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un nouvel élan pour la céramique

De la porcelaine délicate au grès rustique en passant par la faïence, la céramique constitue une grande famille aux mille et une facettes. Cet art ancestral bénéficie d’une vague positive bien ancrée dans son époque grâce à des artisans éclairés et à un engouement pour les métiers d’art. Tour d’horizon.

UN DOSSIER DE NOTRE COLLABORATRICE EMMANUELLE MOZAYAN-VERSCHAEVE

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La porcelaine raffinée de Marie-Hélène Robillard

D’un point de vue purement technique, la céramique est faite à base d’argile. C’est le type d’argile et la cuisson qui déterminent le résultat. Marie-Hélène Robillard a choisi de travailler la porcelaine. « Peu de gens en font. C’est une matière première très coûteuse et très capricieuse », dit celle qui va bientôt fêter les deux ans de sa nouvelle carrière.

« Il n’y a pas vraiment eu de chemin tracé qui m’a menée à la céramique. J’ai fait des études en psychologie, puis j’ai commencé une carrière en relation d’aide avec des enfants. J’ai réalisé à un moment donné que ce n’était pas un rêve, même si j’aimais beaucoup ce travail. J’allais le mercredi soir suivre un cours de céramique. Ça me détendait, même si je ne me trouvais pas bonne et que c’était difficile », dit-elle.

C’est son mari qui lui a suggéré de faire une technique en métiers d’art. Elle l’a pris au mot tout en pensant que c’était un peu fou : « J’ai laissé mon travail et j’ai commencé l’école au Centre de céramique Bonsecours, où je me suis sentie tout de suite à la bonne place. Je pensais que c’était très technique, sans plus, mais je me suis rendu compte que c’était bien plus de travailler avec ses mains, qu’il y avait une démarche artistique forte qui soutenait la production. On apprend beaucoup pendant les deux premières années et, durant la troisième, on développe une collection. L’école donne un gros coup de main pour aider à démarrer la première année d’exploitation. Maintenant, j’ai mon propre atelier et je vis bien de mon art. »

Elle a gagné des bourses, des prix et croit que son succès vient du fait que ses créations suscitent la curiosité, car on ne voit pas si souvent de porcelaine. « Quand elle est cuite, elle ressemble au verre. Il y a une translucidité qui attire l’attention. J’ai une toute petite production, je ne me suis pas éparpillée et mes pièces sont souvent des coups de cœur pour les gens », affirme Marie-Hélène Robillard.

Marie-Hélène Robillard est porte-parole 2018 du plus grand rendez-vous de la céramique au Canada, les 1001 Pots de Val-David. L’événement se tiendra du 6 juillet au 12 août prochains au cœur du village de Val-David.

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Trois céramistes à découvrir

L’une exerce le métier de céramiste depuis huit ans, les deux autres sont sorties de l’école il y a un an. Parcours.

Céline Fafard

Parceline, un souffle poétique

Céline Fafard a terminé l’école de céramique Bonsecours il y a huit ans. Elle crée des pièces pour la cuisine, mais elle a aussi un volet pour les plantes, comme des cache-pots et des objets pour la maison, dont des luminaires. « On essaie d’avoir une signature. J’ai deux collections, dont une avec des textes dessus. C’est beaucoup de travail, car il faut porter tous les chapeaux, de la fabrication à la promotion, et qu’il faut trouver l’équilibre pour rentabiliser l’entreprise. Ma plus grosse contrainte actuelle est la production, mais c’est difficile de trouver de la main-d’œuvre, les personnes sortant de l’école voulant créer leurs propres objets. C’est satisfaisant, mais essoufflant ! »

Isabelle Simard

Les objets du quotidien

Originaire de Saguenay, Isabelle Simard emménage à Montréal à l’âge de 17 ans, étudie en arts, puis crée une entreprise de bijoux avec sa meilleure amie. Suivront des cours de fleuristerie et d’horticulture, mais elle avait envie de faire des choses utilitaires. « Vivre avec l’objet du quotidien est très important pour moi. Par exemple, déguster un café dans une jolie tasse. Je me suis inscrite à l’école Bonsecours et j’ai terminé mon cours en mai 2017. Je mets l’accent sur la couleur et les formes et je fais beaucoup de tests, dans les boutiques, les marchés, on y va toujours à tâtons la première année ».

