ronald Postuma, qui travaille à la clinique des troubles du mouvement de l’Hôpital neurologique de Montréal, estime que tout exercice physique vigoureux est bon, incluant la boxe.

« En faisant du sport, vous améliorez votre condition générale, ce qui fait en sorte que les symptômes de la maladie de Parkinson seront peut-être plus facilement supportables. »

— Le neurologue Ronald Postuma

« Si vous avez des problèmes d’équilibre en montant des marches et que vos jambes sont faibles parce que vous ne faites pas d’exercice, naturellement ça va compliquer les choses. »

Le fait de pratiquer la boxe ou tout autre sport vigoureux change-t-il quelque chose dans le cerveau d’une personne qui a la maladie de Parkinson ?

« Ça, c’est plus difficile à dire, répond le Dr Postuma. Mais il y a une étude intéressante où des chercheurs ont inoculé chez des souris une toxine qui affecte la mobilité. Ils ont attaché une patte et laissé l’autre libre. La région du cerveau liée à la patte attachée se détériorait beaucoup plus vite que la zone du cerveau où les mouvements étaient libres. C’est un début de réponse… »

Donc, moins les gens qui ont des troubles neurologiques font d’exercice, plus leurs problèmes de mobilité augmentent. Est-ce que qu’on peut dire ça ?

« Oui, répond le Dr Postuma. Il y a une expression en anglais qui dit “use it or lose it”. Le cerveau fonctionne un peu comme ça. C’est comme si on envoyait le signal que certains neurones ne sont pas importants. Ils seront naturellement plus enclins à mourir et le cerveau va privilégier d’autres régions du cerveau. Les gens bien intentionnés qui encouragent leurs proches atteints de parkinson à ne pas bouger se trompent. »

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