En route vers le 375e de Montréal

LA VISITE DE JACQUES CARTIER À HOCHELAGA

Né à Saint-Malo, en Bretagne, Jacques Cartier a 44 ans lors de son voyage de 1535 qui le conduit à l’île de Montréal. Selon l’ensemble de la littérature historique, Cartier ne passe que 24 heures à Hochelaga. Sa rencontre avec les Iroquois se passe plutôt bien et prend des allures de cérémonie religieuse, selon ce qu’on en sait. Les occupants lui présentent des malades à guérir. Cartier leur lit l’Évangile selon saint Jean et la Passion du Christ. Par signes, les autochtones lui expliquent aussi qu’il y a plusieurs saults (cascades) sur le fleuve.

MONTRÉAL, 375 ANS D’HISTOIRE

Au commencement était Hochelaga

Le 19 mai 1535, appareillant à Saint-Malo, Jacques Cartier et son équipage partent en mer. Direction : l’Amérique. Leur mission : trouver de l’or et d’autres métaux précieux. Et, mieux encore, un passage vers l’Asie.

Leur premier voyage, en 1534, a été assez concluant pour que l’explorateur reçoive du roi de France, François 1er, le financement d’une seconde expédition. Mais cette fois, Cartier ne s’en tiendra pas à faire le tour des rives du golfe du Saint-Laurent.

Grâce aux indications des Amérindiens, il remonte le Saint-Laurent. Le 2 octobre 1535, Cartier met le pied sur l’île de Montréal. Il y rencontre les Iroquoiens, peuple sédentaire pratiquant l’agriculture (maïs, courge, haricot, tabac). Le nom de ce lieu : Hochelaga.

Avant même d’y avoir mis le pied, Cartier a entendu ce nom. Un passage de la deuxième relation de ses voyages évoque l’endroit à la mi-août 1535. On lit : « Il y a entre les terres du su et celles du nort envyron trente lieues et plus de deux centz brasses de parfond. Et nous ont lesdits sauvaiges certiffyé estre le chemyn et commancement du grand fleuve de Hochelaga et chemyn de Canada, lequel alloit tousjours en estroississant jusques à Canada, et puis que l’on treuve l’eaue doulce audit fleuve qui va si loing que jamais homme n’avoit esté au bout qu’ilz eussent ouy et que aultre passaige n’y avoit que par bateaulx. »

Cartier fera un compte rendu exhaustif des lieux au roi de France, souligne l’historien Martin Landry, du projet Montréal en histoires.

« Cartier mentionne l’existence d’un village situé à proximité de la montagne qu’il nomme mont Royal. Il précise aussi que le village est entouré d’une haute palissade de pieux et de poutres de bois ayant une seule porte d’entrée. »

— Martin Landry, historien

« À l’intérieur, une cinquantaine de maisons longues abritent les habitants qui seraient entre 1000 et 1500, selon l’ethnologue Bruce Trigger [Paul-André Linteau, Brève Histoire de Montréal, p. 12] », écrit Martin Landry.

On sait que Cartier et ses hommes furent bien accueillis. Ce qu’on ne sait pas, par contre, c’est l’endroit exact de l’emplacement du village iroquois. À ce jour, les fouilles archéologiques ont relevé plusieurs pistes, mais elles n’ont pas percé ce mystère, dit Martin Landry.

« Il faut donc se fier à l’interprétation du récit de Cartier, écrit l’historien. Si l’on croit qu’il est arrivé sur l’île par le fleuve, on peut prétendre qu’Hochelaga est quelque part entre la montagne et l’actuelle rue Sherbrooke (une plaque témoignant de l’existence du village est installée près de l’entrée principale de l’Université McGill). Certains experts situent le village dans l’arrondissement actuel de Ville-Marie, à la hauteur de l’avenue du Docteur-Penfield. Il pourrait aussi être dans l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal ou Outremont, autour du parc Outremont ou du parc Pratt. »

Autre hypothèse : Cartier serait arrivé par la rivière des Prairies et le village de ses hôtes serait alors situé de l’autre côté de la montagne.

Pour des raisons encore inexpliquées aujourd’hui, la population du village iroquois disparut par la suite. Champlain n’en trouva pas trace lors de son exploration du fleuve Saint-Laurent en 1603.

UNE CARTE DE VENISE

Cela dit, les résultats de l’exploration de Jacques Cartier ne passent pas inaperçus sur le Vieux Continent. À preuve, dès 1556, une carte publiée à Venise illustre le village d’Hochelaga tel qu’imaginé à l’époque par les érudits européens.

Intitulée La terra de Hochelaga nella Nova Francia, cette gravure, reproduite ici, est le fruit du travail du cartographe italien Giacomo Gastaldi et de son compatriote géographe Giovanni Battista Ramusio. À l’origine, elle a été publiée dans l’ouvrage en six tomes Delle navigationi et viaggi.