Cybèle Pilon

Des créations hautes en couleur

À 28 ans, Cybèle Pilon semble du genre à ne pas tourner autour du pot ! « J’ai eu mon DEC en céramique il y a un an. J’avais un bac en communications, mais j’ai toujours été attirée par les métiers d’art. » Cybèle est tombée enceinte pendant sa formation et, deux semaines après l’accouchement, elle est retournée à l’école… Une fois son DEC en poche, elle a fait une demande pour bénéficier d’une STA (subvention pour travailleurs autonomes). « Cette aide me permet de passer du temps à me faire connaître, de prendre du recul par rapport à la production et de développer ma signature, ce qui est essentiel pour y arriver. »

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Centre de céramique Bonsecours
Un tremplin pour les diplômés

« L’école existe depuis 1967, mais elle donnait des cours inférieurs à l’époque. Ça fait 18 ans que le centre donne le DEC avec le cégep du Vieux Montréal. Ce cours vise à former des travailleurs autonomes », explique Luc Delavigne, chargé de projet au Centre de céramique Bonsecours. Il ajoute que ce sont des cours axés avant tout sur la maîtrise du métier et non sur l’expression artistique. 

La durée du programme est de trois ans, mais certains le terminent en quatre ans, car c’est assez exigeant. S’y enseignent les trois grands métiers de la céramique, à savoir le façonnage, le tournage et le moulage.

« L’idée est que les étudiants maîtrisent toutes les techniques de céramique pour qu’à la fin de leur DEC, ils puissent choisir une signature visuelle qui leur permettra d’aller dans la direction qu’ils veulent. Certains font des objets utilitaires très fonctionnels, d’autres des éléments plus décoratifs, ou encore des pièces d’expression, comme la sculpture », poursuit le chargé de projet. 

Les finissants bénéficient de gros avantages puisqu’ils jouissent d’un atelier de transit qui sert d’incubateur à leur future entreprise. « Ils y ont accès en tout temps pendant un an dans le but de faire deux productions pour deux évènements commerciaux, à savoir 1001 Pots à Val-David et le Salon des métiers d’art de Montréal. Ils peuvent y tester leur production auprès du public à des périodes de l’année différentes et dans des endroits différents », précise Luc Delavigne. 

Ainsi, ils ajustent leurs prix ou modifient leurs produits en fonction de la demande des clients. C’est aussi le moyen d’engranger un peu d’argent pour acheter le matériel dont ils auront besoin.

Un bilan positif

Le Centre célèbre cette année son centième diplômé du DEC. « Sur les 100, il y en a 80 qui sont encore en activité aujourd’hui. Certains enseignent le travail de la céramique ou ont ouvert une boutique de céramique en plus d’avoir leur propre production. D’autres animent des ateliers durant lesquels les gens font une pièce avec laquelle ils repartent. Ça marche très bien, surtout dans les régions touristiques, car c’est une activité accessible à tout âge », dit M. Delavigne.

« D’autres encore font de l’intégration d’art à l’architecture, de la décoration. Le profil est très large », remarque Luc Delavigne. Il croit aussi que les céramistes profitent du mouvement écoresponsable. Les gens veulent connaître la provenance du produit qu’ils achètent et le fait de savoir qu’il a été créé par une personne qu’ils rencontrent s’inscrit dans des valeurs qui sont très prisées actuellement.

Enfin, les styles évoluent, se modernisent. « Il y aura toujours des personnes qui vont faire de la céramique comme il y a 2000 ans, mais il y en a aussi qui suivent les tendances contemporaines avec des techniques actuelles. Les possibilités sont immenses », affirme M. Delavigne.

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