Étude
Un pas de plus dans la recherche sur le VIH
La Presse
Quand une personne est infectée par le VIH, le nombre de ses lymphocytes CD4 – les chefs d’orchestre du système immunitaire – diminue progressivement. Un processus qui mène, graduellement, à l’acquisition du sida. On pourrait croire que les lymphocytes qui meurent sont tous infectés par le virus… mais seule une partie l’est. La majorité des lymphocytes qui meurent sont sains.
Ce phénomène est connu depuis longtemps, mais le mécanisme reste en bonne partie incompris. Dans une étude publiée dans le journal
, une équipe affiliée au Centre de recherche du CHUM vient de proposer un nouveau mécanisme qui pourrait potentiellement expliquer une partie de ce phénomène.« Le virus veut tellement s’assurer que la cellule infectée ne soit pas attaquée par le système immunitaire qu’il serait capable de tromper le système immunitaire en le redirigeant vers des cellules saines », explique Andrés Finzi, professeur au département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal.
Comment ferait-il pour tromper le système immunitaire ?
Lorsqu’il infecte une cellule, le virus perdrait une partie de son enveloppe. Ces parties d’enveloppe iraient se loger sur des cellules saines, parce que ces dernières possèdent des récepteurs (CD4) qui les attirent.
« Tout à coup, la cellule saine se retrouve donc avec une composante virale à sa surface. Le système immunitaire voit ça et le reconnaît comme quelque chose d’infecté. Et pourtant, elle n’est pas infectée. »
— Andrés Finzi, professeur au département de microbiologie, infectiologie et immunologie de l’Université de Montréal
Pour couronner le tout, le virus prendrait la précaution de retirer les récepteurs CD4 des cellules qu’il infecte, comme s’il voulait protéger son territoire pour s’y multiplier à sa guise.
« Bref, résume Andrés Finzi, c’est comme s’il était capable d’envoyer la police ailleurs pour continuer, lui, à faire son travail. »
Bien qu’on soit loin du traitement miracle, l’équipe d’Andrés Finzi pense qu’il pourrait être possible de déjouer ce système grâce à une toute petite molécule synthétisée en laboratoire, nommée JP-III-48. Cette molécule, créée par des chercheurs collaborateurs de Harvard et de l’Université de Pennsylvanie, imite les propriétés du récepteur CD4.
« En laboratoire, quand on met cette petite molécule dans le milieu, les parties d’enveloppe du virus qui sont solubles se lient aux petites molécules en pensant que c’est du CD4 », explique Andrés Finzi. Résultat : les parties d’enveloppe du virus ne peuvent plus se lier aux cellules saines.
« Au lieu de tuer des cellules saines, le système immunitaire est redirigé pour aller tuer des cellules infectées. »
— Andrés Finzi
Plus tôt cette année, l’équipe d’Andrés Finzi avait découvert une autre propriété de cette petite molécule : celle d’ouvrir l’enveloppe du virus à la surface des cellules infectées pour le forcer à découvrir ses parties vulnérables. Cette découverte s’est classée parmi les plus grandes de l’année en matière de recherche sur le VIH selon le site spécialisé HIVPlusMag tout en suscitant l’intérêt des chercheurs et journalistes un peu partout dans le monde.
Andrés Finzi insiste : ses travaux ont été menés en laboratoire et il reste encore du chemin à parcourir avant d’en arriver, peut-être un jour, à un traitement efficace contre le VIH en utilisant ce type de molécules.
Prochaine étape : identifier de nouvelles molécules et générer suffisamment de données pour être capable de tester l’approche sur des modèles animaux.