OPINION COMPÉTITIONS SPORTIVES

À vous, les diffuseurs…

Montrez-nous ces grands athlètes, honnêtes et humbles, parce qu’ils le méritent, parce qu’ils sont une fierté

Phénoménal, incroyable ! Sans voix et sans mot devant un tel exploit ! Un Canadien, en l’occurrence un Québécois, a gagné le 50 km de ski de fond, en Scandinavie de surcroît, voilà quelque chose que je doute de revoir dans ma vie.

À Lillehammer en 1994, 10 000 personnes avaient dormi dans les bois pour être aux premières places pour voir ce fameux 50 km ! C’était il y a 25 ans !

Il y a 25 ans, oui, c’était les Jeux olympiques, mais la télé était en direct ! Aujourd’hui… eh bien aujourd’hui, plus rien ! Plus de budget pour les sports autres que le hockey.

Je fais amende honorable à Radio-Canada qui a acheté les droits de webdiffusion d’autres belles compétitions à venir d’ici la fin de la saison.

Le responsable de ce département m’a expliqué qu’un autre diffuseur avait les droits pour le ski de fond.

Le plus drôle dans les actualités sportives était d’écouter les animateurs demander au grand Pierre Harvey s’il avait vu la course de son fils ! Quelle ironie, car personne ne la diffusait !

Pour Pierre Harvey qui avait eu l’odieux de courir contre des dopés vitaminés dans les années 80, quelle joie et quel bonheur ce résultat a dû lui procurer l’autre matin.

Cette victoire n’effacera pas les vols dont il a été victime dans sa carrière, mais elle doit faire tellement plaisir au plus profond de son âme.

J’aurais aimé voir ses larmes de joie ce dit matin, j’ai les miennes juste à penser à ce qu’il a dû vivre en tant que père voyant son fils gagner cette épreuve titanesque.

Saint-Ferréol-les-Neiges a vu en direct cette victoire, car au village, quelques-uns ont compris depuis longtemps que d’essayer de battre les discussions stratégiques concernant tous les quatrièmes trios du monde était un vain combat. Félicitations.

En quelques semaines, Erik Guay, champion du monde au super-G, deuxième en descente, Alex Harvey remportant le 50 km de ski de fond. Les deux épreuves reines des sports d’hiver, et tout ça dans un anonymat complet ici.

Quelle honte, quelle tristesse, je n’ai plus de colère, simplement du découragement. Est-ce que nous accepterions de ne jamais voir les films primés de Xavier Dolan ?

Ah oui, vous allez me dire que ça se présente bien pour les Jeux olympiques de l’an prochain ! Mais je m’en fous des JO de l’an prochain ! Cela était les Championnats du monde 2017, et plus jamais ils ne reviendront ! À ces Championnats du monde, il y avait les mêmes athlètes qu’aux JO. Le même type d’épreuve d’une journée, et le tout présenté en terre sacrée de ces deux sports. De plus, il y a de vrais contrôles antidopage, les bons champions, ils sont là.

Vous payez des centaines de millions pour les droits des JO, mais vous êtes incapables de payer quelques milliers de dollars pour les Championnats du monde ! Que dire de plus !

Vous imaginez les matchs de la Coupe Stanley en Ouganda ? Eh bien quand le comité olympique choisit la présentation des jeux à Sotchi, PyeongChang, Pékin, c’est un peu la même chose.

Neige imprévisible, + 13 degrés, conditions de neige changeantes à tout instant, avec comme résultat que les performances athlétiques deviennent complètement aléatoires ! Vous les diffuseurs, vous payez le pactole pour ça, pour voir la Coupe Stanley sur de la glace molle qui fond à vue d’œil ! Incroyable !

Nous sommes 1 469 000 skieurs au Québec, près d’un Québécois sur cinq fait du ski.

Ce n’est pas vrai que les gens ont peu d’intérêt, ou qu’il n’y a pas de masse critique.

Arrêtez de présenter des reprises à 2 h du matin trois jours après la course, ou des arrivées à l’aéroport pour enregistrer une petite entrevue, question de vous déculpabiliser. Arrêtez de présenter du sport le samedi après-midi quand tous les sportifs font justement du sport !

Montrez-nous ces grands athlètes, honnêtes et humbles, parce qu’ils le méritent, parce qu’ils sont une fierté, et parce que leurs exploits sont une source de motivation et d’émulation dont nous avons grandement besoin. Nous sommes plus que vous semblez l’imaginer à penser en ce sens.

Il est grand temps que nous assumions notre nordicité. Souvenez-vous à quel point nous étions fiers, au Jeux de Vancouver, de voir nos sportifs accomplir l’impensable ! Les sacro-saintes cotes d’écoute atteignaient des sommets encore jamais égalés ! Pourquoi attendre quatre ans avant de ressortir nos athlètes du grenier en les dépoussiérant au passage et en se demandant où ils étaient ?

Puis-je demander l’asile politique à Saint-Ferréol-les-Neiges, car avec la programmation télé que j’ai en ville, c’est l’asile tout court qui m’attend.

Alex, Erik, et tous les autres athlètes que j’admire, je suis vraiment fier de vous, de ce que vous avez accompli. Je vous salue bien bas, et malgré les apparences, je sais que je ne suis pas seul.

Bravo encore.

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