Opinion : Projet Apuiat

Sortons la politique de la gestion d’Hydro-Québec

Le projet d’éoliennes à Apuiat a fait couler beaucoup d’encre ces dernières semaines. Ce n’est pas la première fois qu’Hydro-Québec se voit contrainte d’approuver un projet qui est politiquement viable, mais n'a aucun sens d’un point de vue financier.

Nous n’avons qu’à penser à la saga des mini-centrales, qui ont finalement été annulées par le gouvernement péquiste en 2013, ou encore à de nombreux autres projets dans la filière éolienne depuis 2005, dont les contrats coûtent davantage à Hydro-Québec que le prix de vente aux consommateurs.

En laissant nos politiciens dicter la gestion d’Hydro-Québec, on risque de s’éloigner de plus en plus de la vision de MM. Lesage et Lévesque lorsqu’ils ont créé ce fleuron.

Reportons-nous à 1962. Le gouvernement Lesage était élu depuis deux ans et faisait la promotion d’une nouvelle vision du Québec, une vision où nous, Québécois, serions maîtres chez nous. Pour réaliser cette vision, le gouvernement libéral de l’époque savait que nous avions besoin d’outils pour développer le potentiel économique québécois. Il a conclu qu’en nationalisant les entreprises d’électricité, il pourrait disposer d’un tel outil qui permettrait aux Québécois d’avoir un service public fiable, qui pourrait offrir de l’électricité à bas prix.

C’est notamment cette fiabilité et ces bas prix qui ont permis le développement de l’expertise québécoise dans plusieurs industries à forte intensité énergétique, dont l’aluminium, l’aéronautique et les centres de données. C’est d’ailleurs pourquoi Hydro-Québec continue à offrir une politique tarifaire bien inférieure à la norme de l’industrie en Amérique du Nord.

C’est justement cette vision d’Hydro-Québec, soit celle de fournir de l’électricité à prix abordable aux Québécois, qui est mise à mal par le projet d’Apuiat.

Selon les calculs d’Hydro-Québec, ce projet entraînera des pertes pour la société d’État se situant entre 1,5 et 2 milliards de dollars au cours des 25 années de son exploitation. Ces pertes, ce sont nous tous, en tant que consommateurs, qui devrons les assumer.

On retrouve un son de cloche similaire du côté de la vérificatrice générale qui, en mai dernier, nous a appris que le développement de l’éolien et d’autres énergies alternatives au Québec avait provoqué une augmentation de nos factures d’électricité à hauteur de 2,5 milliards en huit ans, dont 730 millions pour la seule année 2016.

Surplus d'électricité

La décision d’aller de l’avant avec le projet aurait pu être sensée si nous étions en situation de pénurie d’électricité au Québec, mais ce n’est pas le cas présentement. Les surplus d’électricité d’Hydro-Québec tournent autour de 10 TWh pour les dernières années, soit assez d’électricité pour subvenir aux besoins de la ville de Québec au grand complet. Il s’agit ici d’énergie pour laquelle Hydro n’a pas trouvé de consommateurs, et a dû ouvrir les vannes des barrages pour déverser de l’eau au lieu de l’utiliser pour produire de l’électricité. Ce sont des millions de dollars de revenus potentiels qui ont été perdus. Alors que nous nageons dans les surplus, il est insensé d’aller de l’avant avec un projet aussi coûteux que celui d’Apuiat.

Jean Lesage et René Lévesque étaient de vrais visionnaires lorsqu’ils ont nationalisé la production d’électricité dans les années 60. Grâce à leur audace, nous bénéficions aujourd’hui d’électricité à prix abordable, et d’un réseau de distribution fiable. C’est cette vision que nous défendons aujourd’hui, et que partagent les Québécois. Le gouvernement ne devrait pas substituer le politiquement viable au financièrement viable.

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