Hockey

Les hypothèses s'accumulent

PITTSBURGH — Pascal Dupuis devrait être en mesure de revenir au jeu après deux matchs d’absence, ce soir, contre le Canadien. C’est un énorme soulagement pour l’attaquant des Penguins de Pittsburgh, car si les craintes qu’il a eues vendredi dernier s’étaient avérées, s’il avait eu affaire à un troisième épisode de caillot sanguin, ç’aurait été terminé pour lui.

Durant le camp d’entraînement, Dupuis avait confié au Pittsburgh Tribune-Review qu’il prendrait sa retraite si ses ennuis des deux dernières années refaisaient surface.

Rappelons qu’en 2014, l’attaquant lavallois a été victime de deux embolies pulmonaires – un accident potentiellement mortel – qui ont fait de lui le visage des problèmes thromboemboliques dans la LNH.

Or, Dupuis est loin d’être le seul.

Tomas Fleischmann, du Canadien, a eu des problèmes semblables au cours de sa carrière. Ce sont les caillots sanguins qui ont miné la dernière saison du défenseur Kimmo Timonen, qui ont poussé à la retraite le gardien Tomas Vokoun, qui ont retardé le début de saison du jeune Andrei Vasilevskiy et qui maintiennent l’attaquant Cody McCormick sur la liste des blessés.

On dirait que plus une saison ne se passe sans qu’on entende parler de caillots sanguins.

En fait, depuis 2008, nous avons répertorié dix joueurs aux prises avec ce problème, qu’il s’agisse d’embolies pulmonaires, de thromboses veineuses profondes ou encore d’obstruction du défilé thoracobrachial.

Des problèmes qui ont menacé des carrières, parfois des vies.

Le Dr Philip Wells, de l’Université d’Ottawa, est un pionnier en matière de méthodes diagnostiques pour les thromboses veineuses profondes et les embolies pulmonaires. Il s’étonne de voir, dans un bassin de 700 joueurs, autant d’hommes aux prises avec ce phénomène.

« Dans ce groupe d’âge, la moyenne devrait être d’une personne sur 10 000 ! s’exclame-t-il. Il y a clairement quelque chose qui se passe, parce que sur une période de presque 10 ans, on ne peut plus parler d’anomalie statistique. Se retrouver avec en moyenne un joueur par année aux prises avec un caillot de sang, c’est inhabituel. »

DE MORENZ À FLEISCHMANN

Les caillots de sang sont liés à la pratique du hockey depuis très longtemps. On peut remonter au légendaire attaquant Howie Morenz (1937) ou au gardien étoile Terry Sawchuk (1970), qui ont tous deux succombé à une embolie pulmonaire alors qu’ils étaient hospitalisés. Il s’agissait dans ces deux cas de complications à la suite d’interventions chirurgicales, ce qui n’est pas exceptionnel chez des gens qui doivent demeurer immobiles ou alités après une opération.

Les joueurs actifs qui sont aux prises avec des caillots de sang ne sont pas non plus un phénomène nouveau (Brian Mullen, David Wilkie, Éric Bélanger, Dmitri Yushkevich…), mais leur nombre est actuellement en croissance fulgurante.

« Je ne me souviens pas d’avoir vu ça avant. C’est de plus en plus commun », soutient le Dr David Mulder, qui estime toutefois que ces nombreux cas ne sont qu’une coïncidence.

« Les joueurs qui ont eu des caillots ont tous raté [des matchs]. Dans certains cas, ça a mis fin à leur carrière. C’est un problème très grave. »

— Le Dr David Mulder

LA TEMPÊTE PARFAITE

Trouver des causes précises à ce phénomène est une tâche ardue. Fleischmann, Timonen ainsi que Jed Ortmeyer ont tous trois appris qu’une affection génétique ou congénitale les rendait plus vulnérables. Vokoun, pour sa part, a subi une brûlure à l’aine avec du café lorsqu’il était bébé et l’hypothèse voudrait que cela ait causé chez lui une prédisposition aux thromboses lors de sa première, en 2006.

D’ailleurs, tous ces joueurs, à l’instar de Pascal Dupuis, ont connu plus d’un ennui thromboembolique au cours de leur carrière.

Mais d’autres facteurs peuvent entrer en jeu.

« Que ce soit Chris Bosh au basketball, Serena Williams au tennis ou encore Pascal [Dupuis] ou moi au hockey, les cas se multiplient… ou alors ils sont plus médiatisés qu’avant », note l’ancien attaquant Jed Ortmeyer, qui par trois fois a éprouvé des problèmes dus à des caillots sanguins, ce qui a grandement nui à sa carrière.

« Ce n’est que mon avis, mais je pense que ça a beaucoup à voir avec nos déplacements et notre train de vie. On est déshydratés après les matchs, on embarque dans l’avion, on est immobiles pendant deux heures et on subit le maintien de la pression pendant le transport… C’est un contexte idéal pour la formation d’un caillot sanguin. »

Le docteur Wells est d’accord avec cette théorie.