Mais attention ! Ce plan ne serait pas très réaliste. « En effet, plusieurs éléments laissent croire qu’il s’agit d’une vision plutôt européenne de l’urbanisme de l’époque de la Renaissance italienne, écrit Martin Landry. C’est le cas de la place centrale en forme de carré et de la disposition très régulière des habitations. La gravure donne donc une bonne idée de la façon dont les Européens percevaient les Amérindiens de l’époque, en fonction de ce que les récits des explorateurs leur apprenaient. »

La carte de Gastaldi et Ramusio compte un index de 19 entrées sur des parties précises du village. L’auteur a aussi situé le mont Royal ici appelé Monte Real. C’est peut-être là la première déclinaison de la graphie Mont Royal à celle de Montréal. Mais d’autres pistes existent. Ainsi, le site internet de Ressources naturelles Canada soutient que le nom de Montréal apparaît pour la première fois dans l’ouvrage Cosmographie universelle de tout le monde publié en 1575 par l’historiographe français François de Belleforest. Autre hypothèse quant à l’origine du nom, une carte de 1612 attribuée à Champlain emploie le nom Montréal en référence à Claude de Pontbriant, seigneur de Montréal en Périgord.

ORIGINE DU MOT « HOCHELAGA » 

Et qu’en est-il de l’origine du nom « Hochelaga » ? 

« Le terme iroquoien “Hochelaga” signifierait “entre deux monts” et renvoie vraisemblablement à l’emplacement du village situé près du mont Royal, indique Martin Landry. Or, c’est aussi possible qu’“Hochelaga” soit une variante d’“Osekare” (chaussée de castors) ou d’“Osheaga” (gros rapides). »

N’oublions pas que les rapides de Lachine ne sont pas loin des lieux présumés du village… Se basant sur les travaux de l’historien néo-brunswickois William Francis Ganong, la Commission de toponymie du Québec suggère qu’il n’y aurait pas de contradiction entre les deux significations. « Dans la mythologie amérindienne, il se crée des rapides lorsque les dieux, voulant se rendre en amont des cours d’eau, détruisent les chaussées construites par des castors géants, indique-t-on sur le site de la Commission. […] Les deux sens de “gros rapides” et “chaussée des castors” attribués au nom “Hochelaga” deviennent alors compatibles. »

Hochelaga vu par Jacques-Cartier

Ces extraits de la deuxième relation (1535-1536) des voyages de Jacques Cartier donnent une idée du climat régnant à l’arrivée de l’explorateur. Ceux-ci sont tirés de l’ouvrage Voyages au Canada suivis du voyage de Roberval, Lux éditeur, 2000.

CHAPITRE VI

« Et navigasmes de temps à gré [propice] jusques au deuxième jour d’octobre que nous arrivasmes audit Hochelaga qui est distant du lieu où estoit demeuré le gallion de envyron quarente cinq lieues auquel temps et chemin faisant trouvasmes plusieurs gens du pays lesquelz nous apportoient du poisson et aultres victuailles danssant et menant grand joye de notre venue. Et pour les attraire [attirer] et tenir en amityé avecques nous leur donnoit le cappitaine des costeaulx pour recompance desquelz estoient fort contens. Et nous arrivez audit Hochelaga se randirent au devant de nous plus de mil personnes tant hommes femmes que enffans lesquelz nous firent aussi bon racueil que jamais pere fist à enffant menant une joye merveilleuse. Car les hommes en une bande danssoient les femmes de leur part et les enffants de l’aultre. Et nous apporterent force poisson de leur pain faict de gros mil qu’ilz gectoient dedans noz barques en sorte qu’il sembloyt qu’il tombast de l’ayr. »

CHAPITRE VII 

« Le landemain au plus matin le cappitaine se acoustra et fict mectre ses gens en ordre pour aller veoir la ville et demourance dudit peuple et une montaigne qui est jacente à leurdite ville où allèrent avecques ledit cappitaine les gentilzhommes et vingt mariniers et laissa le parsus [le reste] pour la garde des barques et print troys hommes de ladite ville de Hochelaga pour les mener et conduyre audit lieu. Et nous estans en chemyn le trouvasmes aussi battu qu’il soit possible de veoyr et des plus belles terres du monde plaines de chaisnes aussi beaulx qu’il y ait en forest de France soubz lesquelz estoit la terre couverte de glan. » « Et au parmy [milieu] d’icelles champaignes [plaines] est scituee et assise la ville de Hochelaga pres et joignant une montaigne qui est alentour d’icelle labouree et fort fertille de dessus laquelle on veoyt fort loing. Nous nommasmes icelle montaigne le mont Royal. »

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