Métier : mosaïste

Morceaux choisis

Penchée sur son établi, dans le grand local lumineux qu’elle partage avec deux autres artisans rue Aird, à Montréal, Laurence Petit assemble sur une plaque de bois de minuscules éclats de pâte de verre. Des tessons de vaisselle ancienne. Des fragments de miroir, des agates, des coquillages microscopiques trouvés sur quelque plage. De temps à autre, elle se saisit d’une pince et taille un morceau pour le caser dans l’espace qu’elle lui réserve.

Elle travaille avec la précision d’une chirurgienne, littéralement : parmi ses outils, certains lui ont été offerts par son dentiste ! Bien sûr, toutes ses œuvres n’ont pas ce goût pour l’infiniment petit. « En ce moment, je me fais plaisir, je m’accorde le temps de faire ces miniatures entre deux projets de plus grande envergure. »

De l’amour et du hasard 

Laurence Petit est devenue mosaïste presque par hasard et beaucoup par amour : amour de l’art, qu’elle côtoie depuis toute petite (papa galeriste, maman courtepointière – « ma mère fait des mosaïques molles ! », comme elle dit en riant), amour aussi d’une liberté qu’elle ne croyait pas possible.

« Un jour, une amie m’a emmenée suivre un cours de mosaïque. J’ai adoré ça, j’ai eu un véritable coup de foudre… Mais je ne croyais pas qu’on pouvait gagner sa vie avec l’art. »

— Laurence Petit

Elle a donc sagement fait des études en communications et en marketing. C’est au d’un voyage en Suisse, où elle a visité l’atelier d’un artisan marqueteur, qu’elle a eu la Grande Révélation : « C’était ça que je voulais faire, avoir mon atelier, vivre de mon art ! Là, j’ai vu que c’était possible. » Elle s’est donc lancée en 2006, et le succès n’a pas tardé.

Il faut dire qu’elle a toujours eu un petit côté entrepreneur : « Enfant, pour avoir de l’argent de poche, j’avais créé un club, le Club Ketchup. Ça coûtait 25 cents par enfant par jour, j’organisais toutes sortes d’activités – surtout du bricolage, bien sûr. Avec la moitié des sous, j’achetais des bonbons et, avec l’autre moitié, des livres de coloriage. »

On peut dire qu’elle avait de la suite dans les idées, celle que tout le monde appelait Frisette (un surnom qu’elle a conservé pour son entreprise) : ces petits morceaux de verre et de céramique rangés par couleur dans des bacs de plastique, répandus autour d’elle sur la table… on dirait tout à fait des bonbons !

Le« docteur Mosaïque » et l'art public

Ses créations, joyeuses, ondoyantes, pleines de fantaisie, sont un hommage à la nature et à la vie elle-même.

« J’adore mélanger les textures, ajouter des éléments naturels comme des pierres ou des coquillages. Je me laisse guider par les matières et les couleurs pour créer. »

— Laurence Petit

Outre des projets personnels, comme cette ravissante collection de miniatures sur le thème de la ruée vers l’or (une période qui la fascine), Laurence Petit travaille pour des particuliers, qui font appel à elle pour orner le mur d’une douche ou le sol d’un hall d’entrée. Elle peut même créer une insertion pour remplacer un carrelage brisé ou encore pour remplir le manque laissé dans un parquet de bois par l’enlèvement d’un mur. « Je suis le docteur Mosaïque ! », dit-elle en riant. Elle crée ainsi des ponts entre l’ancien et le nouveau, mais pas seulement.

Elle en crée aussi entre les gens.

Ainsi, elle a dirigé plusieurs projets collectifs d’art public réalisés avec l’organisme Mu, notamment aux Habitations Jeanne-Mance et aux Îlots Saint-Martin, et elle anime des ateliers en milieu scolaire défavorisé, à raison de six ou sept par année. « C’est un grand bonheur de pouvoir partager ma passion, de mettre de la beauté là où, souvent, il n’y en a pas beaucoup. Et les enfants adorent l’idée de casser des choses pour en construire de nouvelles. Ils s’entraident, se salissent, travaillent debout… et qui sait si certains ne se découvriront pas une vocation ? »

À voir le bonheur qui danse dans les yeux verts de Laurence autant que dans ses œuvres, c’est la grâce qu’on leur souhaite.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.