« Quand on aligne des facteurs aggravants comme ceux-là, ça devient une sorte de tempête parfaite. »

— Le Dr Philip Wells

Il n’y a pas grand-chose que les équipes puissent faire pour protéger les joueurs de ce genre d’incident, surtout ceux qui ne se savent pas plus vulnérables que les autres. Tout au plus les encouragera-t-on à porter des bas de compression en avion, une mesure qui est largement répandue maintenant lorsque des joueurs blessés sont de l’envolée.

D’AUTRES SUPPOSITIONS

Dans plusieurs cas – on ajoute ici les noms de Cody McCormick, de Paul Postma et de Roman Cervenka –, le fait d’avoir été atteint par une rondelle semble avoir été un élément déclencheur.

Quoi, un simple tir bloqué aurait de telles conséquences ?

« Théoriquement, être atteint d’une rondelle derrière le mollet, par exemple, pourrait endommager l’alignement des veines et provoquer un caillot sanguin », affirme le docteur Wells.

Impossible de faire un lien certain, mais il est quand même intéressant de voir qu’à mesure qu’on note l’augmentation des tirs bloqués dans la LNH, on voit apparaître de plus en plus de cas de thromboses veineuses profondes. Il ne s’est jamais bloqué autant de tirs dans la LNH que l’an dernier, et les statistiques démontrent que les tirs bloqués ont augmenté de 10 % en 10 ans – et surtout au cours des cinq dernières campagnes.

« Les drogues de performance qui stimulent le nombre de cellules sanguines pourraient en être une autre, ajoute le Dr Wells. Ça me fait mal de penser à ça, mais c’est à se demander si le recours au dopage sanguin – comme dans le cyclisme avec l’EPO – ne serait pas un facteur. Je ne sais pas jusqu’à quel point ça a été fouillé ni jusqu’à quel point les joueurs sont contrôlés pour cela, mais ça m’apparaît comme une possibilité. »

Bref, pour le moment, les hypothèses s’accumulent. Et le problème demeure entier.

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Un caillot sous la clavicule

L’obstruction du défilé thoracobrachial a pour cause un caillot sanguin qui se forme sous la clavicule. Il s’agit d’une affection moins sérieuse que la maladie thromboembolique, car elle a moins de chances de provoquer des complications graves. Mais ça n’a pas empêché des joueurs comme Adam McQuaid et Andrei Vasilevskiy (et, bien avant eux, Éric Bélanger) de se faire opérer pour une situation qui devenait vite intolérable. « À la fin de ma deuxième saison dans la LAH [1998-1999], j’ai vidé mon appartement de Springfield, et le lendemain, j’avais le bras droit bleu et enflé, se souvient l’ancien attaquant Éric Bélanger. Je ressemblais à Popeye. Je croyais que j’avais mal forcé. Trois jours plus tard, j’ai décidé d’aller à l’hôpital et ils ont trouvé un caillot de sang dans une veine qui mène droit au cœur. On m’a gardé pendant 10 jours aux soins intensifs… »

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Trois fois plutôt qu’une pour Ortmeyer

Victime de trois épisodes thromboemboliques, l’ex-attaquant Jed Ortmeyer a été le premier cas récent auquel des joueurs comme Pascal Dupuis et Tomas Fleischmann ont pu se comparer. En 2001, à l’université, on a traité sa thrombose veineuse profonde comme la simple conséquence d’une opération à un genou. Cinq ans plus tard, il a subi une embolie pulmonaire avec les Rangers de New York. C’est à ce moment que les médecins ont découvert sa prédisposition. Devant se plier à une autre opération à un genou en 2008, alors qu’il portait les couleurs des Predators de Nashville, Ortmeyer a eu un troisième épisode… « J’ai entendu de plusieurs sources qu’après cela, les équipes avaient peur de moi et ne voulaient pas m’avoir dans les parages. Plusieurs équipes me considéraient comme un bien endommagé et préféraient donner la chance à un autre. »

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Qu’est-ce que la maladie thromboembolique ?

Cette maladie, avec laquelle doivent composer de plus en plus les joueurs de hockey, se forme dans les veines et non dans les artères. Elle a deux formes. D’abord la thrombose veineuse profonde (TVP), où un caillot sanguin se loge dans une veine de la jambe ayant subi un traumatisme quelconque. Susceptible de devenir aussi grosse que le pouce, la TVP peut boucher des veines depuis le mollet jusqu’à l’aine. S’il n’est pas traité assez rapidement, le caillot risque de remonter au cœur et ensuite d’obstruer les poumons. C’est là que se déclenche l’embolie pulmonaire, une complication dont 25 % des victimes meurent sur-le-champ.

Source : Clinique Mayo

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