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Derrière le XXX, la fiscalité

Si les sites XXX de MindGeek font le régal de millions d’internautes chaque jour, la structure financière de l’entreprise, elle, s’avère moins facile d’approche. Trois experts en fiscalité internationale nous ont aidé à voir un peu plus clair dans le labyrinthe des finances de l’entreprise.

Selon les spécialistes consultés par La Presse, MindGeek tire probablement des avantages grâce à l’emplacement de son siège social au Luxembourg. Ce minuscule pays enclavé entre la France, la Belgique et l’Allemagne est encore considéré par de nombreux experts comme un paradis fiscal, bien que des efforts aient été faits depuis trois ans pour répondre aux critiques internationales.

« Le Luxembourg est assurément un paradis fiscal. »

— Omri Marian, professeur en droit fiscal à l’Université de la Californie à Irvine

Sans spéculer sur les finances internes de MindGeek, l’expert souligne que la stratégie utilisée par l’entreprise ressemble à un « transfert de revenus » (income shifting). « Les sociétés utilisent fréquemment des entités au Luxembourg pour diriger leurs activités de financement, de façon à réduire leurs revenus dans les juridictions où elles font des affaires », explique-t-il.

REDEVANCES

Même si la majorité des employés et des dirigeants de MindGeek travaille à Montréal, ce bureau canadien est vraisemblablement considéré comme un fournisseur de services envers la société mère luxembourgeoise. Il est probable que cette filiale canadienne paie des redevances au siège social pour l’utilisation de sa propriété intellectuelle, souligne André Lareau, professeur en droit fiscal à l’Université Laval.

En vertu des conventions fiscales entre le Canada et le Luxembourg, les entreprises en technologies de l’information ne paient aucun impôt au Canada sur les redevances versées à la société mère luxembourgeoise, plutôt que le taux de 25 % qui devrait normalement s’appliquer, indique M. Lareau. Une fois au Luxembourg, ces dividendes ne sont taxés qu’à un cinquième du taux habituel, ce qui équivaut à un taux effectif d’environ 5,8 % sur les redevances, explique-t-il.

Cet avantage est appelé à disparaître à partir de 2021 en vertu du nouveau plan de match de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) contre l’évitement fiscal, note le fiscaliste.

André Lareau souligne que les multinationales sont nombreuses à utiliser de telles pratiques pour réduire leur facture en impôt. Une stratégie qui n’a rien d’illégal, pourvu que le « prix de transfert » soit respecté, c’est-à-dire que les services rendus par la filiale canadienne soient facturés à un tarif réaliste à la société mère.

DÉCISION DE L’AMF

Une décision récente de l’Autorité des marchés financiers (AMF) permet de lever un peu plus le voile sur le modèle d’affaires de MindGeek. L’AMF avait bloqué les comptes de courtage de Feras et de Mark Antoon – président et vice-président – dans le cadre d’une enquête pour délit d’initié qui implique le PDG d’Amaya, David Baazov. Ceux-ci ont par la suite plaidé, avec succès, pour une levée partielle de cette interdiction, en alléguant que cela pourrait nuire aux affaires de MindGeek.

« À titre d’exemple uniquement, Feras et Mark doivent incessamment procéder à une transaction commerciale en lien avec le groupe Mindgeek, dans le cadre de laquelle des véhicules d’acquisition doivent être constitués pour faire l’acquisition d’actifs devant être ensuite loués au groupe Mindgeek », peut-on lire dans la décision.

Fait à noter, le document de l’AMF indique que MindGeek compterait 1400 employés, « dont un nombre important à Montréal ». Le site web du groupe parle de « plus de 1000 employés à temps plein dans [ses] bureaux dans le monde ».

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